Читать книгу Traité complet des haras, et moyens d'améliorer et de multiplier les chevaux en France - Achille Demoussy - Страница 10
APPAREILLEMENS OU PRINCIPES QUI DOIVENT GUIDER LES PROPRIÉTAIRES DANS L’UNION DE L’ÉTALON ET DE LA JUMENT.
ОглавлениеChaque race a ses qualités et ses défauts dominans.
Il faut faire contraster les défectuosités des jumens avec la beauté des formes des étalons pour les corriger.
Les petits-fils d’arabes conviennent mieux aux jumens communes que les arabes mêmes.
Jeu des articulations les unes sur les autres.
Distinction à faire entre les tares et les défauts originels.
Monstres; explication de leur conformation insolite.
Les vices de construction dérivent de la charpente osseuse.
Nécessité de continuer long-temps les croisemens pour les corriger.
Explication relative aux chevaux de sang ou de race; pourquoi ils méritent cette dénomination.
Transmission des qualités et des vices physiques et moraux des pères aux enfans dans toutes les espèces créées.
La science des appareillemens repose sur la connaissance parfaite des beautés et des défauts de l’étalon et de la jument qui vont être unis. C’est à celui qui préside à leur union à balancer tellement leurs qualités et les défectuosités de leur structure, en les opposant avec habileté les unes aux autres, que le nouvel individu qui doit provenir de leur alliance puisse hériter des avantages qui les distinguent, sans recevoir simultanément l’empreinte de leurs vices de conformation.
Sans la connaissance des principes qui doivent régler les appareillemens, on ne procrée que des individus, mais on ne les perfectionne pas. Une étude approfondie du cheval peut seule éclairer la marche que doivent suivre les officiers des haras dans la répartition des étalons dans leurs diverses stations de monte et dans la destination spéciale de l’étalon pour chaque jument qui doit lui être appatronnée.
Chaque canton populeux en jumens offre à l’observateur des qualités et des défauts qui signalent d’une manière particulière la race indigène. La nature du climat, les vents qui y dominent, les eaux qui l’arrosent, les prairies, les pâturages qui en couvrent la surface, le sol plat, uni, montueux, entrecoupé, aride ou fertile, boisé ou découvert, exercent une influence profonde sur les animaux qui l’habitent.
Cette impression continuelle des agens qui les entourent modifie leurs organes et leurs formes extérieures. La charpente osseuse même qui, par sa solidité et son entourage musculeux, devrait opposer une digue à leur puissance, n’en cède pas moins à leur action. On ne peut calculer la force d’un moteur qui ne se repose jamais. C’est la goutte d’eau qui excave le rocher le plus dur et le plus compacte. Ne soyons donc pas surpris que la trame de l’organisation de l’homme et des animaux éprouve une modification profonde par l’influence permanente de ces agens dont les impressions se prolongent depuis la naissance jusqu’au moment où le souffle de la vie cesse d’animer l’être qui n’est plus qu’une froide poussière.
Chaque race a donc des caractères distincts qu’il importe de saisir pour les conserver, s’ils sont un gage de force et de durée, ou pour en opérer la mutation d’une manière lente et graduée, par des croisemens bien entendus, s’ils nuisent à l’élégance et à la vigueur des formes que nous devons rechercher. C’est le but des revues qui se font chaque année dans les stations de monte. Les inspecteurs généraux, les chefs d’établissemens chargés de visiter les étalons répartis dans les départemens qui leur sont assignés, les comparent aux jumens qu’ils doivent saillir, observent les défauts qu’il faut corriger, apprécient les beautés qu’il est nécessaire de maintenir, et désignent les étalons qui peuvent opérer ces heureux changemens.
L’influence du climat sur les animaux doit être secondée par les soins de l’homme, lorsqu’elle est favorable à leur développement, parce que tous les individus sortent plus ou moins parfaits des mains de la nature, et que les productions échappées de ceux qui ont le plus d’imperfections conservent cette empreinte originelle qui tend encore à s’accroître dans les générations suivantes.
Lorsqu’on veut épurer une race, on ne saurait donc apporter trop de soin dans le choix des étalons et des jumens consacrées à la reproduction; et ce choix doit être encore plus sévère, quand il s’agit de corriger un défaut dominant qu’il importe de faire disparaître.
Toutes les races tendent à la dégénération; c’est une condition inévitable de leur nature. Quelque parfaite que soit leur empreinte, elle s’efface insensiblement à mesure qu’elle s’éloigne du type primitif, et tous nos efforts doivent avoir pour but de la conserver.
Les races sauvages dont tous les individus se livrent indistinctement à l’impétuosité de leurs désirs, quand la saison de leurs amours les dispose à se rapprocher d’une manière intime, offrent tant d’alliances disparates, qu’un bien petit nombre porte le sceau de la perfection.
Ce n’est que dans les races soumises à une surveillance continuelle que nous trouvons ces formes élégantes et nerveuses où la force se marie à la grâce, où la vigueur se joint à la beauté. De tous nos animaux domestiques le cheval est celui qui est le plus susceptible d’une dégénération rapide et frappante, et toujours suivant cette loi éternelle du monde physique et moral: Corruptio optimi pessima.
