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CHAPITRE CINQ

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Lex ralentit alors que sa voiture dépassait un panneau de bois peint en blanc sur lequel était calligraphiée l’entrée d’Incanton. Alors que le bruit du moteur faiblissait, elle entendit les cloches de l’église sonner à proximité, lui indiquant qu’il était quatorze heures trente. Se précipiter ici dans la panique semblait avoir bien fonctionné. Elle avait facilement devancé l’heure d’arrivée estimée par le GPS et elle avait même du temps libre pour se calmer et faire un tour en ville.

Il y avait un parking près du rivage et elle conduisit dans cette direction en suivant les panneaux qui n’indiquaient que « CENTRE-VILLE » et « ROUTE CÔTIÈRE » comme possibles destinations. Les routes devinrent plus étroites tandis qu’elle s’approchait du parking. Elle remarqua des petites rues pavées et des bâtiments qui devaient être là depuis le débarquement des premiers colons.

Le parking, qui appartenait apparemment à la ville et qui desservait quelques magasins dans le centre, était à moitié vide. Lex se gara facilement, choisissant une place en plein centre, car elle en avait la possibilité. Elle sortit de sa voiture et observa les alentours, notant l’odeur de sel dans la brise. La mer était assez proche pour qu’elle l’aperçoive. Au bout de la rue, au-delà du parking, un éclat bleu sur l’horizon se fondait dans le ciel clair de la journée.

Elle sourit en regardant partout, se servant de sa main comme visière face au soleil de ce début d’été pour s’imprégner du paysage. Incanton était aussi petite et idyllique qu’elle l’avait vue en ligne. Plusieurs personnes s’affairaient dans les rues, entrant et sortant des magasins, ramenant chez eux des sacs remplis de leurs emplettes. C’était plus calme ici, et elle pouvait entendre le bruit des mouettes qui survolaient l’eau.

C’était peut-être simplement l’attrait de la nouveauté, mais tout avait l’air plus intéressant ici, même les gens. Elle les étudia tout en récupérant son sac sur le siège passager et ferma sa voiture. Elle jeta un œil par-dessus son épaule vers les gens qui flânaient. Deux femmes âgées parlaient avec animation, la tête haute malgré leurs coiffures volumineuses. Une mère poussait doucement un landau violet, sans doute vintage, qui avait été retapissé à en juger par le style. Elle agitait un hochet au-dessus du bébé avec un sourire d’adoration.

Lex observa un homme d’âge moyen qui portait un pull marinière en tricot flashy. Il émergeait d’un magasin qui portait l’enseigne : Antiquités Miss Teak. Il se situait juste à côté du barbier : Clash of Barbe. Chaque magasin ici était original et adorable, le parfait exemple d’un village américain typique. Comme si elle était arrivée sur le tournage d’une série télé et non dans la réalité. Elle s’attendait à moitié à voir Lorelai Gilmore apparaître au coin de la rue ou à se retrouver nez à nez avec un groupe de colons vêtus de leurs grands chapeaux et de leurs culottes.

Elle dépassa le parking pour se rendre sur la berge. Il y avait des bâtiments de couleurs le long de l’eau, les planches s’étaient un peu décolorées avec le soleil, mais ils gardaient leurs teintes joyeuses. Elle observa un vendeur de glaces et fut frappée par la même impression de déjà-vu qu’elle avait ressenti plus tôt.

Que se passait-il avec cet endroit ? Les mouettes tournant et criant au-dessus d’elle, le soleil, les glaces, les planches peintes. De quoi n’arrivait-elle pas à se souvenir… ?

Une vision de son père frappa Lex en plein cœur. Il portait un baggy et se penchait vers elle pour lui offrir la glace qu’il venait d’acheter. Elle se souvint d’elle-même, petite fille joyeuse, ressentant la froideur de la glace dans sa gorge, et protégeant son goûter de ses minuscules mains lorsque son père lui avait dit pour plaisanter que les mouettes arrivaient pour le lui voler.

Lex balaya la rue du regard dans son intégralité pour s’en imprégner. Oui, elle était déjà venue. Une fois, très longtemps auparavant, quand son père était encore là. Avant que ça ne tourne mal. Elle était tellement jeune qu’elle ne s’en était pas souvenue jusqu’à maintenant. Le souvenir était flou et quand elle essaya de forcer sa mémoire, il disparut tout simplement. Mais il était présent.

– Papa, soupira Lex, les larmes lui montant aux yeux sans avertissement.

Ça faisait du bien de repenser à lui, même si le souvenir était doux amer. Elle pensait à lui tous les jours. Alors découvrir un nouveau souvenir oublié était un moment spécial. Lex fit un pas en avant, se disant qu’elle pourrait acheter une glace en l’honneur du bon vieux temps…

– Ah… Oh… Pardon… Vous allez bien ?

Lex se redressa et secoua la tête. Au moment exact où elle avait avancé, une autre personne était apparue sur son chemin et ils étaient entrés en collision. Elle avait le souffle un peu coupé, mais heureusement elle n’était pas tombée. Le costume ajusté marron qu’elle avait choisi pour l'entretien n’aurait pas eu l’air aussi chic s’il était recouvert des saletés du trottoir.

– Je vais bien, dit-elle essoufflée. Pardon, c’était sûrement ma faute. Je ne regardais pas où j’allais.

– Moi non plus, répondit l’homme en souriant et en se palpant rapidement. Pas de dégât. Encore désolé. Vous êtes sûre que ça va ? Vous avez l’air étourdie.

