Читать книгу Histoire de la vallée et du prieuré de Chamonix - André Perrin - Страница 3
INTRODUCTION
ОглавлениеL’histoire de Chamonix a été étudiée par la plupart des écrivains qui, depuis quelques années, se sont occupés de cette vallée, rendue célèbre par le Géant des Alpes. Ils ont indiqué l’origine de ses premiers habitants et retracé quelques-unes des phases de liberté et de dépendance par lesquelles sa population avait passé, au moyen-âge, sous la domination du prieuré établi par l’abbé de Saint-Michel de la Cluse. Mais leurs aperçus ne faisaient que pressentir les faits intéressants qu’il nous a été permis d’étudier d’une manière plus complète, grâce au riche recueil formé par M. Bonnefoy, qui avait bien voulu nous en confier la publication. C’est dans son analyse que nous avons puisé, en majeure partie, les éléments de ce livre. Il nous a paru que ce serait œuvre utile de faire connaître les précieux matériaux contenus dans ces documents. L’intérêt qu’ils présentent est en effet considérable non seulement pour l’histoire de la vallée de Chamonix et du prieuré dont elle dépendit pendant trois siècles, mais encore pour l’étude des libertés et des franchises, maintenues et développées en Savoie, plus particulièrement dans les hautes vallées des Alpes, pendant toute la durée du régime féodal. Il ressortira, croyons-nous, de cette étude une idée plus vraie de cette époque et de son influence sur notre pays. C’est pendant son cours que le servage s’est adouci et a disparu et que l’agriculture a pu revivre, s’améliorer et se répandre, sous la bienfaisante influence des ordres religieux. Malgré les luttes entre les seigneurs, terminées par la réunion du pays tout entier sous la puissance de la Maison de Savoie, la richesse et le bien-être se sont accrus peu à peu dans nos contrées. Leur état de misère et de dépopulation était tel, à la chute de l’empire romain, que l’invasion Burgonde put se produire sans amener de pertubation parmi les populations établies antérieurement sur le sol de l’Allobrogie.
Nous n’avons pas cru devoir analyser l’orographie du Mont-Blanc et de la vallée de Chamonix, traitée d’une manière si complète par Viollet-Le-Duc . Pour la cartographie de la vallée de Chamonix, nous n’aurions rien à ajouter à l’étude qui en a été faite par M. Durier. Nous signalerons seulement la première apparition du nom du Mont-Blanc sur une carte de Savoie, où il est dominé par celui des Glacières, placé en très gros caractères au nord-est de la vallée de Chamonix.
Ce nom que Bourrit avait, le premier, fait figurer sur une carte de la chaîne des Alpes gravée en 1787, fut ajouté, après la création du département du Mont-Blanc, sur une carte éditée par Jaillot en 1691. On en avait fait disparaître par le burin tous les emblèmes rappelant la royauté, en laïcisant le nom de l’auteur, frère Placide, religieux Augustin déchaussé, qui l’avait dédiée à Louis XIV. Il est placé sur une montagne à trois pointes, qui occupe à peu près la position vraie du Mont-Blanc. Nous avons reproduit la partie dans laquelle est comprise la vallée de Chamonix, en tête de la carte générale de la vallée de Chamonix et du Mont-Blanc, placée à la fin de cet ouvrage.
Le Mont-Blanc n’occupe qu’une place très restreinte dans cette histoire; il n’y est cité que comme limite, sous le nom de Roche-Blanche (rupes alba). Loin d’exciter l’admiration des habitants, il était pour eux un objet de terreur. A peine osaient-ils aborder les glaciers qui sont à sa base, et ils redoutaient ses terribles avalanches qui, trop souvent, leur apportaient la ruine en détruisant et recouvrant les forêts, les alpages, les chalets et les récoltes.
Jusqu’à de Saussure l’on n’osait même pas explorer les glaciers; aussi lors de la confection du cadastre on ne les figura point . Les géomètres s’arrêtèrent aux roches et aux crêtes qui les limitent sans les indiquer d’aucune façon. Aussi, dans la confection du nouveau cadastre se trouve-t-on fort embarassé pour établir une limite entre les communes de Chamonix et de Saint-Gervais relativement au Mont-Blanc. Sur le versant italien, le cadastre est purement descriptif et les propriétés communales ou privées, qui ont pour limites les glaciers ou les rochers, ont comme indication de confins: les sommités des monts.
Outre les documents recueillis par M. Bonnefoy, dont la majeure partie est comprise dans les deux volumes qui accompagnent cette publication, nous avons consulté une histoire manuscrite de Chamonix, écrite, en 1865, par M. l’abbé Gaydon, curé de cette paroisse, que M. l’abbé Buttaz son successeur, a bien voulu me communiquer. Je lui adresse mes remerciments, ainsi qu’à toutes les personnes qui ont bien voulu me prêter leur concours. Particulièrement à MM. les abbés Orsat, curé de Servoz, et Lombard, curé des Houches, qui m’ont transmis des notes fort intéressantes sur les anciens usages et la géographie de la vallée.
Dans le cours de ce travail, nous avions cherché à résoudre le problème de la date à laquelle avait eu lieu la donation de Chamonix à l’abbé de Saint-Michel de la Cluse par le comte Aymon de Genevois. M. le chanoine Ducis, archiviste de la Haute-Savoie, lui avait consacré plusieurs articles dans la Revue savoisienne, avant de rencontrer aussi un document la fixant à l’année 1091. Elle n’est pas, en effet, indiquée d’une manière précise, mais déterminée seulement par la rencontre de la férie VII avec le 27e jour de la lune, durant le règne du pape Urbain II. Ce règne ayant duré du 2 mars 1088 au 29 juillet 1099, vingt-deux dates, réparties en douze années, pouvaient satisfaire aux données du problème. Mais comme plusieurs de ces années présentaient deux ou trois rencontres de la férié et de la lune, nous avions pensé à éliminer toutes les années présentant plusieurs solutions. L’écrivain n’aurait sûrement pas employé un mode d’indication pouvant donner lieu à une équivoque. Il ne restait plus, dès lors, à choisir qu’entre les années 1088, 1091, 1095 et 1099. Les dates extrêmes entre lesquelles était renfermé le problème ne se trouvaient pas rapprochées, il est vrai, mais la date de 1090, indiquée par Guichenon et par Besson, nous portait à la fixer à 1091, qui en était plus voisine. Nous avons trouvé la confirmation de cette solution dans trois actes de la fin du XVIIIe siècle ; l’un reproduit cette charte, et deux autres mentionnent l’acte de donation de Chamonix en indiquant la date de 1091. Mais la curiosité que présentent les recherches faites pour fixer cette date, nous a amené à résumer les données du problème et la discussion des résultats que présentait son étude.