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AVANT-PROPOS.

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Table des matières


E m’estonne que l’on ait esté jusqu’à present sans donner au public un Traité bien ample du Toisé des Bastimens; car non feulement il est utile à ceux qui font bastir, d’avoir une connoissance de l’usage du toisé, pour n’estre pas trompez sur la dépence quils ont à faire; mais il est absolument necessaire aux Entrepreneurs de sçavoir exactement toiser leurs ouvrages. Il y a eu quelques Auteurs qui en ont écrit, du Cerceau dans son Livre des50bastimens, imprimé en1611. a donné le toisé de chacun des bastimens qu’il propose, pour en faire connoistre la dépence; mais outre qu’il ne parle point de plusieurs ouvrages qui n’estoient pas en usage de son tems, comme des planchers creux, des cloisons creuses &autres; il n’entre pas mesme dans le détail des moulures,&se contente de dire qu’une corniche doit estre comptée pour demi-toise, ce qui ne peut pas servir de regle, parce qu’il y a des corniches où il s’y trouve une fois plus d’ouvrage qu’en d’autres, ainsi l’on ne sçauroit s’asseurer sur ce qu’il a écrit du toisé; il dit à la fin que le Roy par un nouvel Edit avoit ordonné, que les faces des bastimens seroient toisées leur longueur sur leur hauteur seulement, comme si elles estoient toutes unies, sans avoir égard aux ornemens d’Architecture,&que quand on en voudroit beaucoup faire, qu’il en seroit fait un marché à part, suivant des desseins arrestez. Je crois que c’est ce qui a donné lieu à l’usage du toisé, que l’on appelle toisé bout-avant, c’est-à-dire, toiser les faces des maisons&autres ouvrages, la longueur sur la hauteur seulement, il y a plusieurs autres particularitez dans cette maniere de toiser qu’il feroit inutile de rapporter, puisqu’elle n’est plus en usage.

Depuis cet Auteur, Louis Savot Medecin, a fait un Livre intitulé, L’Architecture Françoise, dans lequel il y a un Chapitre du Toisé de la maçonnerie&de la charpenterie; mais ce qu’il en dit est si confus, qu’il est difficile d’en tirer aucune instruction, parce qu’il n’a point suivy d’ordre, ny traité aucun ouvrage à fonds; ce qui fait assez connoistre qu’il n’en parloit pas comme sçavant aussi bien que de plusieurs autres choses sur l’Architecture qu’il a traitées dans son Livre, auquel il a donné un titre qui ne fait pas honneur aux Architectes François, car si un Architecte ne sçavoit que ce qui y est contenu, il seroit tres-gnorant. Mais c’est la manicre de plusieurs personnes de lettres, lesquels ayant estudié quelque tems l’Architecture, s’imaginént en entendre mieux les principes que ceux qui en font profession; ce qui peut leur donner cette presomption est, qu’ils trouvent si peu de ceux qui se disent Architectes, qui le soient effectivement, qu’ils croyent aisément estre plus habiles&plus éclairez qu’eux. Il est vray qu’ils peuvent acquerir une notion generale de l’Architecture par la lecture des bons Auteurs,&après avoir veu quelques ouvrages estimez des sçavants; mais ils ne sçavent pas pour cela, comme ils le croyent, la theorie de cet Art cette partie ne s’acquiert qu’avec beaucoup d’étude&d’experience, en sorte qu’elle est inséparablement attachée à la pratique,&qu’il faut joindre l’une à l’autre pour estre habile. La theorie de l’Architecture est un amas de plusieurs principes qui establissent, par exemple, les regles de l’analogie, ou la science des proportions, pour composer cette harmonie qui touche si agreablement la vûë;&qui instruisent des regles de la bienséance, pour ne rien faire qui ne soit d’un caractere convenable au sujet que l’on s’est proposé, ce caractere doit estre exprimé par le choix de certains membres, dont l’ordonnance&l’arrangement doivent faire connoistre que le tout&les parties ont ensemble un rapport mutuel à l’espece de bastiment dont il s’agit. Voila une legere idée de la theorie de l’Architecture,&ce qu’à peine possedent bien ceux qui ont estudié dés leur jeunesse,&qui avec toutes les parties necessaires, comme le dessein, les Mathematiques, principalement la Geometrie, la lecture des Auteurs l’estude des ouvrages antiques&modernes, cela joint à un heureux genie&à un bon jugement, ont eu des occasions avantageuses pour joindre par une longue experience, &une grande application la pratique à la theorie; à peine, dis-je, ceux qui ont toutes ces qualitez, difficiles à trouver dans une mesme personne, peuvent-ils parvenir à ce qu’on appelle le bon goût qu’il faut avoir pour decider justement sur la composition de plusieurs desseins que l’on peut faire sur un mesme sujet, afin de choisir le plus convenable, cela paroît cependant si facile à bien des gens, qu’ils s’imaginent que sans aucune science, il suffit d’avoir un peu de bon sens pour s’y connoistre& pour en decider.

