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CHAPITRE I

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Table des matières

Les premiers habitants de Chamonix

DOMINATION ROMAINE ET ÉTABLISSEMENT DES BURGONDES

Nos hautes vallées des Alpes, placées en dehors des grandes voies de communication de Gaule en Italie, furent moins directement soumises aux influences des envahisseurs et des conquérants qui sillonnèrent la Gaule à la chute de l’empire romain. Aussi leur histoire présente des caractères particuliers, jusqu’à l’époque du complet développement de la puissance de la Maison de Savoie, qui mit fin au régime féodal et restreignit les libertés communales. C’est au sein de ces montagnes que les Allobroges, les Ceutrons et les Nantuates, premiers habitants de la Savoie, dont l’existence soit mentionnée par les historiens, deux siècles avant Jésus-Christ, durent chercher un dernier refuge à la suite de leurs luttes contre les légions de Rome, terminées par leur soumission, 1200 avant Jésus-Christ. Peut-être devra-t-on rattacher aux derniers efforts de résistance de ces peuples, les camps retranchés du Châtelard, dont l’existence a été signalée par M. Ducis , mais dont la date ne pourra être fixée que lorsque des fouilles auront permi de l’établir d’une manière certaine.

Placée à la limite des Veragres (Valais) et de la vallée Pennine, jusqu’auxquelles s’étendaient les Allobroges, la vallée de Chamonix n’offrait qu’un passage difficile, de la vallée de l’Arve dans celle du haut Rhône. Elle dût être occupée, dès l’époque de leur établissement dans nos pays, par les Allobroges, peuple chasseur et guerrier, dont la rudesse et la vigueur ne le cédaient en rien à l’âpreté des montagnes et à la rigueur du climat. La partie la plus élevée, Vallorsine (Vallis ursina) ne fut habitée que plus tard par une tribu allemande, arrivée du Valais par le col de Balme.

Les plus anciens vestiges de l’existence de l’homme, dans la vallée de Chamonix, sont des pierres à bassin et à écuelles au nombre de trois, dont nous avons signalé l’existence sur la rive droite de l’Arve, en face de la commune des Houches, au lieu dit La Roche.

Bien que leur usage n’ait pas été nettement déterminé, elles ont été considérées par les archéologues, comme appartenant à une antiquité très reculée, peut-être même ayant précédé l’emploi du bronze. Sont-elles antérieures aux Allobroges ou sont-elles l’œuvre de ce peuple premier habitant que l’histoire mentionne en Savoie, avant l’invasion et la division de la Gaule par les Romains; il n’est pas possible de résoudre ce problème.

L’inscription romaine de la Forclaz du Prarion, lieu dit le Larioz, commune de Passy, indique deux peuples, les Viennois et les Ceutrons, entre lesquels elle établit une délimitation factice. Elle était placée à l’une des entrées de la vallée de Chamonix, au bord de la voie romaine qui, de Passy par le col de Forclaz, conduisait au col du Bonhomme, c’est le plus ancien monument écrit, découvert dans ce pays.

Son principal intérêt est de démontrer que, sous Vespasien, la vallée du Bonnant fut attribuée aux Ceutrons ou plutôt mise sous la dépendance des autorités de la province des Alpes graies et pennines, qui avaient un chevalier pour gouverneur. Auguste, sous le règne duquel se termina la conquête des Alpes, en fixant la limite de la province, ne voulut pas laisser entre des mains désarmées, un passage aussi important, et l’adjoignit au territoire des Ceutrons, afin qu’il fit partie d’une province romaine. Cette limitation, si peu en rapport avec la configuration du sol, amena des contestations entre les gouverneurs des Alpes graies et pennines et celui de la Narbonnaise. Pinarius Clemens, gouverneur de la Germanie supérieure, chargé de terminer leur différent fit placer cette inscription pour fixer, d’une manière définitive, la limite entre ces deux provinces.

La reproduction fidèle, par le moulage et par le dessin de cette curieuse inscription est due à Louis Revon qui en a donné, l’un des premiers, une lecture aujourd’hui généralement admise. De nombreuses publications, dont il a publié la bibliographie, ont été consacrées à la discuter; nous nous bornons à la reproduire d’après son dessin, en en donnant la traduction:

«Par l’autorité de l’empereur César Vespasien Auguste,

«souverain pontife élevé à la 5me puissance tributienne, «consul pour la 5me fois, désigné pour la sixième fois. «Cneius Pinarius Cornelius Clemens, son délégué, propré- «teur de la Germanie supérieure, a limité entre les «Viennois (Gaule narbonaise) et les Ceutrons», dont le territoire appartenait à la province dite Alpes graiæ et penninœ qui faisait alors partie de l’Italie.

