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LE BEAU CHATEAU. CONTE.

Table des matières

DEUX seigneurs châtelains qui étaient voisins, possédaient chacun un fort beau château.

Le sire Enguerrand et le sire de Fayel, fiers tous les deux du château qu’ils avaient hérité de leurs ancêtres, ne se rencontraient jamais sans que chacun se vantât que son château était plus beau que celui de son voisin.

L’un voulait faire admirer ses tourelles gothiques, ses fossés et son pont-levis; l’autre prétendait que l’architecture moderne de son château était plus élégante.

Bientôt, ces deux seigneurs se brouillèrent, et comme dans ce temps là, les châtelains avaient le droit d’armer leurs vassaux, ils se déclarèrent la guerre.

Les pauvres paysans turent obligés de prendre les armes pour soutenir les prétentions de leurs seigneurs.

Il fallut qu’ils abandonnassent leurs chaumières, leurs femmes et leurs enfants, leurs travaux champêtres et le soin de leurs récoltes, pour aller guerroyer sous la bannière de leurs maîtres.

Ces bonnes gens ne se haïssaient point, et n’avaient aucune raison de s’en vouloir, mais il fallait qu’ils s’entretuassent pour prouver qu’un château était plus beau que l’autre.

Le seigneur Enguerrand se mit à la tête de ses vassaux.

Le seigneur de Fayel se mit à la tête des siens.

Comme Enguerrand était le plus fort et le plus puissant, et que ses vassaux étaient les plus nombreux, il se croyait sûr de la victoire, et il envoya sa troupe pour abattre le château du seigneur de Fayel.

Mais si ses ennemis étaient moins nombreux, ils étaient braves, et défendirent le château de leur maître.

Alors, Enguerrand eut recours à la ruse et à la séduction, il gagna les soldats de Fayel par des caresses et des présents, ceux-ci désertèrent tous l’un après l’autre, et laissèrent leur maître seul et sans défense.

Le pauvre sire de Fayel fut fait prisonnier, et le sire Enguerrand fit abattre son château.

Comme il n’y avait plus de comparaison à établir, et que le château d’Enguerrand était demeuré seul, il fut évidemment le plus beau.

Mais l’injustice ne reste jamais impunie.


Un autre châtelain vint à son tour assiéger le château d’Enguerrand, avec des forces supérieures aux siennes, il s’en empara, et le fit abattre, afin que le sien fut ainsi le plus beau de la contrée.

Fayel délivré de la prison, rencontra Enguerrand qui errait tristement sur les ruines de son château démoli.

Vous voyez, lui dit-il, où vous ont conduit votre jalousie et votre vanité. Si vous n’aviez pas abattu mon château, on n’aurait pas abattu le vôtre.

Nous ne serions pas tous les deux errants et fugitifs.

Enguerrand convint de ses torts.


Eh bien, lui dit Fayel, faisons la paix, embrassons-nous, et réunissons-nous pour réparer notre perte.

Nous sommes aimés de nos vassaux.

Des deux souverainetés n’en faisons qu’une. Faisons bâtir un seul château que nous habiterons ensemble.

Réparons les maux que nous avons causés à ces pauvres paysans en les excitant à la guerre.

Les querelles des grands font le malheur des petits.

Que notre amitié cimente celle des hommes qui vivent sous nos lois.

Enguerrand touché des sentiments de Fayel qui avait été l’offensé, et qui consentait à oublier son injure, l’embrassa et adopta son projet.

Leurs vassaux réunis, leur construisirent un joli château.

Ce château n’avait pas de tours, de fossés ni de ponts-levis, comme celui d’Enguerrand.

Il n’avait pas non plus la splendide élégance de celui de Fayel.

Il était simple, agréable et commode.

Les deux ennemis devenus amis, l’habitèrent tranquillement et y furent heureux.

Chacun des deux épousa la sœur de son ami.

Ils eurent de jolis enfants qui furent élevés ensemble, et qu’ils voyaient avec plaisir danser sur le gazon fleuri dans le parc du château.

Un vieux ménestrel du village composa une ballade qu’ils dansaient et chantaient, et il les accompagnait avec sa mandore.

C’était la ballade ah! mort beau château, qu’ils apprirent à leurs enfants, qui les apprirent aux leurs, et qui s’est conservée jusqu’à nos jours.

Et les gens du pays écoutaient le vieux ménestrel qui leur disait:

» Cette chanson est l’image de ce qui se passe dans le monde.

» On ne se contente pas de ce qu’on a, on est jaloux de ce qui appartient aux autres.

» Ainsi, les nations rivales se font la guerre.

» Après avoir été divisées, elles font la paix.

» On s’embrasse.

» On aurait bien mieux fait de commencer par là.


Chansons et rondes enfantines

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