Après l’homme, c’est le cheval qui est le plus parfait des animaux; c’est celui dont les proportions sont les plus régulières, dont l’ensemble offre le plus d’harmonie, dont les mouvemens sont les mieux cadencés. Pour peu qu’il s’écarte du type de la beauté inhérente à sa nature, ses imperfections sont plus prononcées et ses défauts plus sensibles à l’œil observateur.
Chacune de nos races départementales pèche donc par une défectuosité dominante qu’il importe de rectifier en. n’employant dans leur circonscription que des étalons qui brillent par des qualités opposées. Une tête grosse, chargée d’ossemens ou de coussins musculaires trop épais, une encolure courte et charnue, un garrot arrondi et peu élevé, des épaules massives, signalent quelques-unes de ces races.
D’autres se font remarquer par un corps trop long, par une colonne vertébrale trop allongée, par des côtes courtes, plates ou mal cerclées, par un ventre tombant, par des flancs trop étendus.
Il y en a dont la croupe est trop large, trop évasée; dont le bassin, loin d’avoir une direction horizontale, est beaucoup trop incliné : ce qui constitue la croupe avalée. Il y en a d’autres au contraire chez lesquelles cette région postérieure du corps présente à son sommet une élévation trop considérable qui est due à la proéminence anormale du sacrum, ce qui rend la croupe tranchante.
Enfin, il y en a dont les membres sont d’une finesse extrême, et qui, comme la race limousine, pèchent par des cuisses plates, amaigries, dont les muscles sont privés de ces contours vigoureux, de ces intersections prononcées, qui sont un gage assuré de force, de durée et de la vélocité de la progression.
Les races de la Péninsule espagnole sont entachées du même défaut; tandis que les chevaux anglais sont remarquables par la beauté de leur croupe horizontale dont la queue s’attache très-haut, à l’instar des chevaux arabes dont ils sont issus, par la force musculeuse de leurs cuisses et par la saillie des mollets qui se prononcent en dehors, au-dessus des jarrets.
Quelques races, telles que la race barbe, ont des boulets petits, faibles, qui s’arrondissent à la moindre fatigue, des paturons grêles dont la longueur est extrême; tandis qu’il y en a d’autres chez lesquelles ce rayon inférieur des membres a trop de brièveté.
Dans plusieurs tribus de l’espèce chevaline, les membres, loin de suivre la ligne perpendiculaire, se dévient en dehors ou en dedans de cette même ligne: ce qui les rend cagneux dans le premier cas et panards dans le second. Il y en a dont les jarrets sont trop rapprochés; d’autres ont ces articulations trop éloignées du point central de gravitation.
La force, la vigueur, la légèreté, ont pour bases le parfait aplomb des membres, la largeur et la solidité des articulations. Comme l’étendue de la respiration dépend de la capacité de la poitrine, quand les membres sont larges et nourris, l’action musculaire est plus énergique. Lorsque les diamètres de la poitrine sont établis sur une grande échelle, le cheval est capable de résister au travail le plus pénible et de fournir à une course rapide et de longue haleine.
La première action de l’homme et des animaux qui se préparent à de grandes contractions musculaires est de remplir leur poitrine d’air. Plus la colonne qui pénètre dans les cellules branchiques a de profondeur et d’étendue, plus le tronc, plus le corps qui sert de point d’appui aux mouvemens violens auxquels ils vont se livrer a de fixité et de puissance, et plus les irradiations nerveuses qui fournissent l’aliment à la contractilité sont vives et multipliées.
Il est facile, après avoir observé les défauts saillans de chaque race, de choisir les étalons qui sont doués des qualités propres à les modifier avec avantage et à les effacer complètement par la persévérance que l’on met à les combattre.
Ce n’est point par des oppositions violentes et heurtées que l’on est certain du succès; c’est au contraire par de doux contrastes habilement ménagés que l’on parvient au but que l’on veut atteindre. Il faut toujours suivre une marche graduelle pour opérer le bien et le rendre durable; tandis qu’une différence trop tranchée dans les formes des individus des deux sexes que l’on veut unir ne peut donner naissance qu’aux disparates les plus choquantes.
Des contrastes naît l’harmonie; des oppositions violentes de formes, de taille, de poil, d’âge, résultent nécessairement des êtres dont toutes les parties n’offrent que désordre et discordance. Tous les liens qui unissent les parties entre elles et qui en forment un ensemble harmonique sont alors brisés sans retour, et une variété infinie de vices de construction se manifeste dans toutes les régions qui portent l’empreinte ineffaçable de l’irréflexion qui a présidé aux appareillemens.
On évite cet écueil en se conformant aux principes que je viens d’indiquer. La race que l’on veut améliorer pèche-t-elle par une tête chargée, une encolure sans noblesse? on choisit des étalons dont la tête soit légère et dont l’encolure soit bien dessinée. La croupe des jumens est-elle avalée, tranchante ou surchargée de deux hémisphères graisseux qui ne forment qu’un poids incommode et nuisible à la célérité de la progression? on leur donne des étalons dont les formes sont arrondies, dont les hanches sont horizontales, dans lesquels le sacrum n’a pas trop de proéminence, et dont la croupe n’excède pas les dimensions fixées par la belle nature.
