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Livre Premier
1
LE JUGEMENT DE PÂRIS

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Ces trois petites Espagnoles sont ravissantes.

La première, vêtue de bleu, coiffée en torsades basses, un peu maigre, a la peau mate, des yeux ardents, des regards qui parlent.

La seconde, vêtue de rouge, coiffée en petit chignon, grasse déjà, mais qui promet d'engraisser encore, a des yeux tranquilles de ruminant et des regards qui restent posés.

La troisième, vêtue de vert, coiffée en frisons et en bouclettes, blanche de peau, fine par l'allure, modeste par le maintien, a des yeux qui rêvent et des regards sentimentaux.

Toutes trois sont mal chaussées.

Toutes trois sont jeunes.

Toutes trois sont ravissantes.

Et toutes trois contemplent un magnifique ouvrier espagnol qui fume son cigare, paresseusement, à la terrasse d'une buvette.

Il mérite vraiment l'admiration des foules. De son béret, ses cheveux débordent, luisants, bouclés, bleuâtres, et l'échancrure du tricot laisse voir des tatouages. Ses bras secs sont bien musclés. Il est crasseux, il a l'air louche. Qu'importe! ses yeux humides ont toujours une expression amoureuse.

Arrêtées au milieu de la ruelle et se tenant par la taille, les trois petites Espagnoles contemplent le beau mâle.—Celle de gauche s'évente, de sa main libre, avec un grand éventail en papier. Celle de droite, possédée d'une égale fièvre, fait de même.

Et les deux éventails battent l'air.

Mais le bel ouvrier sourit avantageusement à une vieille prostituée, visiblement malsaine, couverte de plâtre et qui a dû satisfaire des générations de matelots.—Roulant comme une barque, elle s'approche et s'assied à ses côtés.

Alors les trois petites Espagnoles, qui se tiennent toujours enlacées, s'éloignent, d'un air triste et dansant, tandis qu'un jeune juif au profil fin, à l'expression ambiguë, vêtu d'une longue robe noire, les suit de l'œil.

Et les deux grands éventails en papier battent avec mélancolie.

Tanger.

Les moments perdus de John Shag

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