Pour revenir au toisé des bastimens, nous n’avons rien eu jusques icy de plus ample sur cette matiere, que ce que Monsieur de Ferriere Avocat en Parlement à depuis peu donné au public dans son grand Coûtumier, mais le Toisé des plus difficiles ouvrages n’y est pas expliqué, je ne pretends pas trouver à redire à ce qu’a fait cet Auteur, mais il est certain neanmoins que quand la chose sera poussée plus loin, le public en recevra plus d’utilité; c’est pourquoy jay donné à ce Traité toute l’étenduë dont il a besoin pour le rendre intelligible&utile. Je commence par une geometrie pratique, afin que ceux qui voudront sçavoir à fonds le Toisé des Bastimens, ne soient pas obligez d’avoir recours à d’autres Livres. Je parle de la construction de toutes les fortes d’ouvrages qui composent un bastiment avant que d’en donner le Toisé, non seulement pour le mieux expliquer, mais aussi pour inftruirc ceux qui font bastir,&pour empescher qu’ils ne soient trompez. Je me suis un peu estendu sur le Toisé des moulures, afin qu’il n’y eut aucune difficulté dans les differens cas qui se rencontrent par leur assemblage. J’enseigne ensuite la maniere de construire&de toiser les murs de rempart&les murs de terrasse,&je donne une regle fondée sur les mecaniques, par le moyen de laquelle l’on peut assez justement sçavoir leur épaisseur par rapport à la hauteur des terres qu’ils doivent soûtenir.

Et comme la charpenterie fait une des principales parties des bastimens, j’ay traité cette matiere un peu amplement: je parle de l’origine des combles, des fautes que l’on y commet; je donne quelques regles pour sçavoir les grosseurs des bois par rapport à leur portée,&j’explique la maniere de les toiser suivans l’usage&autrement.

Je parle ensuite de la couverture, de la plomberie, de la menuiserie, de la ferrure, de la vitrerie, de la peinture d’impression,&du pavé de grais,&je donne la maniere de toiser ou de compter ces sortes d’ouvrages. Je ne dis rien des prix, parce qu’ils font differens selon les endroits où l’on fait travailler,&mesme que les ouvriers font plus ou moins habiles,&par consequent plus chers les uns que les autres; ainsi j’ay crû que ce seroit une chose inutile; je me fuis feulement contenté de donner quelque connoissance de la bonne ou mauvaise qualité des materiaux.

Pour ne rien obmettre dans ce Traité de tout ce qui concerne les bastimens, je rapporte l’exposition du texte de la Coûtume sur les servitudes,&les rapports des Jurez. J’en donne une explication établie par l’usage, afin qu’on puisse y avoir recours dans le besoin; je parle aussi de la maniere dont on donne les allignemens pour les murs entre les voisins.

Je donne enfin un modele de de vis par lequel je tâche de faire entendre comme l’on doit éviter les équivoques&les contestations en specifiant toutes les circonstances qu’on y doit observer. Voila en general ce que contient le Livre que je donne au public, on trouvera au haut de toutes les pages, Geometrie pratique, pour Architecture pratique, c’est une faute d’impression que je n’ay pû empescher, parce que je m’en fuis apperçû trop tard, il y en a encore d’autres que je prie le Lecteur de vouloir bien excuser.

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