Il en est de même de tous les défauts que l’on veut faire disparaître. Il faut toujours leur opposer les beautés contraires dans les étalons qui sont appelés à perfectionner la race; mais, je le répète encore, cette modification doit être calculée, et les chevaux chez lesquels ces beautés se développent avec le plus d’éclat ne sont pas ceux qu’il faut préférer dans les premières générations. Ce n’est que pour imprimer le dernier sceau à l’amélioration qu’il faut les choisir d’une manière exclusive.
Les jumens communes sont appatronnées plus avantageusement avec des fils et des petits-fils d’arabes qu’avec des arabes purs ou des chevaux d’élite des autres races distinguées: tant il est vrai que les appareillemens ne sont fructueux qu’autant que les relations qui existent entre les deux sexes ne sont pas rompues par une trop forte dissemblance.
Dans toutes les races, quelle que soit leur pureté ou leur amélioration croissante, nous devons surtout nous attacher à la largeur, à la solidité des articulations, à la liberté, à l’étendue de leurs mouvemens, à la saillie des cordes tendineuses fortement prononcées, à la configuration du sabot qui ne doit être ni trop évasé ni trop restreint, et à la direction perpendiculaire des membres thorachiques et abdominaux; direction qui donne la garantie du jeu facile que leurs rayons exécutent les uns sur les autres, et de la force de l’union qui les maintient en rapport, puisque leurs abouts articulaires se correspondent d’une manière exacte, et que le point d’appui mutuel qu’ils exercent simultanément est d’une égalité parfaite.
Ces mouvemens articulaires à la faveur desquels la progression s’effectue se combinent et s’exécutent avec un art qui mérite toute notre attention, puisqu’il nous met à même d’apprécier les qualités de l’animal qui est soumis à notre investigation et d’admirer le mécanisme des rouages qui le font mouvoir. Je ferai contraster l’une avec l’autre chaque articulation correspondante, pour que l’ensemble de leurs mouvemens contraires qui tendent au même but puisse être facilement saisi.
Pendant que les épaules exécutent un mouvement oscillatoire ou de pendule sur les parties latérales de la poitrine, mouvement qui leur permet de recevoir ou de repousser la masse qui est dardée sur elles, les hanches ou, pour mieux dire, les os des cuisses dont les têtes arrondies roulent dans les cavités profondes du bassin, agissent comme un lévier puissant qui soulève l’arrière-main et le lance sur les parties antérieures du corps. L’impulsion violente qu’elles reçoivent continuellement ne tarderait pas à les ébranler et à en provoquer la ruine, si la nature n’avait pas tempéré la force de la réaction, en plaçant un cartilage flexible à la partie supérieure des scapulums, et en l’entourant de bandes charnues qui mitigent le choc auquel elles sont exposées; tandis que les os du bassin sont directement soulevés par les fémurs, pour que la masse du corps qui doit s’élancer en avant soit dardée avec plus d’énergie.
Le compas du grasset, formé par la cuisse et par l’os de la jambe qui se plie sous le fémur, se ferme en avant; tandis que le bras et l’avant-bras, dont l’angle est ouvert en avant, ferment le compas du coude en arrière.
Le compas du genou, dont la tête se porte en avant dans la flexion de l’avant-bras et du canon, contraste avec celui du jarret dont la pointe se ferme en arrière.
Ainsi les membres thorachiques et abdominaux, que la nature à fait contraster pour opérer la locomotion, ont des angles rentrans et saillans directement opposés les uns aux autres, pour que leur action réciproque, parfaitement balancée et concourant au même but, puisse effectuer la progression.
Tous les ressorts se tendent de l’avant à l’arrière, pour que leur détente en sens inverse porte la machine en avant: admirable mécanisme où tous les rouages sont si bien disposés, que la puissance qui fait mouvoir chaque articulation a d’autant plus d’intensité qu’elle est chargée d’opérer une plus grande somme de mouvemens!
Je pourrais pousser plus loin ces recherches; et comparant la direction différente des rayons des membres, la solidité de leurs attaches, la profondeur de leurs articulations, la force de leurs agens musculaires, la similitude des articulations situées au-dessous des genoux et des jarrets, entrer dans des détails qui ne seraient peut-être pas sans intérêt, mais qui seraient étrangers ou inutiles aux propriétaires pour lesquels je me livre à ces réflexions.
Ce que j’en ai dit suffira pour leur faire comprendre qu’il faut toujours étudier l’ensemble, après avoir analysé les diverses parties qui le composent, et qu’une source inépuisable de découvertes et d’aperçus ingénieux jaillit de l’idée que tous les êtres créés, qui renferment en eux les conditions de leur existence, sont pourvus de tous les moyens propres à l’assurer, et qu’il n’est pas possible de rien ajouter aux œuvres de la divine sagesse qui les a formés.
C’est pour rappeler les races à leur beauté primitive que nous devons veiller avec le plus grand soin aux appareillemens. La nature se prête à ces combinaisons et rectifie les défauts de conformation que la négligence, l’incurie, le mélange confus des individus des deux sexes, l’influence nuisible du climat, ont développés; mais il faut suivre avec persévérance le plan adopté, parce que les êtres nouveaux qui sont le fruit de ces combinaisons tiennent souvent plus de leurs ascendans que de leurs pères, et que les défectuosités, qui ont pour elles la sanction du temps, ne peuvent être combattues avec avantage et complètement effacées que par une suite non interrompue de générations dont le type tend sans cesse à s’épurer.
