Читать книгу Évolution des procédés - la séparation de l'air atmosphérique en ses éléments, l'oxygène et l'azote - Raoul Pictet - Страница 6

Les origines de la liquéfaction de l’air atmosphérique. — Son état actuel.

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C’est en 1877 que les gaz permanents disparurent. Coup sur coup l’oxygène, l’azote, l’oxyde de carbone, l’éthylène furent liquéfiés et ramenés dans la voie commune à toutes les vapeurs qui se liquéfient.

Deux méthodes à cette époque marchaient de front:

La méthode dite des cascades de températures que j’employai spécialement pour obtenir et conserver de très basses températures.

Dans ce système on utilise un premier liquide volatil permettant d’atteindre une température déjà basse, comme on opère dans une machine frigorifique à compression. J’employai l’acide sulfureux anhydre SO2, qui jouit de propriétés exceptionnelles dans la pratique, tout spécialement par le fait qu’on supprime tout graissage. Ainsi, les canalisations restant toujours propres et sans aucune trace de graisse, les congélations accidentelles n’obstruent aucune communication entre les organes de la machine; le fonctionnement régulier et continu est assuré.

On se sert de ce premier abaissement de température pour condenser dans le réfrigérant de la machine frigorifique les vapeurs d’un liquide volatil plus actif, le protoxyde d’azote, ou l’éthylène.

Cette deuxième machine frigorifique ne se met en marche normale qu’après la première et permet d’atteindre dans le deuxième réfrigérant une température très basse, environ — 140° à — 150°, si l’on utilise un compresseur Compound faisant un grand vide dans le réfrigérant.

En opérant de la même façon avec un troisième liquide volatil, qui peut être déjà l’air atmosphérique ou l’azote pur, ou l’oxyde de carbone, et en condensant dans le deuxième réfrigérant ces gaz déjà réfractaires, on atteint les températures très basses de — 190° à — 230°. C’est en opérant une quatrième fois avec le gaz hydrogène agissant dans une quatrième machine frigorifique que l’on peut, comme le fit l’illustre Kamerlin-Onnes, liquéfier l’hélium et atteindre le pôle physique de — 270°, soit trois degrés de la température absolue. Cette méthode des cascades de températures est la plus logique et la plus fertile des méthodes pour descendre dans les régions froides! Elle a comme inconvénient le coût très grand des appareils et force les opérateurs à apporter une attention soutenue dans la surveillance des manœuvres et des conditions de marche.

C’est cette méthode que j’ai utilisée dans mon grand laboratoire de Berlin dès 1891 pour liquéfier de grandes quantités d’air liquide.

En 1894, le professeur Kamerlin-Onnes l’employa dans son institut de Leiden où il s’est illustré par ses beaux travaux.

La seconde méthode est dite: liquéfaction par voie dynamique et par l’emploi de la détente.

Ce fut M. Cailletet qui en fit le premier usage pour obtenir de très basses températures pendant un instant fort court.

On comprime une masse de gaz dans un tube très résistant en verre et l’on refroidit cette masse gazeuse comprimée par le mercure.

En ouvrant plus ou moins brusquement une vanne de dégagement la masse gazeuse se détend comme un ressort et chasse le mercure au dehors.

Le travail produit par cette projection du mercure absorbe de la chaleur et la masse gazeuse subitement refroidie se condense partiellement sous forme d’un brouillard qui, très rapidement, disparaît.

Cette méthode est suffisante pour prouver que le gaz s’est transformé en un mélange de fines gouttelettes tenues en suspension dans le gaz restant, mais est absolument incomplète pour étudier les propriétés elles-mêmes du liquide produit.

Ce n’est qu’en 1895 que le professeur von Linde eut la très ingénieuse idée de rendre la détente de l’air continue. L’abaissement de température obtenu est utilisé par un échangeur pour refroidir l’air comprimé qui se rend à la vanne de sortie.

Ainsi l’air qui s’échappe au dehors est de plus en plus froid et, dans son appareil simple et peu coûteux, von Linde utilise la formule de Joule-Thomson qui précise l’abaissement du gaz sortant en raison de la pression qu’il supporte avant et après la détente et en fonction également de sa température avant la détente.

L’appareil que von Linde décrit, dans son brevet de 1895, a été salué avec un grand enthousiasme, car il a permis l’obtention de l’air liquide dans tous les laboratoires des universités.

