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AVANT-PROPOS.

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Il est dangereux, dans les sciences, de conclure trop vite. Quand on raisonne d’après un nombre insuffisant d’observations, il est facile, avec un peu d’esprit, d’imaginer quelque système auquel ces observations s’accordent, et, comme les génies diffèrent, il n’est pas rare de voir s’élever sur les mêmes faits cent hypothèses différentes. Ce sont là jeux de finesse et de patience qui peuvent séduire l’imagination, mais qu’une saine méthode réprouve. Cet art plus ou moins brillant de se satisfaire en créant des fantômes, est pernicieux dans la recherche de la vérité, et le sort du fabuleux Ixion n’est pas rare parmi les philosophes.

Ces réflexions trouvent au commencement de ce travail, sur les circonvolutions des singes, une place naturelle. On a reproché à l’auteur de s’être renfermé dans un cercle trop restreint, en se bornant à une seule famille naturelle. Il semble, en effet, à beaucoup de gens qu’il est plus beau de disserter légèrement de omni re scibili que d’approfondir un seul point; car, séduits par ce qui brille, enchaînés aux habitudes des sens, les hommes se laissent, en général, attirer aux surfaces bien plus qu’au fond des choses. Le livre que nous offrons au public est une protestation contre cette tendance; on espère y montrer qu’en concentrant son attention sur un ordre particulier de faits, qu’en observant de toutes ses forces, on arrive à des résultats utiles, et qu’une course à travers champs n’eût jamais fait atteindre.

J’ai, dans ce travail, étudié scrupuleusement les plis cérébraux des singes. Plusieurs raisons m’ont engagé à traiter en premier lieu ce sujet: non-seulement la ressemblance singulière du cerveau des singes avec celui de l’homme donnait à cette étude un attrait tout particulier, mais, en outre, la collection des cerveaux de singes que possède le muséum d’histoire naturelle de Paris ne me présentait qu’un très-petit nombre de lacunes, et de toutes les familles de mammifères c’était celle qui m’offrait les conditions les plus favorables à la recherche d’interprétations positives, par le grand nombre de comparaisons que je pouvais établir; en effet, à l’exception des Gorilles, des Colobes, des Alouattes et des Sakis, il est peu de groupes qui ne soient point représentés dans mon travail, encore ai-je pu, à l’aide de moules pris dans l’intérieur des crânes de notre collection, combler, à certains égards, ces lacunes. Ainsi, dans cette grande chaîne de l’Homme aux Hapalinés, j’ai pu étudier l’arrangement des plis cérébraux, et j’ose espérer que, par le nombre de figures originales et observées avec le plus grand soin que renferme mon atlas, je paraîtrai en avoir donné une idée suffisante.

On pourra aisément remarquer, en examinant dans notre pl. 12 la série comparative des cerveaux d’Homme et de Singes, l’analogie singulière que présentent, dans tous ces êtres, les formes cérébrales. Le cerveau plissé de l’Homme et le cerveau lisse du Ouistiti se ressemblent par ce quadruple caractère, d’un lobe olfactif rudimentaire, d’un lobe postérieur recouvrant complètement le cervelet, d’une scissure de Sylvius parfaitement dessinée, et enfin d’une corne postérieure au ventricule latéral.

Ces caractères ne se rencontrent simultanément que dans l’Homme et dans les Singes. Dans tous les autres animaux, le cervelet demeure à découvert; il y a, en outre, le plus souvent, un lobe olfactif énorme, même dans l’Éléphant, et, à l’exception des Makis, nul ne présente de scissure comparable à une scissure de Sylvius enfermant un lobe central.

Ainsi, il y a une forme du cerveau propre aux Singes et à l’Homme, et il y a en même temps dans les plis du cerveau, quand ils apparaissent, un ordre général, une disposition dont le type est commun à tous ces êtres.

Cette uniformité dans la disposition des plis cérébraux dans l’Homme et dans les Singes est digne, au plus haut point, de l’attention des philosophes. De même, il y a un type particulier de plissement cérébral dans les Makis, les Ours, les Felis, les Chiens, etc., dans toutes les familles d’animaux enfin. Chacune d’elles a son caractère, sa norme, et dans chacun de ces groupes les espèces peuvent être aisément réunies d’après la seule considération des plis cérébraux.

Il serait utile d’examiner successivement chacune de ces séries partielles. De cette comparaison attentive de tous les individus qui composent une même famille naturelle résulterait ce grand avantage de pouvoir substituer, dans la comparaison générale de tous les groupes entre eux, des abstractions précises, des unités idéales, à des multitudes confuses. Mais la légitimité de ces abstractions a une condition nécessaire, c’est de reposer sur un nombre suffisant d’observations exactes. Voilà pourquoi des travaux entrepris sur le même sujet dans le groupe des Lémuriens ne seront point encore publiés, le système des observations nécessaires n’ayant pu être complété ; aussi, laissant de côté pour quelque temps les Makis et les Insectivores, aborderons-nous, dans un prochain travail, l’étude du cerveau des Carnassiers, nos séries étant, sur ce point, plus complètes. Ce ne sera qu’après avoir achevé la suite de ces monographies que nous essayerons d’aborder la recherche d’une question importante, mais insoluble dans l’état actuel de la science, celle de la détermination des plis cérébraux homologues dans des animaux appartenant à des familles différentes. L’ouvrage que nous publions aujourd’hui est un premier effort dans cette voie.

Nous osons espérer que ces recherches seront de quelque utilité aux hommes que l’étude du cerveau intéresse. Je serais heureux si, en appelant l’attention sur ce sujet, j’inspirais aux voyageurs et aux psychiatres la pensée de reprendre cette étude, et de la compléter, en ce qui touche l’espèce humaine, par une étude approfondie des variétés que les plis cérébraux présentent, aux différents âges de la vie, dans les différentes races de la famille humaine, et dans ces cas de monstruosité si fréquents, hélas! parmi nous.

Qu’il me soit permis de rendre ici un hommage de reconnaissance à la bienveillance avec laquelle mes maîtres en science ont accueilli ce travail. Il m’a été rendu facile par l’extrême générosité avec laquelle feu M. Laurillard en premier lieu, et depuis, M. le professeur Duvernoy, ont confié à mon examen les cerveaux de la riche collection du muséum. Enfin un philosophe illustre a daigné m’éclairer de ses conseils, et, en me permettant de mettre ce livre sous le patronage de son nom, met aujourd’hui le comble aux bontés dont il m’honore.

Mémoire sur les plis cérébraux de l'homme et des primatès

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