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LA TRANSFIGURATION
Peinte sur bois en1519et1520.

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(RAPHAËL mourut en Avril1520)

Tout le monde connait ce tableau: on a vu l’original, ou du moins des gravures ou des copies plus ou moins infidèles. Mais tandis que dans la galerie du Vatican perché sur mon échafaudage à10pieds du sol, je regardais de près cette œuvre immortelle, une chose me frappa: les curieux qui venaient l’admirer se rapelaient à peine le récit qui a guidé Raphaël; en second lieu les curieux adoraient, mais jamais ils ne jugeaient.

Peu de tems avant sa mort, Jésus se retira sur le mont Thabor pour y prier. S.t Jean, S.t Pierre et S.t Jacques Majeur suivirent leur divin Maître. Pendant que les Apôtres étaient en prières le Christ leur apparut s’élevant vers le ciel: ses vêtements avaient la blancheur de la neige: Moyse et le prophète Elie étaient à ses côtés.

Les Apôtres furent tellement éblouis de la lumière resplendissante qui l’entourait, que ne pouvant en supporter l’éclat, il tombèrent à terre cherchant à s’en garantir; ce fut alors qu’ils entendirent de nouveau cette voix venant du ciel qui trois années auparavant avait éclaté au moment où Jésus recevait le baptême; la voix disait: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis toute mon affection».

Pendant que Jésus était sur le Thabor, une famille qui avait oui dire que les malades étaient guéris dans les lieux où se trouvait ce nouveau prophète, amena au pied de la montagne, un jeune homme possédé du démon; la mère du jeune malade se jete aux genoux des Apôtres et demande qu’il soit guéri, mais les Apôtres n’ayant pas assez de foi aux paroles du Christ qui leur avait accordé le don des miracles refusent d’exaucer les vœux de cette famille, et disent au père et à la sœur qu’ils n’y a que leur divin Maître qui puisse guérir le jeune possédé et qu’il faut attendre son retour. Les parens mécontents de ce refus ne cachent point leur colère; le père du possédé qui soutient son fils semble faire de violents efforts pour dominer son indignation; il se dit que s’il la laisse éclater, il irritera les Apôtres qui ne guériront point son fils. La sœur du malade intercède auprès du plus jeune des Apôtres, qui touché de pitié semble lui dire: si j’avais le pouvoir de le guérir, pourrais-je vous refuser? Quant au personnage placé derrière le père et qui étend le bras du côté de la montagne il reproche hautement aux Apôtres leur refus inhumain.

Sur le devant du tableau la jeune mère du possédé s’adresse à S.t André (l’Apôtre qui tient un livre) et semble lui dire: Voyez dans quel état se trouve mon fils, comment pouvez vous refuser de le guérir?

La promptitude du mouvement qu’a fait cette femme pour montrer son fils aux Apôtres, a été telle que les vêtements n’ont pas eu le tems de suivre l’impulsion du corps, lui seul a tourné, la ceinture n’ayant pas cédé au mouvement semble être placée de travers, mais l’on voit bien vite que si cette femme reprénait sa première position la ceinture se trouverait placée convenablement.

Raphaël a pensé que dans la situation violente où se trouvait cette mère malheureuse, ses vêtemens devaient présenter quelque desordre.

Telle est la raison logique qui a permis de ménager au spectateur la vue de cette belle épaule dont l’effet comme peinture est si merveilleux; c’est un contraste charmant avec les figures de vieillards et les autres aspects sévères qui occupent toute la gauche du tableau (à la droite du spectateur).

Je ferai remarquer, en passant, que Raphaël laisse toujours autour de ses figures, l’espace nécessaire pour expliquer la position dans la quelle elles se trouvaient au moment qui a précédé celui où il les a représentées: il a soin de ne pas remplir le vide qu’elles ont laissé. L’on se moquerait fort aujourd’hui de pareilles attentions, mais Raphaël plait davantage à chaque fois qu’on le regarde. Les artistes qui méprisent ces petites précaution logiques obtiennent ils le même effet? Je citerai deux exemples pour rendre ma remarque plus intelligible; le premier c’est le jeune Apôtre qui vient de s’incliner vers la sœur du possédé; la place qu’il occupait étant debout, est encore libre: le second exemple est fourni par le père du possédé.