En même temps Hampson faisait une invention analogue, construisait un appareil plus simple encore et plus pratique et qu’ou utilise partout aujourd’hui dans les laboratoires à cause de son fonctionnement plus sûr et surtout plus rapide que celui de von Linde. En dix minutes on obtient très facilement quelques centigrammes d’air liquide avec une machine de huit à dix chevaux.

Ces appareils réclament des pressions de 150 à 200 atmosphères, que l’on ne peut obtenir qu’avec des compresseurs spéciaux de construction délicate.

Dans son brevet de 1895 von Linde indique comme une conséquence accessoire de l’obtention de l’air liquide la possibilité d’obtenir avec cet air liquide produit, de l’oxygène à un degré de pureté relativement faible.

Tout l’appareil produisant l’oxygène reçoit de l’air comprimé à 200 atmosphères et cet air comprimé, après son passage dans les appareils en fonctionnement, se rend, toujours sous la même pression, au-dessus de la vanne de réglage destinée à produire l’air liquide.

Il est donc évident que von Linde n’a eu aucune idée quelconque de la possibilité, à cette époque, de régénérer sous faible pression l’air liquide produit en même temps qu’on le distille pour en extraire l’oxygène.

La formule de Joule-Thomson ne s’applique qu’aux gaz non liquéfiés, gaz qui traversent la vanne de décharge, et nullement aux liquides volatils eux-mêmes.

Outre cela, comme von Linde utilise dans son appareil deux compresseurs Compound, l’un à 6 atmosphères, l’autre à 200 atmosphères, il aurait pris l’air comprimé dans la canalisation du compresseur de 6 atmosphères pour la régénération de son air liquide et nullement à la plus haute pression de 200 atmosphères. En aucun cas il n’aurait conduit l’air sortant sous pression des appareils à oxygène au-dessus de la vanne de réglage, mais bien au-dessous et directement dans le réservoir d’air liquide.

Si j’insiste sur ces points essentiels, c’est qu’en 1902 von Linde s’est aperçu que la récupération de l’air liquide sous faible pression est un facteur indispensable à l’obtention de l’oxygène à bas prix, et alors seulement, il a modifié son appareil pour se rapprocher singulièrement du mien de 1899, de trois ans plus ancien! Il est vrai qu’en 1900, M. von Linde avait déjà dans une publication attaqué ouvertement, comme étant le mouvement perpétuel, la possibilité de faire fonctionner normalement mon système, tout en récupérant l’air liquide sous une pression constante de 2 à 3 atmosphères! C’est ainsi qu’il critiquait mon procédé dont il est subitement devenu le fervent disciple en 1902!

J’appuie sur ces faits qui deviennent absolument péremptoires lorsqu’on lit mon brevet de 1899 et celui de von Linde de 1902, parceque dans la critique qui va suivre sur les dispositions des appareils et les lois physiques qui régissent les procédés d’obtention de l’oxygène par la méthode de rectification de l’air atmosphérique liquide, je serai obligé de mettre ces deux systèmes, le mien de 1899 et celui de von Linde de 1902, sur le même plan.

Avant d’entrer dans l’exposé des appareils de rectification de l’air liquide de divers systèmes, il est nécessaire de compléter l’historique des procédés utilisés pour l’obtention de l’air liquide en grandes quantités et à bas prix.

C’est en 1852 que Werner Siemens, le fondateur de la grande maison Siemens et Halske de Berlin, eut l’idée d’utiliser la détente de l’air comprimé dans un moteur. Sa théorie était excellente, mais l’application hérissée de difficultés!

La détente adiabatique de l’air s’exerçant dans un cylindre en poussant un piston produit beaucoup de travail mécanique transmis au dehors par le volant du moteur; la chaleur transformée en énergie abaisse énergiquement la température de l’air qui se détend et par là de la matière même du piston et des parois du cylindre.

Cet abaissement de température étant utilisé pour refroidir l’air comprimé, avant sa détente, l’air qui passe sous le piston avant la détente est déjà à une température plus basse qu’au début.

A chaque coup de piston le moteur enlève encore de la chaleur, sous forme d’énergie communiquée au dehors en travail extérieur, aussi l’abaissement de température va-t-il constamment en augmentant.