La dixième ligne la plus importante au point de vue de la géographie de cette partie des Alpes, à dater du règne d’Auguste a donné lieu aux interprétations les plus opposées, sur les noms des deux peuples qui y sont mentionnés.

Le premier a été lu VERAGRENSES, VALLENSES, VIMNENSES, VEMNENSES et enfin VIENNENSES, interprétation à laquelle on s’est généralement arrêté, se basant sur des considérations concluantes. M. Rénier a signalé l’existence, dans la commune de Passy, d’une inscription sur laquelle est mentionné un triumvir locorum publicorum persequendorum, dignité qui ne s’est rencontrée jusqu’à ce jour, que chez les Viennois. M. Ducis a indiqué la mention de la tribu Voltinia, dans laquelle se faisaient inscrire les Allobroges, sur les inscriptions de Passy, aux oultars et l’existence de duumviri ærarii et juri dicundo qui figurent sur diverses inscriptions du territoire allobrogique. Elles font défaut sur celles de la Tarentaise aussi bien que la mention de la tribu Voltinia.

Le second de ces noms a été lu CENTRONES, CEUTRONES, puis CEUTRONAS; cette dernière leçon, qui est très nettement tracée, est reproduite avec la même orthographe sur plusieurs inscriptions de la Tarentaise. C’est donc bien aux Ceutrons que la vallée du Bonnant fut adjointe par Auguste et détachée du reste du pays des Allobroges réuni à la province Viennoise. Signalons encore deux P.P. placés à la fin de la cinquième ligne et dont l’existence a été contestée par M. Aimer.

Histoire de la Vallée et du Prieuré de Chamonix.

Inscription de la Forclaz de Prarion

au Larioz commune de Passy.


La voie romaine de la Forclaz sur le parcours de laquelle a été retrouvée cette inscription a été étudiée par M. de Mortillet dans une note publiée en 1858 . Des bords du lac de Genève, elle se dirigeait vers Passy, d’où elle suivait la vallée dans la direction de Chamonix, puis au-dessus de Servoz traversait l’Arve et de là remontait jusqu’au col de la Forclaz pour descendre dans le Val Montjoie par la vallée du Bonnant. Les étymologies des noms sur son parcours ayant presque tous une origine romaine, qu’on ne retrouve pas dans la vallée de Chamonix, lui ont fait admettre que les romains n’y avaient pas formé d’établissement. Après avoir assuré la communication entre le Chablais et le Grand-Saint-Bernard, ils auraient délaissé ce passage peut-être rendu impraticable ou trop difficile par suite d’une plus grande extension des glaciers.

Il paraît assez probable qu’une peuplade allobroge s’établit au centre de cette vallée qui a pris son nom de leur premier établissement. Campus munitus (camp fortifié) Chamonix. Ses appellations successives paraissent le justifier bien mieux que l’étymologie Chamo-nix, terre inculte et couverte de neige (Chamo, forte ager exilis et incultus; nix, nivis) . Les sénateurs et les grands propriétaires romains avaient leur résidence à Passy ou à Servoz, localités moins froides et moins désertes que Chamonix, encore entièrement inculte.

Nous retrouvons la trace de ces premiers établissements dans les fiefs nombreux qui existaient à Vaudagne et au Lac lors de l’établissement du prieuré. Les meilleurs terrains ou les premiers cultivés de la vallée se trouvaient aux Houches (ad Ochias), localité occupée par des colons dont la classe forma plus tard un intermédiaire entre les grands propriétaires et les serfs (mainmortables du moyen âge).

Par leurs colonies et leurs établissements dans l’Allobrogie, les Romains y introduisirent leur langue, leurs institutions, leurs mœurs et leur civilisation. Celles-ci s’imposèrent à la population indigène par leur supériorité et leur influence subsista au milieu des transformations successives par lesquelles nos pays passèrent dès lors. Le christianisme vint ensuite modifier profondément cet état de choses; il s’était développé et étendu dans la plus grande partie de la province Viennoise, lorsque les Burgondes y pénétrèrent.

Déjà, en 443, ils avaient obtenu une partie de la Sapaudia , dont les limites plus considérables au Ve siècle que de nos jours, comprenaient, en dehors de la Savoie, une partie de la province Viennoise, de la Séquanaise et même des Alpes-Maritimes.