C’est par des réfléxions profondes et en demandant des conseils aux premiers hommes de son siècle, au Comte Castiglione, au Cardinal Bembo, au poète Arioste, que Raphaël est parvenu à donner à ses figures cette spontanéité de mouvements et cette grâce vraie et sérieuse qui laisse une impression si durable dans les cœurs délicats.

Supposez remplies ces places que le jeune Apôtre et le père du possédé viennent de quitter, un petit nombre de spectateurs réfléchis sera choqué; si ces personnages qui s’inclinent actuellement, diront-ils, viennent à se rélever, ils heurtent violemment leurs voisins; et cette remarque étant juste sera bientôt dans toutes les bouches; car les amateurs de bonnefoi servent de guides au public.

L’on me permettra de ne pas répeter que la Transfiguration est une belle chose, chacun le sait. Le grand désavantage de ce tableau, mais difficulté inhérente au sujet, et que les adorateurs se feraient un crime d’avouer, c’est que le bas du tableau est à un quart de lieue de la partie supérieure; voilà la grande difficulté à la quelle Raphaël a songé sans cesse et il n’a pu passer outre que par une licence du genre de celle que l’on remarque dans le groupe de Laocoon: il a donné à des personnages qui sont à un quart de lieue, une proportion suffisante pour pouvoir représenter luer physionomie.

Raphaël quoique protégé par son oncle Bramante habile intrigant, ne pouvait se refuser à de certaines absurdités nécessaires dans le métier de courtisan. Tout le monde sait que les deux figures qui sont sur la montagne au côté droit du tableau représentent S.t Laurent et S.t Julien, les deux Saints patrons de Laurent et de Julien de Médicis proches parents du Cardinal Jules de Médicis, qui fut le Pape Clément VII. Le Cardinal Jules avait ordonné ce tableau et voulut absolument y voir ces deux Saints.

Je ne pense pas que la Transfiguration ait autant noirci qu’on le croit généralement. En Italie les ombres sont noires, et Raphaël a représenté les figures du groupe inférieur éclairées par le soleil ce qui motive la force des ombres; la teinte dorée qui règne généralement sur tous les clairs m’a donné l’opinion que je hasarde ici. Cette teinte dorée est surtout très-sensible dans la figure de S.t André, l’Apôtre assis à la droite du tableau (à gauche du spectateur) dont la draperie bleue a des clairs presque jaunes. Les. ombres portées étant tranchées comme on le voit dans les objets éclairés par les rayons directs du soleil viennent à l’appui de mon opinion. Du moment que l’on regarde le tableau avec cette idée, elle devient, pour ainsi dire, palpable. L’obscurité seule du terrein pourrait faire objection, mais Raphaël ayant besoin de vigueur dans cette partie du tableau a eu soin de supposer un terrein humide. L’eau qu’il a placée tout-à-fait sur le premier plan à droite, offre une heureuse variété dans les détails et motive la vigueur du ton. L’obscurité du terrein n’est donc point une objection à l’idée que le groupe des Apôtres et du possédé est éclairé par le soleil.

Quant aux figures au sommet de la montagne elles sont évidemment éclairées par la Gloire du Christ.

En éclairant les figures du bas du tableau par la lumière directe du soleil, Raphaël a eu l’intention de rendre plus sensible par la différence de ton, la lumière miraculeuse qui entoure le Christ; celle-ci est d’un ton verdâtre un peu phosphorique, l’autre au contraire offre un ton doré.

La figure du Christ me parait la seule que le peintre ait eu la précaution de dessiner d’abord nue. Je n’ai pu retrouver dans aucune autre, le trait gravé avec une pointe de fer sur l’enduit ou impression du panneau, comme cela se pratiquait au16.me siècle pour les peintures à fresque.

Selon moi cette figure du Christ a été prise dans une ancienne fresque qui se trouve à San Miniato près de Florence; le curieux doit chercher un local orné de peintures, tout près de cette Eglise de San Miniato sur la colline au midi de Florence qui forme un si charmant point de vue pour les curieux qui se promènent le long de l’Arno. Ce local sert de remise à des chars et autres instrumens de labourage, on y passe en allant visiter l’Eglise; lorsque je l’ai vu, il ne restait de cette composition d’un maître inconnu, que le Christ, une partie de la montagne et quelques parties de figures, dont la disposition paraissait à peu près la même que chez Raphaël; Moyse et Elie ne se trouvent point dans cette fresque, il existe une gravure de ce qui en reste.

On peut blamer les mains du Christ, et désirer des effets de clair-obscur plus larges.

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