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VIII.

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Un dimanche, au retour d’une longue course en mer avec Mme de Lamartine, on nous dit qu’une femme, d’un extérieur modeste et embarrassé, était arrivée par la diligence d’Aix à Marseille, et qu’elle nous attendait depuis quatre ou cinq heures dans une petite serre d’orangers qui faisait suite au salon de la villa sur le jardin. Je laissai Mme de Lamartine entrer dans la maison, et j’entrai dans l’orangerie pour recevoir cette pauvre étrangère. Je ne connaissais personne à Aix, et j’ignorais complétement le motif qui pouvait avoir amené cette voyageuse d’une patience si obstinée à nous attendre toute une demi-journée.

En entrant sous l’orangerie, je vis une femme, jeune encore, d’environ trente-six ou quarante ans. Elle était vêtue en journalière de peu d’aisance ou de peu de luxe; une robe d’indienne rayée, déteinte et fanée; un fichu de coton blanc sur le cou; ses cheveux noirs proprement lissés, mais un peu poudrés, comme ses souliers, de la poussière de la route en été. Ses traits étaient beaux, gracieux, de cette molle et suave configuration asiatique qui exclut toute tension des muscles du visage, qui n’exprime que candeur et qui n’inspire qu’attrait; de grands yeux d’un bleu noirâtre, une bouche un peu affaissée aux coins par la langueur; un front pur de tout pli comme celui d’un enfant; les joues pleines vers le menton et se joignant par des ondulations toutes féminines à un cou large et un peu renflé au milieu comme le cou des statues grecques; un regard de clair de lune réfléchi dans une vague plutôt que du soleil de son pays, une expression de timidité mêlée de confiance dans l’indulgence d’autrui, émanant de l’abandon de sa propre nature. En tout l’image de la bonté qui la porte dans son attitude comme dans son cœur, et qui espère la trouver dans les autres. On voyait que cette femme, encore agréable, avait dû être très-attrayante dans sa jeunesse. Elle avait encore ce que le peuple, qui définit tout sans phrase, appelle le grain de beauté, ce prestige, ce rayon, cette étoile, cet aimant, ce je ne sais quoi qui fait qu’on attire, qu’on charme et qu’on retient. Son embarras et sa rougeur devant moi me donnèrent le temps de la bien regarder et de me sentir moi-même à l’aise, en paix et en bien-être avec cette inconnue. Je la priai de s’asseoir sur une des caisses d’orangers recouvertes d’une natte d’Egypte, et pour l’y encourager, je m’assis moi-même sur une caisse en face. Elle rougissait de plus en plus, elle balbutiait, elle passait sa belle main potelée et un peu massive sur ses yeux. Elle ne savait évidemment quelle attitude prendre ni par où commencer. Je la rassurai, et je l’aidai par quelques questions pour lui ouvrir la voie de l’entretien qu’elle paraissait à la fois désirer et craindre.

Geneviève

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