Il ne faut pas confondre les vices de conformation originelle avec les tares qui sont le triste résultat d’accidens ou de travaux excessifs auxquels les animaux sont soumis. Ceux-ci sont purement individuels et disparaissent avec les animaux qui en sont entachés. Il n’y a que les vices de construction congénitale qui soient héréditaires. Plus ils nuisent à la beauté des formes et à l’intégrité des fonctions de la vie, plus nous devons nous attacher dans les appareillemens aux étalons chez lesquels brillent les qualités contraires.
Le bien et le mal luttent sans cesse l’un contre l’autre dans le monde moral comme dans le monde physique. Les beautés natives dont rien n’a altéré la pureté se transmettent avec facilité de génération en génération, comme les imperfections se perpétuent, lorsque le concours des circonstances qui les ont fait naître tend continuellement à les propager. La famille respectable par ses vertus lègue pour l’ordinaire à ses enfans les principes d’honneur et de délicatesse qui l’animent; les êtres dépravés qui foulent aux pieds les lois de la morale et de la probité n’ont trop souvent pour successeurs que des fils qui ont avec eux une triste et funeste similitude; ils ne sont pas nés pervers, mais le germe de leurs bonnes qualités a été étouffé par les mauvais exemples qu’ils ont eus sous leurs yeux dès leur plus tendre enfance.
Il en est de même des monstres qui viennent nous surprendre par leur conformation bizarre. Chez eux le type normal est effacé, et ils s’écartent des lois ordinaires de la création, parce que quelques-unes de leurs parties constituantes ont pris une exubérance extraordinaire qui s’est opposée au développement de celles qui devaient appartenir également au domaine de la vie. Telle la plante parasite, dont les suçoirs épuisent l’arbuste qui lui sert de support, finit par dessécher ses vaisseaux séveux et par s’approprier tous les matériaux de sa nutrition.
Tous les êtres infortunés qui sortent du sein de nos femmes ou qui se sont formés dans les flancs des femelles de nos animaux domestiques, et auxquels le vulgaire, fertile en rapprochemens, compare tous les animaux qui ont avec eux quelque ombre de ressemblance, ne sont pas le produit d’une génération insolite; ce ne sont que des individus dégradés chez lesquels le rithme de la vie a subi une plus ou moins grande irrégularité.
Ils ont été engendrés comme les autres créatures de l’espèce à laquelle ils appartiennent; mais ils offrent une conformation différente, parce que tous les élémens de leur organisation n’ont pas eu une évolution simultanée, et que, par un concours fortuit de causes diverses, quelques-unes de leurs parties, privées des matériaux de la nutrition, n’ont conservé que les rudimens de leur existence; tandis que les autres, gorgées de sucs surabondans, ont acquis un développement anormal réprouvé par la nature.
Ce sont des monstres, parce que leur structure n’a plus aucune analogie avec celle des animaux de leur espèce et des autres tribus de la création; ils sont hors de ligne, et, frappés de stérilité à leur naissance, ils emportent dans la tombe le sceau de la réprobation dont ils ont été marqués.
Cette disproportion énorme des parties constituantes du corps dans les monstres, cette discordance des divers organes dont les liens sympathiques ont été détruits par une nutrition insolite, en forment, comme je viens de le dire, des êtres isolés qui n’ont plus d’analogues dans la création. Ils nous démontrent jusqu’à quel point peuvent être rompues les diverses relations qui constituent l’état normal de l’organisme; ils sont le dernier terme de l’échelle de dégradation des espèces animales.
Ce défaut d’équilibre existe plus ou moins chez tous les individus qui jouissent de la vie. Dans tous il y a un ou plusieurs organes prédominans, et cette suprématie se manifeste également dans les parties extérieures du corps. Il y a dans l’espèce chevaline, comme dans toutes les autres espèces que modifient sans cesse les agens extérieurs dont elles reçoivent l’influence permanente, des races dans lesquelles les diverses réglons du corps sont loin d’avoir entre elles une parfaite correspondance.
Quelques races pèchent par une tête pesante, une encolure trop charnue, des épaules trop matérielles, pendant que la croupe est mince, étroite, courte, tranchante, et les cuisses plates et sans contours, musculeux. Les chevaux espagnols, napolitains, ne nous en offrent que trop d’exemples.
Il y a d’autres races dans lesquelles les défauts contraires prédominent. Une croupe énorme, des cuisses fortement nourries, contrastent avec une encolure grêle et des épaules décharnées: telles sont souvent les jumens franc-comtoises et quelquefois les bretonnes.
Dans les unes et dans les autres ce défaut de rapports, cette inégalité de formes, dépendent de la distribution vicieuse des sucs nutritifs. Ils affluent trop abondamment dans les parties exubérantes, et ils ne se distribuent pas en assez grande quantité dans celles qui n’atteignent pas à un volume proportionnel, parce que leurs facultés assimilatrices sont moins énergiques.
