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XII.

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— Je m’appelle Reine Garde; je suis née dans un village des environs d’Aix en Provence. Je suis entrée toute jeune en condition chez Madame de ***, qui avait des jeunes demoiselles. J’ai été bonne d’enfants dans le château; j’ai grandi avec les jeunes personnes et je les ai vues grandir. Elles me traitaient plutôt comme leur sœur que comme leur servante; le père et la mère me traitaient presque aussi, à cause d’elles, comme un de leurs enfants. Je n’ai jamais voulu me marier pour ne pas quitter la famille. Pendant que les demoiselles faisaient leur éducation, en allant et venant dans la salle, j’attrapais un bout de leurs leçons. Je lisais dans leurs livres, enfin j’étais comme la muraille qui entend tout et qui ne dit rien. Cela fit que j’appris de moi-même à lire, à écrire, à compter, a coudre, à broder, à blanchir, à couper des robes, enfin tout ce qu’une fille apprend dans un cher apprentissage. Je leur taillais moi-même leurs habits, je les coiffais à Aix pour les soirées ou pour les bals; elles ne trouvaient rien de bien fait que ce que j’avais fait, et, en récompense, quand elles sortaient bien belles et bien parées pour le bal, et que j’étais obligée de les attendre souvent jusqu’à des deux ou trois heures du matin dans leurs chambres pour les déshabiller à leur retour, elles me disaient: «Reine, tiens, voilà un de nos

» livres qui t’amusera pendant que nous danserons.» Je le prenais, je m’asseyais toute seule au coin de leur feu et je lisais le livre toute la nuit, et puis quand j’avais fini, je le relisais encore jusqu’à ce que je l’eusse bien compris; et quand je n’avais pas bien compris tout, à cause de ma simplicité et de mon état, je leur demandais de m’expliquer la chose, et elles se faisaient un plaisir de me satisfaire. C’est comme cela, Monsieur, que j’ai lu l’histoire de la pauvre Laurence dans votre poëme de Jocelyn. M’a-t-il fait pleurer, une nuit que ces demoiselles l’avaient laissé tout ouvert sur leur table! Ah! je disais en moi-même: Je voudrais bien connaître celui qui la écrit! Vous savez, Monsieur, comme dit la complainte:

Qui est-ce qui a fait cette chanson?

Un marin sous sa toile,

Pendant qu’il carguait la voile

En revoyant sa maison. Etc., etc.

— Oui, lui dis-je, je connais cette complainte du matelot qui signe en action sa poésie, et qui met son nom dans son dernier vers, comme Phidias l’écrivait sous la plante du pied de sa statue, ou comme Van-Dick l’écrit au pinceau sur le collier du chien de tous ses tableaux, afin que le nom de l’artiste vive autant que l’œuvre, n’est-ce pas? Mais, continuez; comment êtes-vous sortie de cette bonne maison et que faites-vous maintenant?

Geneviève

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