Bientôt le cylindre est à — 80°, ou — 100°. A ces basses températures toutes les huiles de graissage sont congelées et les presse-étoupe sont si durs et si résistants aux passages des tiges qui les traversent, que toute la machine grippe et que tous les résultats que les équations de thermodynamique faisaient concevoir comme imminents, naturels se classant par ordre d’apparition, devenaient matériellement irréalisables, les conditions de leur formation étant de fait impossibles à conserver normales.

Soit Werner Siemens, soit Ernest Solvay en 1884 durent renoncer à cette méthode pour l’obtention d’air liquide, uniquement à cause des conditions mécaniques insuffisamment préparées et étudiées.

Le principe était parfait.

En 1894 Kamerlin-Onnes fabriquait 8 à 10 litres d’air liquide par heure avec l’emploi des cascades de température.

En 1896 je fabriquai près de 120 litres d’air liquide à l’heure à l’Exposition nationale Suisse de Genève, toujours avec l’emploi de la même méthode, très dispendieuse comme prix des appareils, mais assez économique comme emploi de la force motrice.

Je disposais de deux compresseurs montés en Compound pour le premier abaissement de température à — 89° par l’emploi de l’anhydride sulfureux SO2’.

Ces deux compresseurs employaient 16 chevaux. Le second cycle était établi par deux compresseurs Compound aspirant et comprimant les vapeurs de protoxyde d’azote.

Ces deux compresseurs employaient 52 chevaux. Au moyen des échangeurs d’échappement nous envoyions dans l’air de la salle sous forme d’un jet pulvérisé 120 kilos d’air liquide. Ces 120 kilos d’air liquide provenaient d’un compresseur à trois étages comprimant 110 mètres cubes d’air à 50 et 60 atmosphères, lequel consommait le travail de 25 à 28 chevaux.

Nous avions ainsi au moyen de ces sept compresseurs opérant simultanément un rendement d’environ 120 kilos d’air liquide avec 96 chevaux effectifs, soit environ 1k,2 par cheval-heure.

Ce résultat n’est atteint encore aujourd’hui par aucun autre système.

En 1902, M. Georges Claude, de Paris, construisit un moteur graissé avec des éthers de pétrole ou du pentane, liquide qui devient visqueux et pâteux vers — 190°, température de liquéfaction de l’air atmosphérique.

A la même date j’essayai simultanément différents moteurs pour le même objet.

Je construisis déjà en 1901 une turbine à gaz dont les ailettes avaient des courbes directrices spécialement calculées pour des courants d’air refroidis à — 180° et chassés à la pression de 60 atmosphères.

Ces turbines étaient dépourvues de presse-étoupes et de pistons, les frottements étaient réduits aux billes de friction qui soutenaient l’axe de rotation de la turbine.

Nous avons obtenus avec ces turbines essayées sous toutes les formes des résultats insuffisants.

En 1892 nous avons repris les moteurs à pistons complètement transformés:

Ils sont devenus à simple effet.

Ils n’ont plus eu de presse-étoupes.

Ils n’ont plus reçu aucun graissage autre que celui de l’air liquide lui-même et lui seul.

J’avais remarqué en 1874 que mes machines à acide sulfureux anhydre fonctionnaient admirablement sans autre graissage que l’acide sulfureux lui-même, et cette observation nous a tout naturellement conduit à la solution cherchée.

M. G. Claude a étudié la température à laquelle on doit faire l’introduction de l’air comprimé et refroidi dans le cylindre du moteur pour obtenir le maximum de rendement.

J’ai surtout dans mon moteur adiabatique cherché les dispositions mécaniques qui permettent de régler les admissions et assurent une marche permanente et régulière qui seule autorise de bons rendements en air liquide.

Avec ces moteurs adiabatiques, qui ne sont que la réalisation mécanique des vues de Werner Siemens, on obtient couramment 500 à 800 grammes d’air liquide par heure, rendement très inférieur, comme on le voit, à celui des cascades de températures.

Pour de petites installations le rendement baisse beaucoup et ne dépasse pas souvent 200 grammes par cheval-heure.

Lorsqu’on comprime 1000 mètres cubes d’air à l’heure à 50 atmosphères, nous pouvons obtenir 175 à 180 kilos d’air liquide à l’heure.

Tel est l’état actuel de la fabrication de l’air liquide qui sert de matière première à tous les systèmes pour l’obtention de l’oxygène et de l’azote par la séparation méthodique de l’air atmosphérique en ses éléments.

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