Nous ne pouvons remédier à ces vices de conformation qu’en unissant les jumens à des étalons qui, pour les améliorer, ne doivent pas pécher par les défauts contraires, car les formes de la belle nature constituent seules leur type améliorateur, mais dans lesquels les régions du corps correspondantes laissent peu à désirer.
La beauté n’est pas un être idéal et fantastique; elle réside dans les proportions exactes de toutes les parties qui concourent à former l’ensemble, dans le contraste harmonique des formes du corps, dans l’accord de toutes les dimensions qui se fondent de manière à accroître leur valeur relative et à donner plus de relief à leurs contours; enfin, dans l’ordre parfait avec lequel elles sont disposées, pour que leur action et leur réaction s’exécutent avec la plus grande régularité.
La disproportion du volume entre les parties antérieures et postérieures du corps ne nuit pas seulement à la beauté du cheval, elle influe puissamment sur sa vigueur. Il est facile de sentir que, dans le cas où l’avant-main offre une masse trop pesante, les agens musculaires de la croupe et des cuisses trop grêles comparativement sont obligés à des efforts plus pénibles pour opérer la percussion, et que, dans le cas contraire, les épaules trop faibles sont promptement ruinées par le poids énorme de l’arrière-main qui est dardé sur elles à chaque détente des jarrets.
Dans le cheval bien proportionné, les forces relatives des parties antérieures et postérieures du corps se balancent avec avantage. Leurs mouvemens sont en harmonie; ils sont doux et faciles, et les membres chargés de recevoir et de repousser alternativement la masse partagent d’une manière égale les efforts auxquels ils sont soumis.
Lorsque les vices de conformation ne dépendent que de la grosseur inégale des parties charnues, il est bien plus facile de les ramener à une juste proportion que de corriger les défectuosités de la charpente osseuse. Cette base de l’édifice animal exige une suite non interrompue d’appareillemens bien calculés, pour que ses défauts héréditaires puissent être complètement détruits.
Sa trame dure et compacte, incrustée de sel terreux, est bien moins susceptible de modification que les parties molles et flexibles de l’organisme, et cependant le plus grand nombre des vices de construction qui frappent nos regards dérivent des pièces osseuses dont la direction est faussée ou dont les dimensions ont plus de longueur ou plus de brièveté que ne l’exige la belle nature. Citons-en quelques exemples.
Une tête trop grosse doit cet excès de volume ou à l’amplitude des ossemens qui la composent ou à l’épaisseur trop considérable des coussins musculaires dont elle est revêtue. Placée à l’extrémité du lévier de l’encolure, elle augmente le poids de la masse à soulever dans toutes les allures du cheval. Lorsque son volume est due à l’épaisseur des parties charnues, elle est infiniment plus pesante, et la fluxion périodique, qui sévit de préférence contre les chevaux qui ont ce vice de conformation, est bien plus à redouter.
La brièveté des vertèbres du cou rend l’encolure trop courte; elle est alors dépourvue de toute flexibilité, et sa pose est dénuée de grâce et d’élégance. La longueur démesurée des mêmes vertèbres, qui donne trop d’étendue à cette région, augmente le poids de la tête, puisqu’elle accroît le bras du lévier au bout duquel la résistance se trouve placée. Les chevaux dont le cou pèche par une longueur excessive séduisent l’oeil par ses contours et par la pose élevée de la tête; mais ils ne sont nullement proprés à une course rapide: l’air a trop d’espace à parcourir pour pénétrer dans la poitrine.
La longueur et la largeur de l’os de l’épaule sont un gage assuré de la liberté de ses mouvemens. Si le scapulum est trop court, il ne vibre plus avec la même force et la même aisance sur les parties latérales de la poitrine.
Quand la chaîne vertébrale qui forme la base des régions dorsale et lombaire a trop de longueur, elle est nécessairement beaucoup plus faible; elle ne tarde pas à fléchir, et le cheval est ensellé. Si cette chaîne est trop courte, elle a plus de force; mais ses réactions se font sentir d’une manière incommode au cavalier, et trop souvent les reins s’élèvent eu voûte tranchante et forment ce qu’on appelle le dos de mulet.
La longueur des côtes, lorsqu’elles sont bien cerclées, dénotent la puissance de l’organe pulmonaire. La largeur et la profondeur de la poitrine sont des indices assurés que le cheval est propre aux courses les plus rapides et les plus prolongées.
La brièveté de ces courbes osseuses et leur applatissement diminuent la capacité de la poitrine et, par une conséquence inévitable, nuisent à l’intégrité et à l’étendue de la respiration.
Les os du bassin donnent à la croupe les configurations différentes qu’elle présente. Lorsque les hanches sont étendues et rapprochées le plus possible de la ligne horizontale, la force de cette région en est accrue, et la puissance de l’arrière-main annonce la vélocité de la course à laquelle le cheval peut être soumis.
L’étroitesse, l’exiguité des os du bassin sont des signes infaillibles de débilité. La croupe est courte, étroite, et les muscles qui la couvrent, privés d’un point d’appui étendu, n’ont que des contractions faibles et sans énergie. Les chevaux arabes se distinguent par la force et la vigueur de leurs hanches. Il y en a dont la croupe est plus longue que le corps. Je pourrais citer pour exemple le Sheix, le Bédouin, l’Hyémen, etc.
