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BOB AU CIRQUE

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Table des matières

Bob.—Costume de toile «rouge cardinal», à col marin très ouvert, chapeau matelot bordé de rouge, chaussettes rouges.

Son GRAND-PÈRE.

Ils entrent; l’ouvreuse désigne des places au quatrième rang. Grand-père va y monter. Bob le tire par son paletot.

Grand-père.—Qu’est-ce que tu veux?

Bob.—Nous allons monter là-haut, dis?

Grand-père.—Mais oui.

Bob.—Y en a pas des plus près, dis, grand-père, des places?

Grand-père.—Plus près de quoi?

Bob.—Eh bien! du rond?

Grand-père.—Si, mais on y est très mal, on reçoit du sable dans les yeux.

Bob.—Oh! ça m’est égal!

Grand-père.—A toi, c’est possible, mais moi, ça me...

Bob, vivement.—Grand-père, puisque c’est pour moi q’nous venons, j’t’en prie, veux-tu, dis?

Grand-père.—Allons, soit.

Ils s’asseyent au deuxième rang, après une courte lutte, Bob voulant absolument s’asseoir au premier.

Grand-père.—Es-tu content?

Bob.—Très content; mais il n’y a personne.

Grand-père.—Parbleu! il est huit heures! et puis, à présent, le samedi est bien dégarni.

Bob.—C’est plus amusant, dis, le samedi?

Grand-père.—Certainement.

Bob.—Pourquoi, dis?

Grand-père.—Plus amusant... c’est-à-dire, il y a plus de monde, voilà tout.

Bob.—Aimes-tu le monde, toi, grand-père?

Grand-père.—Ça dépend, je...

Bob.—Oui, j’sais bien, va; tu aimes un monde, mais pas celui qui vient à la maison...

Grand-père, ahuri.—Comment?... Comment?...

Bob.—Un jour qu’il y avait du monde à dîner, tu as dit à p’pa en prenant le café: «Sapristi! sont-ils ennuyeux ces animaux-là!» Alors... j’ai pensé...

Grand-père.—Quoi donc, monsieur Bob?

Bob.—Dame! que, à ton cercle... ou bien n’importe où, tu connaissais des autres mondes plus amusants q’chez nous...

Grand-père.—Ah! tu écoutes ce qu’on dit?

Bob.—C’est du mal ça, dis, grand-père, que j’ai dit?

Grand-père.—Pas précisément, mais un enfant ne doit jamais écouter la conversation des grandes personnes.

Bob.—Aussi j’écoute pas, jamais; j’entends seulement; tu comprends, quand je suis là... sans pouvoir jouer? Ah! on vient avec un râteau arranger quelque chose. Ça va commencer, dis?

Grand-père.—Oui! voilà un clown qui fait son entrée.

Bob.—Tu les aimes, dis, toi, les clowns? moi je les aimais quand j’étais p’tit, à présent ça n’m’amuse plus tant que les chevaux.

Grand-père.—Vraiment? quand tu étais petit?

Bob, sérieux.—Oui. Oh! cet homme sur le cheval, sans rien pour se tenir!... Oh! grand-père, c’est une belle carrière d’être dans un cirque, dis? On dit toujours qu’il faudra que j’en choisisse une, de carrière, je crois q’c’est celle-là que j’choisirai. (Criant.) Grand-père?

Grand-père.—Quoi?

Bob.—Pourquoi que tu n’me réponds plus, grand-père? tu regardes tout l’monde qui arrive? Oh! il en arrive beaucoup... beaucoup d’dames surtout... et bien jolies...

Grand-père.—Ne parle pas si haut et occupe-toi de ce qui se passe dans la piste au lieu de regarder dans la salle.

Bob.—Mais ça m’amuse, et puisque nous sommes ici pour m’amuser... c’est toi qui l’as dit...

Grand-père.—Moi, qu’est-ce que j’ai dit?

Bob.—Rien! q’nous étions ici pour m’amuser... Tiens! v’là mon oncle!

Grand-père.—Où ça?

Bob.—Là, debout, par où q’les chevaux arrivent... y nous a vus, y vient...

L’oncle s’assoit près du grand-père et ils causent. Bob examine attentivement sa voisine.

Bob.—Grand-père, laquelle aimes-tu l’mieux, dis? la dame qui est sur le cheval ou bien celle qui est assise à côté de moi?...

