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ОглавлениеPRÉFACE
Le Palais de l’Isle à Annecy a pour auteur M. Aimé Burdet, imprimeur-libraire de cette ville. Ce récit historique parut pour la première fois dans les colonnes du journal l’Echo du Mont-Blanc. Il occupa 40 feuilletons du 28 juillet 1855 au mois de septembre 1856. Le public le goûta.
La réédition actuelle forme un volume in-8°, c’est une œuvre de piété filiale. M. Charles Burdet, ancien imprimeur-libraire, consacre ce monument Annécien et littéraire à la mémoire de son très digne père.
Voici à quelle occasion fut écrit Le Palais de l’Isle. M. Aimé Burdet, rédacteur de l’Echo du Mont-Blanc, voulant couvrir la responsabilité d’un honnête correspondant anonyme, fut condamné à 15 jours de prison. Les débats judiciaires, commencés en 1853, ne prirent fin qu’en 1855. Le père de M. Aimé Burdet, Alexis, avait été honoré de la même peine, sous le gouvernement de la Terreur.
Tous les Savoyards connaissent le mouvement libéral et révolutionnaire, accompli dans les Etats sardes en 1848. En tout temps, la Révolution montre les mêmes instincts. Voulant donner satisfaction à ses adulateurs et adeptes, elle poursuit, de toutes ses sévérités, les conservateurs de race. Le fonds ne change guère: le catholicisme, voilà l’ennemi. Sans cela, la Révolution cesserait d’être satanique, comme l’a écrit M. Joseph de Maistre. M. Burdet, en prison, fut considéré comme un condamné non dangereux.
Le registre d’écrou, dressé durant la Terreur, fut mis à sa disposition. Il va nous dire lui-même le parti qu’il en tira. Les indications relevées durant sa détention servirent «à utiliser quelques notes recueillies de longue main et qui sont loin d’être complètes. Nous abrégeons nos citations pour ne nous arrêter qu’à la singularité des motifs cités dans les mandats d’arrestations.» (Page 22.)
Plus loin, l’Auteur complète sa pensée:
«Avant de terminer, je dois quelques explications aux lecteurs assez indulgents pour m’avoir suivi dans le récit d’une époque, qui offre tant d’analogie avec la situation actuelle de notre pays. Je croyais d’abord n’écrire que quelques pages très légères, en souvenir des quinze jours de prison que je m’honore d’avoir subis au Palais de l’Isle, et aussi en mémoire des quinze jours que mon père y a passés glorieusement. C’est ce qui justifie le titre de mon récit. Mais, sur les pressantes instances de quelques amis, je dus étendre mon cadre pour utiliser les matériaux assez rares qui sont entre mes mains, de même que ceux qui m’ont été confiés plus tard, et les faits qui m’ont été racontés par des témoins oculaires. Cette circonstance explique suffisamment l’absence de plan qui règne dans ce feuilleton. On doit le considérer comme une archive où j’ai renfermé des documents qui auraient pu se perdre, et des souvenirs qui vont bientôt disparaître avec moi.
«La main sur la conscience, je puis affirmer que tout ce que j’ai rapporté a été puisé aux meilleures sources. Cette compilation pourra donc servir à celui qui, plus heureux que moi, aura des loisirs pour y mettre de l’ordre.
«J’ai clos Le Palais de l’Isle avec l’année 1793, afin de commencer une nouvelle série de feuilletons qui lui feront suite.» (Pages 249, 250.)
Le journal l’Echo du Mont-Blanc, rédigé par M. Burdet depuis 1848, prit fin en 1856. Les difficultés devinrent insurmontables. Alors resta dans l’oubli la nouvelle série de feuilletons, qui devaient faire suite aux précédents et donner la physionomie d’Annecy depuis 1794 au Concordat. Ce fut une lacune regrettable. Notre auteur écrivait en 1859 à son ami M. Serand: «Je ne suis plus de ce monde, et je dois renoncera l’exécution des projets historiques que j’avais formés sur notre pays.»
Dans sa forme présente, Le Palais de l’Isle comprend dix chapitres avec sommaires, et 250 pages in-8° d’impression. Le titre seul est une recommandation.
Le monument qu’il désigne rappelle les plus importantes vicissitudes historiques d’Annecy.