Lorsque le bassin est trop incliné, la croupe est avalée. Si le sacrum, qui en forme le point culminant, a trop de proéminence, la croupe est tranchante.
Dans les membres abdominaux et thorachiques, les rayons osseux qui les composent sont également le siège des vices de conformation que nous avons à leur reprocher. Quand leur longueur respective dépasse les proportions qui leur sont assignées, le cheval est haut monté. Si les rayons, au contraire, ont trop de brièveté, l’animal est trop près de terre; il a plus de force, mais moins de légèreté.
Ces rayons varient encore entre eux pour leurs dimensions proportionnelles.
La longueur excessive des os de l’avant-bras et de la jambe rapproche trop du sol les articulations des genoux et des jarrets. Le cheval court alors avec plus de rapidité, mais il ne détache pas assez ses membres du terrain qu’il franchit, et les obstacles qu’il trouve à sa surface et contre lesquels il va souvent heurter provoquent des chutes fréquentes. Les chevaux arabes, dans lesquels cette conformation est ordinaire, buttent souvent, pour me servir du mot technique.
Dans les chevaux où le cubitus et le tibia ont au contraire trop de brièveté, les genoux et les jarrets sont placés trop haut. Leurs mouvemens sont plus élevés, mieux cadencés; mais ils parcourent à chaque temps moins de terrain, parce que leurs membres se soulèvent trop et n’embrassent pas assez d’espace. Les chevaux espagnols sont remarquables par leurs allures de manège qui dépendent de ces dimensions trop raccourcies des os de la jambe et de l’avant-bras, tandis que ceux des canons et des paturons pèchent par trop de longueur.
Les abouts articulaires des os doivent avoir assez de saillie pour que les articulations soient nettement prononcées. S’ils n’ont pas assez de surface, ces articulations sont débiles, et leur mode d’union porte l’empreinte de leur faiblesse originelle.
Le défaut de volume et d’étendue du sternum, qui forme la base osseuse et cartilagineuse du poitrail, donne lieu au rapprochement trop considérable des articulations scapulo-humérales qui forment les pointes des épaules. Le cheval dont le poitrail est serré ne peut jouir d’une grande liberté de mouvemens. Si le sternum a au contraire trop d’évasement, le poitrail est trop large et l’animal est lourd et pesant.
Quand les os des avant-bras, du canon, du paturon, sont dirigés trop en dedans, soit d’une manière générale, soit d’une manière partielle, le cheval est panard; si leur direction est faussée dans le sens contraire, l’animal est cagneux, et l’un et l’autre ne peuvent valoir celui qui, à qualités égaies, a des membres dont l’aplomb est parfait. Il en est de même de la direction vicieuse des membres abdominaux; elle tient toujours à la déviation des colonnes osseuses.
Cette énumération sommaire des défauts qui nuisent à la beauté et à la bonté du cheval prouvera aux propriétaires combien ils doivent mettre d’importance aux appareillemens, puisqu’ils ont spécialement pour but de rectifier la charpente osseuse dont les vices de structure produisent les défectuosités dominantes de leurs races. Elle leur fera également reconnaître la nécessité de persévérer dans le plan qu’ils auront adopté, puisque la succession non interrompue de plusieurs générations est indispensable pour maintenir et pour épurer sans cesse le type améliorateur. La sanction du temps et des soins soutenus peuvent seuls le conserver.
Il leur sera facile d’appliquer aux jumens qu’ils possèdent les réflexions générales auxquelles je viens de me livrer. Sans avoir fait une étude approfondie du cheval, on peut reconnaître les défauts de proportion que j’ai signalés; et comme chaque station renferme plusieurs étalons, ils peuvent juger, en se livrant à un examen comparatif, quel est celui qui réunit les qualités les plus propres à corriger dans les productions de leurs jumens les défectuosités qu’ils reprochent à leurs mères.
Ils ne doivent point oublier que les poulains tiennent souvent plus de leurs ascendans que de leurs procréateurs. Qu’ils ne soient donc pas surpris que le fruit des combinaisons les mieux réfléchies échappe quelquefois aux calculs et aux espérances auxquels ils se sont livrés, parce que l’influence maternelle, qui dérive d’une source impure, a exercé trop de prépondérance. Ils doivent bien plus redouter ce désappointement, lorsqu’ils conduisent leurs jumens à des étalons particuliers, puisque ces chevaux ne, sont trop souvent issus que de mères communes, à peine perfectionnées par un premier croisement, et que leurs poulains ont alors à lutter contre la double influence de leurs ascendans paternels et maternels.
On a dit, et on a eu raison de le dire, que les chevaux de sang, quoique défectueux, procréaient des enfans supérieurs à ceux des étalons dont la noblesse ne datait que d’un ou deux croisemens, quoique leur conformation fût infiniment plus belle. Les enfans des premiers s’améliorent avec l’âge, tandis que les autres perdent en se développant les caractères de race dont l’empreinte fugitive n’a pas été gravée par le temps.
