Читать книгу Évolution des procédés - la séparation de l'air atmosphérique en ses éléments, l'oxygène et l'azote - Raoul Pictet - Страница 9
Départ des opérations.
ОглавлениеNous avons décrit dans notre premier chapitre les différentes méthodes par lesquelles on peut se procurer de l’air liquide.
Donc adoptons une quelconque de ces méthodes et en produisant une certaine quantité d’air liquide, nous l’introduisons dans la colonne par un orifice quelconque du dôme (non représenté sur le dessin).
Tout l’appareil se refroidira progressivement, et, peu à peu, prendra la température de — 195°, soit celle de l’air liquide bouillant sous la pression atmosphérique.
Lorsque ce premier résultat est atteint, on continue de laisser entrer de l’air liquide qui, descendant sur les plateaux, remplira peu à peu le réservoir BBB du bas où se trouvent les spires E E du serpentin.
C’est au moment où ce réservoir BB sera plein d’air liquide que débutent les opérations de la mise en marche du procédé de rectification de l’air liquide.
Nous mettons en marche la compression de 500 mètres cubes à l’heure en tenant la vanne F de sortie fermée.
Dès le premier coup de piston la pression de l’air dans le serpentin E s’élève, mais aussi dès le premier coup de piston une petite quantité d’air s’est liquéfiée, conséquence de cette augmentation de pression, dans les spires du serpentin baigné par l’air liquide.
Au même moment la chaleur latente de l’air qui s’est liquéfié traverse les parois, parfaitement conductrices du serpentin, et force une même quantité d’air liquide contenue dans le réservoir à prendre l’état gazeux par ébullition du liquide.
Ces vapeurs provenant de l’air liquide contiennent 7 % d’oxygène et 93 % d’azote.
Ces vapeurs traversent sans aucun changement quelconque les 82 plateaux N N N de la colonne chargés d’air liquide. (Il y a un à deux centimètres d’air liquide dans chaque plateau.) En effet les vapeurs sont identiques à celles qu’émet un liquide identique remplissant chaque plateau.
Au bout d’un temps très court le liquide remplissant le réservoir du bas B perdant 7 % d’oxygène et 93 % d’azote à l’état gazeux, alors qu’il est composé de 21 % d’oxygène et de 79 % d’azote, va s’enrichir en oxygène; son liquide aura progessivement 22, 25, 30 % d’oxygène et relativement 78, 75, 70 % d’azote.
Les vapeurs que vont émettre ces mélanges progressifs de plus en plus riches en oxygène ne resteront pas les mêmes qu’au début de l’opération.
L’oxygène contenu dans les vapeurs passera de 7, 9, 11 à 20 %, etc., tandis que l’azote sera de plus en plus pauvre en oxygène.
Le premier plateau du bas contenant de l’air liquide va donc être traversé par des vapeurs ayant plus de 7% d’oxygène, supposons 10 % par exemple.
Ce liquide retiendra instantanément 3 % d’oxygène des gaz qui le traversent tandis que l’azote des vapeurs venant d’en bas n’ayant que 90% de valeur se chargera de 3 % d’azote pris au liquide du premier plateau.
D’après la loi d’Avogadro chaque molécule d’oxygène chassera par sa dissolution dans le liquide une molécule de gaz dont la chaleur latente équivaut à la sienne.
Ainsi le plateau 1 sera chauffé par l’oxygène en excès, venant d’en bas, que son liquide absorbera.
Il abandonnera un volume égal d’azote, pas pur, mais associé à 7 % d’oxygène du volume qui quitte le plateau pour se joindre aux gaz montant.
L’azote du bas aura toujours en entrant dans le plateau au-dessus du précédent une tension inférieure à la tension de l’azote dans les vapeurs émises par le plateau qui lui est superposé.
Ainsi l’azote traversera les 82 plateaux jusqu’au haut de la colonne en augmentant constamment son volume et en ne se condensant jamais sur aucun plateau.
L’oxygène seul se condensera de plateau en plateau et sera la seule source de chaleur (par sa dissolution et sa liquéfaction dans les liquides superposés des plateaux) fournie à la colonne. Cette chaleur forcera l’azote à se gazifier et le refoulera progressivement de bas en haut dans les plateaux N N N de la colonne.
Cette conclusion, qui découle comme un résultat inattaquable de tout ce qui précède, donne la clef de tous les résultats numériques consacrés par la pratique.
En effet, continuons l’analyse serrée des phénomènes:
Le compresseur comprime 500 mètres cubes d’air à l’heure, il liquéfie en totalité cette masse d’air dans le réservoir BB du bas de la colonne.