Grand-père, vexé.—Bob, si tu ne veux pas te taire, je vais t’emmener.

Bob.—Alors... je ne peux plus rien t’dire, dis? ça sera pas amusant.

Grand-père.—Si, mais pas tout haut.

Bob, à demi-voix.—Grand-père, moi je trouve qu’il y a des presqu’ aussi beaux costumes dans les dames qui regardent que dans celles qui sont à cheval dans le rond.

Grand-père, distrait, reprenant sa conversation.—Oui ... oui...

Bob, tirant.—Ainsi, tiens, cette p’tite dame qui vient d’passer, qui m’a marché sur un pied et qui a dit bonjour à mon oncle.

Grand-père.—Comment, qui a dit bonjour à ton oncle?

Bob.—Oui, en passant... comme ça qu’elle a fait... en frisant son œil... et avec la tête comme ça...

Grand-père.—Eh bien, après?

Bob, avec admiration.—Elle avait une robe magnifique qui doit coûter bien cher!

Grand-père et l’oncle ne peuvent s’empêcher de rire.

Bob.—Pourquoi mon oncle a dit: «Satané crapaud»? dis, grand-père, où il est, le crapaud?...

Grand-père.—Nulle part. Je t’ai déjà dit de ne pas écouter ce que nous disons.

Bob, piqué.—C’est donc toujours du mal q’vous dites? (Heureusement pour lui, grand-père n’entend pas.) Grand-père!!! v’là c’que nous avons encore vu d’plus beau! (Il le tire.)

Grand-père.—Quoi?

Bob.—Cette belle dame à moitié toute nue! avec un corsage de velours vert. Oh!!! C’est-y sur une corde, dis, qu’elle est?...

Grand-père.—Non, c’est sur un fil de fer.

Bob, effaré.—Mais alors, en s’asseyant dessus comme ça, elle va s’couper en deux, tu vas voir?...

Grand-père.—Mais non, mais non.

Bob.—Pourtant, l’chef m’a montré un fil de fer comme ça, une fois q’j’étais à la cuisine, qu’y coupe le beurre avec, que c’est effrayant comme ça l’coupe.

Grand-père.—V’lan! une assiette cassée!

Bob.—Oh! elle est bien adroite, tout d’même, de lancer tout ça en l’air et d’n’en laisser tomber qu’une!

Grand-père.—Encore! ah! décidément ça ne va pas ce soir!

Bob, gravement.—Elle n’est pas en forme, probablement.

Grand-père, stupéfait.—Tu dis???

Bob.—Je dis: elle n’est pas en forme. Papa dit comme ça des tireurs, ça veut dire que...

Grand-père.—Je sais, je sais.

Bob.—Ah! c’est q’tu avais l’air de n’pas comprendre, tu ouvrais des gros yeux... comme on ouvre quand on comprend pas.

Grand-père.—Il est ridicule qu’un enfant emploie certains mots...

Bob, changeant la conversation.—Tu trouves pas, dis, grand-père, qu’elle est bien, bien belle, cette dame?

Grand-père.—Quelle dame?

Bob.—Celle des assiettes! Ah! elle descend, elle s’en va... Applaudis, grand-père; ta canne... plus fort!

Grand-père.—Oui, oui, mais pourquoi?

Bob.—Pour qu’elle revienne donc! y reviennent tous quand on fait du bruit... Vois-tu... ah! des bouteilles...

Grand-père.—Ça t’amuse. (A l’oncle.) Moi, je trouve qu’elle pourrait se dispenser de rien faire, et...

Bob, simplement.—Oh! oui!!! pourvu qu’on la voie!...

Grand-père.—...

Bob.—Comme elle salue bien, grand-père, sans s’tortiller comme les autres d’avant, sans faire des grimaces non plus... Moi, j’trouve qu’elle a l’air très distingué; tu trouves pas, toi?

Grand-père.—Si, si. Regarde les vélocipèdes.

Bob, froidement.—Ça m’amuse moins, beaucoup moins.

Une cocotte de troisième ordre, à toilette insensée, enjambe pour passer au rang au-dessus. Elle couvre de ses jupons la tête de l’oncle, qui rattrape son chapeau en marmottant quelques mots presque inintelligibles.