Cette assertion est vraie; mais gardons-nous cependant des étalons défectueux, quelles que soient la pureté et l’ancienneté de leur race. C’est sur des beautés réelles que nous devons fonder l’amélioration, et non sur des défauts qui peuvent disparaître dans les générations subséquentes par l’influence prolongée des qualités supérieures des ascendans, mais qui ont toujours besoin de s’effacer, pour que le type primitif recouvre sa pureté.
Qu’est-ce que le cheval de race? Telle est la question qu’un grand nombre de propriétaires adressent à ceux qui peuvent leur en donner la solution.
Le cheval de race est le cheval perfectionné par l’éducation qui a secondé l’heureuse influence du climat. Dans toutes les races disséminées sur le globe, il y a des chevaux supérieurs, des chevaux médiocres et des chevaux communs. Il en est de même de toutes les espèces.
Dans l’état sauvage, les favoris de la nature, c’est-à-dire, ceux qui ont reçu le plus abondamment en partage les qualités physiques qui forment les attributs de leur espèce, occupent la première ligne. Quand ils s’allient à des compagnes que cette mère commune a également favorisées, il en résulte des individus bien supérieurs à ceux qui doivent leur naissance à des êtres moins parfaits. Eh bien! l’homme a érigé en système dans les animaux soumis à la domesticité ce que la nature fait isolément, à cause du mélange continuel des individus chez lesquels les qualités et les défauts se balancent indistinctement. Il a uni les individus les plus parfaits des deux sexes, et de leurs conjonctions successives, toujours pures et sans mélanges, sont nés les chevaux d’élite auxquels nous donnons le nom de chevaux de race.
Le cheval de race est donc celui qui provient d’un choix non interrompu d’aïeux qui réunissaient à un degré éminent les qualités distinctives de leur espèce: aussi ses os sont-ils plus durs et plus compactes; ses organes intérieurs plus vigoureux, ses muscles plus fortement prononcés, ses cordes tendineuses plus saillantes; ses articulations plus solidement établies, ses sens plus actifs, sa peau plus fine, plus sensible, sa robe plus soyeuse et ses crins plus doux et moins abondans. Le moral s’épure comme le physique, et ses qualités instinctives s’élèvent bien au-dessus de celles des chevaux communs: elles sont en rapport avec la perfection de ses organes.
La désastreuse campagne de Russie en 1812 a prouvé d’une manière évidente combien les chevaux de race sont supérieurs à ceux dont l’organisation est moins épurée. Ils ont été les dernières victimes des rigueurs du climat que rendaient plus redoutables encore les fatigues et les privations auxquelles ils étaient soumis. Tous les chevaux communs ont été moissonnés avant eux sous ce ciel de fer qui a été témoin du plus grand désastre de nos modernes annales.
Dans tous les climats, sous toutes les latitudes, on peut perfectionner les races indigènes des chevaux, pourvu que les soins qui leur sont prodigués soient bien calculés. Les heureux résultats de leurs appareillemens et de leur éducation sont puissamment favorisés par la nature du sol et par les autres circonstances locales; mais l’homme peut surmonter, par sa persévérance et par un plan bien conçu, les obstacles que le climat lui oppose.
Il peut accroître la beauté de leurs formes, corriger les défauts dominans, augmenter la somme de leurs qualités; mais il ne doit point tendre à élever beaucoup leur taille, lorsque la nature du sol s’y refuse. Le volume des herbivores, comme je l’ai déjà dit, est toujours en rapport avec la fécondité de la terre qui les nourrit, parce que l’évolution de leurs organes dépend des matériaux nutritifs qui servent à leur alimentation.
Les propriétaires qui s’adonnent à l’éducation des chevaux doivent donc bien calculer le degré d’élévation auquel ils peuvent faire parvenir leur race, sans nuire à ses qualités; et, pour obtenir dès succès, il faut qu’ils s’arrêtent au point qu’ils ne peuvent outrepasser sans porter une atteinte notable à la bonté de leurs élèves.
Dans les stations de monte, ils s’attachent aux étalons qui n’ont pas de différences trop tranchées avec leurs jumens. S’il y a trop d’inégalité dans leur taille comparative, dans leur volume, dans leur configuration, il n’en peut résulter que des productions décousues, sans nerf et sans vigueur.
En général, les étalons qui méritent la préférence sont ceux dont l’ensemble annonce le plus de force et de légèreté. Des jambes larges et tendineuses, des muscles fortement dessinés, des cuisses nourries, une croupe longue et carrée, un corps cylindrique, des épaules dont la surface offre de grandes dimensions, des avant-bras charnus, sont des indices assurés de leur vigueur. Il vaut mieux qu’un étalon pèche par excès de force que par une finesse extrême; mais il ne faut pas que ses proportions contrastent trop fortement avec celles de la race indigène, et ses formes doivent avoir de l’identité, de l’analogie, avec celles des jumens dont il doit améliorer les produits.
De la bonté des appareillemens naît donc l’amélioration des races que nous cherchons à perfectionner, puisque les animaux, comme l’homme, transmettent à leurs descendans les qualités et les vices dont ils sont imbus.
La similitude qui existe entre les poulains et les pères et mères dont ils sont issus ne se borne pas aux formes extérieures du corps, comme je l’ai déjà démontré en parlant de la charpente osseuse; elle s’étend encore aux organes qui reposent dans les cavités splanchniques: de là l’hérédité de certaines maladies qui tiennent toutes à un vice organique congénital.