A leur premier établissement dans la Sapaudia, les Burgondes vinrent s’établir sur les terres des indigènes, sans qu’une partie leur en fut attribuée. Puis lorsqu’ils pénétrèrent plus avant dans la Gaule, ils partagèrent le territoire avec les habitants, et contractèrent avec eux des rapports durables, qui amenèrent la fusion des deux races.

Les Burgondes plutôt pasteurs qu’agriculteurs reçurent les deux tiers des terres et un tiers des esclaves; laissant aux indigènes les terres cultivées et les habitations groupées en grand nombre, et soumises à un régime de dépendance. Ils se retirèrent dans les lieux éloignés des centres d’habitation, établissant leurs cabanes éparses, au coin d’un bois ou au bord d’un cours d’eau, séparées entre elles par de vastes enclos qui servaient de parcs à leurs troupeaux. La condition des serfs qui formaient la majeure partie de la population ne fut pas changée par l’attribution aux chefs Burgondes des terres prises aux sénateurs Gallo-Romains, ils changèrent de maître non de condition. Les Burgondes étaient le plus doux et le plus humain des peuples de la Germanie, ils furent transformés par le christianisme qu’ils embrassèrent peu après leur établissement dans la Sabaudia. Bientôt la civilisation romaine s’imposa à eux et leurs habitudes se rapprochèrent de celles des Gallo-Romains. Les usages et les lois de Rome s’imprégnèrent des coutumes germaines qui se maintinrent longtemps parmi ces hommes exempts de toute espèce d’assujettissement politique, vivant et se gouvernant d’après les usages particuliers importés de la Germanie.

Le Burgonde ne s’adonna pas aux travaux pénibles des champs là où il eut en partage des terres cultivées, il en laissa le soin à ses prisonniers et à ses serfs. Mais dans les pays encore inoccupés et sauvages où il dut défricher pour s’y établir et y vivre; devenu peu à peu sédentaire il se livra à la culture des terres et à l’élève du bétail ne formant bientôt plus qu’une seule communauté avec les indigènes qui y avaient précédé. Les efforts qu’il eut à faire pour conquérir le sol, la lutte qu’il lui fallut soutenir pour se défendre contre les empiétements de la rude nature alpestre, firent naître en lui cet amour du sol et du pays qui fait le fond du caractère de l’habitant des contrées montagneuses.. Là aussi, il conserva entière sa liberté, son indépendance et les coutumes de son pays d’origine, greffées sur le droit municipal romain, qui ne furent presque pas modifiées pendant les six siècles que dura la domination Burgonde.

L’établissement des Burgondes dans les hautes vallées inhabitées avant leur venue est un fait qui s’est produit sur plusieurs points du pays de Vaud et de la Savoie, où jusqu’au Xe et au XIIe siècle, ils vécurent libres et isolés en quelque sorte des populations plus anciennement cantonnées dans les parties basses de ces pays.

Après l’invasion des Burgondes, l’ancienne distribution du territoire fit place à un système nouveau de cantons ou districts administrés par des comtes, subdivisés en d’autres districts gouvernés par des vicomtes ou vicaires. La contrée du Jura aux Alpes fut comprise entre trois grands pagi, districts, de Vallais, de Vaud et de Genevois. Les circonscriptions ecclésiastiques se raccordèrent naturellement avec les divisions civiles et les cités devinrent pour la plupart des sièges épiscopaux et les capitales des provinces sièges métropolitains. La vallée de Chamonix fut comprise dans le Pagus Genevensis, comté de Genevois, qui embrassait une grande partie du diocèse, de Genève, au sud-ouest du Léman et du Rhône. Ce diocèse était divisé en neuf décanats, Chamonix faisait partie de celui de Sallanches. Son territoire ne forma d’abord qu’une seule paroisse dont le centre était Chamonix; les églises de Vallorcine et des Houches ne datent que de 1277 et de 1734. Lors de l’établissement du prieuré, la féodalité avait déjà passé par ses premières phases, il y avait eu jonction entre les juridictions civile et criminelle que les comtes de Genevois concédèrent sans réserve à l’abbé de Saint-Michel de la Cluse. Le droit de propriété, le pouvoir civil et l’autorité ecclésiastique se trouvèrent donc réunis entre les mains du prieur. Bien qu’établie par l’acte de donation, une partie de cette autorité resta longtemps à l’état de lettre morte et ce ne fut qu’après de nombreux efforts que les prieurs parvinrent à l’assurer et à la faire reconnaître d’une manière un peu complète.

Histoire de la vallée et du prieuré de Chamonix

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