Cet air liquide monte jusqu’à la vanne de réglage F et là sort impétueusement sur le premier plateau G d’où il se déverse progressivement de haut en bas contre le courant de vapeurs montantes.
Ce liquide qui se déverse sur le premier plateau contient 21 % d’oxygène, 79 % d’azote. Il faut donc à tout prix chasser ces 79 % d’azote pendant la descente du liquide du haut en bas de la colone pour pouvoir récolter de l’oxygène ayant 98 % de pureté environ.
Or 79 % de 500 mètres cubes représentent 395 mètres cubes d’azote pur.
On veut fournir de l’oxygène à 98 %.
On sait que l’oxygène qui part avec l’azote au haut de la colonne est celui qui est représenté par le volume de l’azote multiplié par 7 % (et une petite fraction).
Donc nous perdons 395 × 7 % = 28 mètres cubes d’oxygène pur. Si nous retranchons de la totalité de l’oxygène contenu dans 500 mètres cubes d’air, 28 mètres cubes d’oxygène perdus forcément avec l’azote qui se dégage au haut de la colonne, on constate qu’avec le procédé de rectification, appliqué dans toute son intégrité, il n’est possible d’extraire que:
105 mètres cubes d’oxygène contenus dans 500 mètres cubes d’air — 28 mètres perdus, donc 77 mètres cubes d’oxygène, et pas davantage!
Pour obtenir ces 77 mètres cubes d’oxygène dans le gazomètre il nous a fallu envoyer dans la colonne un volume de vapeurs, sortant du réservoir terminal inférieur BB, égal au volume total de l’azote liquide (vaporisé) tombant sur le plateau supérieur et que nous transformons en vapeurs par suite de la chaleur dégagée par la dissolution et liquéfaction de l’oxygène gazeux dans le liquide des plateaux et en plus le volume de l’oxygène lui-même contenu dans l’air liquide.
Il nous faut donc chasser sous forme d’oxygène gazeux sortant du réservoir BB 500 mètres cubes d’oxygène dans la colonne.
Dès le bas de la colonne 77 mètres cubes d’oxygène gazeux sont conduits à l’échangeur et de là au gazomètre d’où on les utilisera pour les besoins de l’industrie.
Les 423 mètres cubes d’oxygène restant continuent leur route et sont progressivement échangés par absorption successives en 395 mètres cubes d’azote et 28 mètres cubes d’oxygène qui n’ont pu être gardés dans les plateaux inférieurs.
Chaque plateau retient une partie de l’oxygène qui lui arrive par en bas et restitue en compensation un volume égal d’azote gazeux qui s’ajoute à l’azote des premiers plateaux inférieurs.
On constate donc que de plateau en plateau la température d’ébullition des liquides qui s’y trouvent augmente progressivement en raison du mélange spécial qui se forme par l’apport simultané du liquide tombant du haut de la colonne, et dont une grande quantité s’évapore par changement d’état en chemin, et l’apport de l’oxygène gazeux retenu par ce liquide, toujours plus riche en azote que le liquide du plateau qui lui est immédiatement inférieur.
C’est l’excès de l’oxygène gazeux absorbé dans un plateau par rapport au volume d’oxygène que débite le même plateau, avec l’azote qui s’en échappe, qui est la seule, l’unique cause de chaleur qui chasse l’azote du liquide tombant au sommet de la colonne sur le plateau du haut et cela sous la forme d’air liquide.
Le volume du liquide, soit les 500 mètres cubes d’air totalement liquéfiés, perd en tombant à chaque plateau un petit poids d’azote liquide et gagne un petit poids d’oxygène liquide; ces petites masses d’azote perdu et d’oxygène gagné représentent par la loi d’Avogadro des volumes identiques.
Ainsi le trop-plein du deuxième plateau inférieur de la colonne déverse 500 mètres cubes d’oxygène liquéfié et ce sont ces 500 mètres cubes d’oxygène qui passent constamment de l’état liquide à l’état gazeux dans le bas du réservoir BB terminant la colonne.
Telle est la marche normale du procédé de séparation de l’air atmosphérique par voie de rectification.
Une fois cette théorie bien comprise jusque dans ses moindres détails, nous allons discuter les résultats numériques et montrer tout ce qu’on peut en attendre comme avantages industriels pratiques.
Peut-on obtenir de l’azote pur? Quelle est la limite de la pureté possible? La force motrice croît-elle avec la pureté ? La pureté de l’oxygène est-elle plus ou moins coûteuse que la pureté de l’azote?
Nous discuterons ces problèmes pour comparer ensuite utilement le procédé de dissolution avec celui de rectification.