Le Palais de l’Isle fut successivement une Maison forte ou châtellenie. un Atelier monétaire, une Chambre des comptes, le siège de la
Judicature mage, du Conseil général, de la Chambre de délégation pour les servis féodaux, du Bureau d’affranchissement, des Prisons révolutionnaires, des Prisons royales, d’un Asile de vieillards.
M. le chanoine Ducis, archiviste, vient de faire paraître une brochure de 78 pages in-8°, dans laquelle il montre les anciennes phases historiques du Palais de l’Isle d’Annecy.
M. Burdet s’est borné à tracer la monographie des prisons royales et de l’héroïque dévouement des Sœurs de la Charité qui les administraient au moment de sa détention. Le registre d’écrou des prisons révolutionnaires lui a fourni l’occasion de caractériser les principales scènes de la Terreur à Annecy, de 1792 à la fin de 1793.
Les prisons du Palais de l’Isle contenaient de 20 à 3o détenus, de 1790 à 1792. Le régime atroce de la Terreur porta promptement à 200 le nombre des prisonniers. A bref délai, deux maisons de Religieuses expulsées se remplirent de détenus politiques et judiciaires. Il fallait bien l’égalité pour tous, voire même pour les toits et clochers «qui offensent l’œil républicain». (Documents, page 259.)
Le récit de M. Burdet a pour but de réunir des documents exposés à disparaître, de faire une compilation destinée à caractériser les scènes et orgies révolutionnaires à Annecy. L’invasion de la Savoie, opérée sans déclaration de guerre, était contraire au droit des gens. Le nouveau gouvernement, imposé de force, était sans mission et sans autorité légitime; on dirait aujourd’hui anarchiste. La prétendue sanction du vote populaire ne fut jamais prise au sérieux. Le gouvernement français lui-même le comprit; et, en 1796 seulement, il commença des négociations régulières avec le roi de Sardaigne en vue de la cession de la Savoie.
M. Burdet, avec son jugement droit et logique, appréciait ainsi ces événements; il avait de plus le courage qui manque aux chiens muets et aux adulateurs, celui de dire ouvertement la vérité connue. Le style du Palais de l’Isle est simple, modeste, sans prétention littéraire, assaisonné de finesse gauloise et de franchise savoyarde et annécienne. On pourrait aussi ajouter, avec le langage de saint François de Sales, qu’il est instructif et affectif. Il dénote une âme délicate et tendrement affectueuse. On y remarque facilement des défauts. Les redites sont fréquentes, l’ordre chronologique des faits n’est pas toujours suivi, le manque de documents suffisants accuse des lacunes. Le récit est tronqué ; mais nous avons dit les excuses légitimes de l’auteur. Dans son ensemble, le narré plaît; sa lecture procurera satisfaction et profit. Quelques annotations, laissées par l’auteur, ont été intercalées à propos, par des chroniqueurs amis.
Le texte du Palais de l’Isle est suivi de nombreux Documents recueillis par le zèle éclairé de M. Eloi Serand. Ils servent de pièces justificatives. Nous les devons à la communication obligeante de M. Serand fils. L’éditeur a eu l’heureuse pensée de clore le nouveau volume par la réimpression de la
«Notice biographique de M. Aimé Burdet». Elle fut imprimée à Annecy en 1863, in-8° de 54 pages.
Aimé - Antoine - François Burdet naquit le 1er octobre 1790. Il rendit sa belle âme à Dieu le 3o juin 1862.
A la fin de sa carrière littéraire, en 1856, il pouvait écrire en toute vérité : «Il faut avoir vécu de notre vie pour sentir la satisfaction que donne la conscience du devoir dans une noble lutte, quelqu’abreuvée qu’elle soit d’outrages........ Et voilà pourquoi, en tenant la plume, nous ne l’avons jamais trempée dans le fiel qui déborde des passions haineuses, de celles qui souillent tant de pages. Nous fûmes passionnés, nous le confessons, mais de cette passion des nobles choses qui s’appelle: Dieu, Eglise, Patrie.»
La vie de M. Burdet fut celle d’un homme de bien, d’un catholique avant tout, d’un patriote éclairé, d’un lettré, d’un érudit, d’un ami et défenseur intelligent des nobles traditions de son pays. Les lecteurs pourront apprécier, dans sa Biographie, la vérité de ce jugement.
Annecy. 14 septembre 1894. 3e anniversaire centenaire de l’apostolat de saint François de Sales en Chablais.
J.-M. CHEVALIER,
Chanoine honoraire.