Lex sourit rapidement essayant de corriger cette impression.

– Vraiment, ce n’est rien. J’étais juste perdue dans mes pensées.

Il devait avoir à peu près son âge, même si le sac à dos sur ses épaules le rajeunissait. Il plissa les yeux derrière ses lunettes à monture dorée, puis son sourire illumina tout son visage.

– Heureux de l’entendre, dit-il se détournant pour continuer sa route. Encore désolé !

Lex se surprit à rougir, embarrassée. Elle était tellement absorbée par ses pensées qu’elle était rentrée dans quelqu’un. Au moins, elle avait réussi à ne pas devenir écarlate avant qu’il ne soit parti. Elle vérifia sa montre et vit qu’il n’était que quatorze heures quarante, trop tôt pour se rendre chez La Curieuse Librairie puisque ce n’était qu’à quelques rues. Elle décida d’explorer encore un peu le bord de mer en regardant tous les magasins et ce qu’ils vendaient.

Elle aimait bien cet endroit, se dit-elle en pénétrant dans la première boutique qui était remplie de vêtements d’occasions de toutes les époques. Elle prit quelques instants pour parcourir les portants, touchant une robe en perles et en sequins par ci, un manteau de velours par là. Cette odeur de renfermé qui semblait toujours flotter autour des objets de seconde main emplissait l’air, la faisant sourire. Elle était excitée à l’idée de travailler de nouveau dans une librairie d’occasion. Même si elle essayait de se souvenir qu’il ne s’agissait que d’un entretien, elle ne pouvait s’empêcher de se réjouir. Les souvenirs de son enfance remontaient à la surface.

Lex quitta la friperie et fit quelques pas le long du trottoir, admirant le dessin d’une sirène peinte sur les planches décolorées par la météo du magasin suivant. Un coup d’œil par la fenêtre lui permit d’apercevoir un étalage d’appâts de pêche sophistiqués, ainsi que de grands filets et quelques cannes. Une femme qui avançait sur le trottoir dans sa direction lui fit un sourire en la dépassant et Lex lui sourit en retour. Le rythme était plus calme ici, pas aussi agité. Les gens ne se bousculaient pas sans respect et chaque entreprise avait l’air d’être indépendante. Lex ne put s’empêcher de comparer cet endroit à celui où elle vivait et travaillait, à la façon dont personne ne semblait avoir le temps de s’accorder un regard.

Le magasin suivant s’appelait Objets Trouvés près de la Mer. Regardant par la fenêtre, Lex ne put résister à l’envie d’y faire une petite visite.

Les présentoirs et étagères étaient remplis de toutes sortes de curiosités ; du bois flotté sculpté dans d’étranges formes puis creusé pour servir de pots à crayons, de porte-manteaux ou de presse-papiers. Il y avait des cailloux polis par la houle et sertis de décorations et d’inscriptions, des bocaux remplis de sable coloré réparti artistiquement en différentes couches.

Lex vit une assiette en verre avec un paysage créé à l’aide de sable blanc et noir, à côté se trouvait un message parfaitement calligraphié qui disait « retournez-moi ». Intriguée, elle la souleva et la reposa dans l’autre sens. Elle observa émerveillée le sable retombé à travers un liquide pour créer un nouveau paysage.

– On dirait de la magie, n'est-ce pas ?

Lex se retourna et vit qu’un homme la regardait avec une expression amusée. Il était plus petit et plus vieux qu’elle avec une épaisse chevelure et barbe d’une teinte rousse qui tendait maintenant vers le gris. D’épaisses lunettes étaient posées sur le bout de son nez et on pouvait apercevoir une légère bedaine sous le gilet vert qu’il portait.

– C’est très spécial, acquiesça-t-elle, reportant son attention sur les derniers grains qui retombaient. Je suppose que la viscosité du liquide permet au sable de bouger plus lentement pour créer ces couches.

Le vendeur rit doucement.

– Ah… un esprit logique, dit-il. On ne vous la fait pas à vous ?

Lex sourit.

– J’aime savoir comment les choses fonctionnent, dit-elle.

Elle fut frappée par le fait que l’homme était amical, calme et accueillant. Il n’essayait pas de lui vendre quelque chose à tout prix. C’était rafraîchissant. En ville, les chaînes de magasins ne pensaient qu’aux ventes.

– Eh bien, vous seriez peut-être curieuse de voir nos ateliers, dit-il. Ses yeux étaient grands ouverts derrière ses verres. Il lui indiqua une affiche collée sur la fenêtre. Ils se tiennent le dernier vendredi de chaque mois. Ils sont gratuits et vous pourrez me voir transformer certains trésors de la mer pour qu’ils deviennent les objets que vous voyez ici.

– Ça a l’air super, dit Lex. Je passerai peut-être si je suis dans le coin.

– Vous venez voir un ami ? demanda le vendeur.

Il retourna à son comptoir, derrière une vieille caisse enregistreuse. Le magasin était assez petit pour que Lex puisse continuer de converser avec lui.

– En fait je suis ici pour un entretien d’embauche, dit-elle en regardant sa montre. Oh non… je… je dois y être dans quelques minutes. Je ferai mieux de me dépêcher !

– Bonne chance mademoiselle ! lui cria le vendeur alors qu’elle courait vers la porte. Elle lui lança un sourire de remerciement par-dessus son épaule tandis que la cloche située au-dessus de la porte d’entrée annonçait son départ.

Un lieu ensorcelé

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