Bob, vivement.—Où... où est-elle? Montre-la-moi.

Grand-père, étonné.—Montrer quoi? qu’est-ce que tu veux voir?

Bob, très haut.—La grue!!!

Grand-père, très vexé.—Mais...

Bob.—Est-ce qu’elle est apprivoisée? est-ce qu’il y en a beaucoup au cirque?...

Tous les voisins rient.

Grand-père.—Bob, tu ne sais ce que tu dis...

Bob, qui voit bien que grand-père n’est pas content et qui comprend vaguement qu’il a fait une bêtise.—C’est pas moi, c’est mon oncle...

Grand-père.—Tais-toi...

Bob, continuant.—Il a dit: «Quelle grue!»

Grand-père.—Tu as mal entendu...

Bob.—Pas du tout, il l’a dit comme ça... d’abord c’est la seconde fois qu’y parle d’animaux, que tu m’dis après qui sont pas ici...

Grand-père.—Bob, pour la dernière fois, je te défends d’entendre ce qu’on dit. Si tu recommences, nous partirons; tu comprends tout de travers...

Bob, d’un air entendu.—Oh! ça???

Grand-père.—Tiens, regarde Élisa.

Bob.—Elle est bien gentille! Oh! le joli cheval! Est-ce qu’elle monte mieux que maman, dis?

Grand-père.—Elle monte mieux que personne.

Bob.—Qu’est-ce qu’y a après?

Grand-père, regardant le programme.—Après... l’entrée d’un clown.

Bob.—Et après le clown, ça sera-t-y Promiscuité?

Grand-père.—Hein???

Bob.—Oui, j’me réjouis d’savoir si elle m’amusera, parc’ que p’pa dit q’non, et alors...

Grand-père.—Je ne comprends pas un mot de ce que tu demandes; quel nom dis-tu?

Bob, agacé, appuyant.—Pro-mis-cui-té, j’ai très bien prononcé, et elle joue l’samedi, p’pa l’a dit... Ainsi...

Grand-père.—Tu rêves.

Bob.—Tout à l’heure, quand m’man a voulu venir au cirque, p’pa a dit: «Je ne comprends pas comment cette Promiscuité de samedi peut vous amuser!»

Grand-père, riant.—Monsieur Bob a encore écouté ce qu’on disait, sans comprendre, naturellement.

Bob, très piqué.—Ah! (Silence.)

Grand-père.—T’amuse-t-il, ce clown?

Bob.—Oh! oui; demain j’essaierai d’faire comme lui... Avec une tête d’loup... ça n’doit pas être très difficile... Grand-père, c’est moins... honorable de faire ça que d’sauter sur les chevaux, est-ce pas?

Grand-père.—C’est très honorable aussi.

Bob.—Est-ce que tu ferais bien tout ça, toi, dis?

Grand-père, riant.—Non.

Bob.—Oh! je pense bien q’tu voudrais pas; mais, si tu voulais, tu pourrais, dis?

Grand-père.—Pas davantage.

Bob.—Alors, pourquoi q’tu m’dis toujours, quand j’lui pas apprendre mes leçons, qu’on peut tout c’qu’on veut?

Grand-père.—Ce n’est pas la même chose du tout.

Bob.—Eh bien! explique.

Grand-père.—Expliquer quoi?

Bob.—La différence.

Grand-père.—Tu ne comprendrais pas.

Bob.—Si, puisque je «veux» comprendre.

Grand-père.—Allons, viens, voilà la fin; donne-moi la main, pour ne pas te faire bousculer. (Ils sortent.)

Dans la foule à la sortie.

Bob.—C’est égal, tu m’as emmené, mais tu m’as rien expliqué toujours!

Grand-père.—Bob, tu es insupportable.

Bob.—C’est pas répondre, ça!

Grand-père, menaçant.—Bob!...

Bob.—Ben, j’s’rai gentil, mais tu m’diras quelque chose?

Grand-père.—Quoi?

Bob.—Promets-le, q’tu l’diras?

Grand-père.—Par exemple!...

Bob.—Promets-le, j’te dis, et j’te l’dirai...

Grand-père, énervé.—Oui là!

Bob.—Ben, est-ce pas q’mon oncle a parlé d’crapaud et qu’il a dit: «Quelle grue!»

Grand-père, exaspéré.—Oh!!!

Petit Bob

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