Les pères et mères bien constitués engendrent des enfans robustes, et, comme l’a dit un médecin célèbre, la plus grande force vient de la naissance. La faiblesse constitutionnelle des poulains qui les dispose aux maladies héréditaires dépend également de leurs procréateurs, lorsqu’un ou plusieurs de leurs organes ont un vice primitif de structure qui leur a été légué par leurs ascendans.
Le Collégial, étalon espagnol, très-sujet aux coliques, à cause d’un rétrécissement anormal de l’intestin grêle, a transmis ce défaut à plusieurs de ses poulains, tels que le Sophi, l’Engageant, etc., qui avaient avec lui une ressemblance frappante.
En Normandie, le cornage, presque inconnu il y a un demi-siècle, a envahi toute cette province et commence même à se propager en Bretagne. Ce vice des voies aériennes ne disparaîtra qu’autant que l’on éloignera de la reproduction les chevaux et les jumens qui en sont entachés.
La myopie, la fluxion périodique, qui étaient si communes en Limousin, sont moins fréquentes depuis qu’on a fait un choix plus sévère des étalons et des jumens poulinières.
Je pourrais citer plusieurs autres exemples de la facile transmission des maladies, et, je le répète encore, cette funeste hérédité ne sera répudiée que lorsque nous serons bien convaincus que tous les chevaux faibles, valétudinaires, mal conformés, doivent être proscrits des haras. Cette assertion positive s’applique spécialement aux poulinières dont le choix est toujours moins sévère que celui des étalons, et qui exercent une influence bien plus puissante sur leurs poulains.
La ressemblance physique n’est pas la seule qui se transmette des pères aux enfans; les animaux héritent également des qualités morales de leurs procréateurs. Le cheval doux, plein de noblesse, ami de l’homme, communique ses bonnes qualités à ses productions; le cheval sauvage ne fait trop souvent que des poulains farouches. Il y a des races où cette âpreté de caractère, cette haine de l’homme, cet esprit d’indépendance, forment un héritage inaliénable que les pères ne manquent jamais de léguer à leurs enfans. En Limousin, les arrière-petits-fils du Cardinal, de La Jaumont, un assez grand nombre des enfans du Curde, se reconnaissent encore à leur susceptibilité et à leur naturel irascibles.
La transmission héréditaire des maladies et des vices de caractère devient plus sensible à mesure que les étalons et les jumens vieillissent. Avec l’âge les principes de la vie s’éteignent et les défauts prédominent.
Tous nos animaux domestiques sont soumis aux mêmes lois que l’espèce chevaline. Les bœufs, les’cochons, les bêtes à cornes, les ânes, ces compagnons du pauvre dont ils partagent les travaux, les oiseaux de nos basses-cours qui sont la joie de nos ménagères, s’améliorent également par des appareillemens bien entendus.
C’est toujours en consacrant à la reproduction les individus les plus beaux de chaque espèce et de chaque sexe, et en leur accordant les alimens qui conviennent le mieux à leur constitution, que nous parviendrons à accroître leur masse, à augmenter la somme de leurs forces, à affiner leur laine et à rendre leur chair plus agréable et plus nourrissante.
Les Anglais, que nous devons souvent prendre pour modèles dans tout ce qui tient à l’industrie et à l’agriculture, ont poussé la science des appareillemens jusqu’au point d’accroître d’une manière spéciale, dans les animaux destinés à la boucherie, le volume et la qualité des parties qui sont le plus recherchées pour la table. Ils sont parvenus à leur procurer cet excès de nutrition particulière, en accouplant sans cesse les animaux de chaque sexe chez lesquels ces régions du corps avaient le plus d’exubérance.
L’agriculture en France ne fera jamais des progrès aussi rapides qu’en Angleterre, tant que nos riches propriétaires ne préféreront pas comme eux le séjour paisible des champs à la vie tumultueuse de nos cités. C’est cependant au milieu des prairies verdoyantes, sous l’ombre hospitalière des bois silencieux, au sein des campagnes fécondes, que l’homme connaît le prix de son indépendance; c’est là qu’il resserre les doux liens de la famille, qu’il savoure les plaisirs de l’amitié, que ses facultés physiques se développent et que la sphère de ses idées s’agrandit.
C’est à la campagne que l’homme riche exerce un noble patronage fondé sur la supériorité de ses lumières, le désintéressement de ses conseils et la reconnaissance de ses services. Heureux des bienfaits qu’il répand, il vivifie le pays qu’il habite par l’introduction des bonnes pratiques de culture et par des assolement bien dirigés; il favorise l’adoption des instrumens qui abrègent et simplifient le travail, et, par les résultats avantageux des croisemens qu’il opère sur tous les animaux qui font la richesse de ses domaines, il détermine ceux qui l’entourent à suivre son exemple. Combien de nos vieux guerriers ont rapporté de la terre de l’exil ou des pays qui avaient vu flotter leurs bannières victorieuses des notions d’agriculture qui ont été fructueuses pour les cantons où ils ont fixé leur résidence! (Voyez croisement des races. )