Читать книгу Jean Tout-Petit : à la ville et à la campagne - Antoine Alhix - Страница 3

Оглавление

CHAPITRE PREMIER

Table des matières

JEAN TOUT-PETIT

Jean Tout-Petit ne devait pas son surnom à sa taille, quoiqu’il fût plutôt un peu petit pour son âge; mais, au moment de son entrée en ce monde, il y avait trouvé, pour lui faire bon accueil, deux grands frères et trois grandes sœurs; et la plus jeune de toute cette bande, Mimi, avait déjà six ans sonnés.


— Ah! il est tout petit! s’était écriée, en le voyant, cette pauvre Mimi, très désappointée, car elle s’était imaginé que, dès le premier jour, on pourrait commencer de bonnes parties avec le nouveau venu.

Et les autres grands avaient répété en choeur: Il est tout petit!

Puis, les deux garçons, les aînés, étaient partis pour le collège, comprenant qu’il n’y avait rien à faire qu’à le laisser grandir, ce pauvre tout petit!

Les grandes sœurs, elles, n’auraient pas demandé mieux que de jouer un peu à la poupée avec lui; une poupée qui remue, qui crie et qui fait la lippe, sans qu’on lui pousse de ressorts dans le ventre cela ne se voit pas souvent! Mais la nourrice n’entendait pas de cette oreille-là :

— Ne le touchez pas! ne le prenez pas! si vous alliez lui faire mal!

Alors, les grandes sœurs, à leur tour étaient parties en murmurant:

— Pauvre tout petit! pauvre tout petit!

Et, d’un accord général, on ne l’avait plus désigné autrement.

Quand un parent ou un visiteur venait dans la famille et demandait à voir Jean, quelqu’un des grands courait bien vite appeler la bonne:


— Apportez donc le tout petit! On demande le tout petit!

Triomphalement, on l’exhibait, les grandes sœurs s’extasiant sur ses petits pieds, ses petites mains, et ses petits cheveux qu’on aurait pris pour du duvet de caneton.

A mesure que les jours et les mois passaient, Jean grandissait, mais il restait toujours le plus petit, le tout petit.

Il n’avait pas à s’en plaindre, c’était plutôt un privilège agréable.

Ainsi, il eut très tôt l’habitude un peu sans gêne d’empoigner les gens par le nez, quand ils approchaient leur figure de la sienne. Cela le faisait rire aux éclats; mais l’autre, dont le nez ne s’en tirait pas toujours sans douleur et sans balafre, trouvait la plaisanterie moins bonne.

Cependant, on ne s’en fâchait pas trop, car cinq ou six voix répétaient aussitôt, en guise de consolations et d’excuses:

— Que voulez-vous, il est tout petit! Il ne peut pas savoir pourquoi les nez sont faits, et deviner qu’on ne doit pas les tirer comme des boutons de sonnettes.

Plus tard encore, lorsque Jean sut marcher et courir et, quittant les genoux de sa bonne, put se mêler à la bande des cinq grands, il comprit si bien les nombreux avantages attachés à la qualité de tout petit qu’il lui arriva fort souvent d’en abuser.

Il trouvait très commode, par exemple, d’arracher des mains de ses aînés les joujoux qui ne lui appartenaient pas, s’ils lui plaisaient; de se faire porter par l’un ou l’autre, à la promenade, quand la fantaisie lui passait par la tête de se dire fatigué ; d’administrer de bonnes tapes de sa petite main potelée, et de trépigner si on ne lui cédait pas tout de suite...

Pourquoi se serait-il gêné ? il se trouvait toujours là des gens prêts à s’écrier: — C’est bien naturel, il est si petit! — Cédez-lui donc, c’est le tout petit!

Lui-même répétait fort bien, à l’occasion:

— Faut donner ça à Zean Tout-Petit... Zean Tout-Petit veut pas! —ou avec une grosse moue d’indignation et de reproche: — C’est pas zoli de faire du sagrin à Zean Tout-Petit!

Les grands frères, Louis et Pierre, se sentaient si gros, si forts, auprès de lui, qu’ils n’auraient pas osé lui donner la moindre chiquenaude, de peur de le tuer.

Quant aux grandes sœurs, c’était à qui des trois obéirait le plus vite aux caprices du marmot. Blanche lui laissait casser ses poupées, Jeanne lui abandonnait ses livres d’images et sa boîte à couleurs dont il semait les débris partout, Mimi était son esclave de tous les instants.

On les voyait sans cesse, accroupies autour de lui, en adoration, comme des Chinoises devant une de leurs idoles joufflues.

De ce train-là, M. Jean Tout-Petit courait très fort le risque de devenir un terrible enfant gâté. C’était un bien mauvais service qu’on lui rendait, car il n’y a rien de plus désagréable qu’un enfant gâté devenu grand: égoïste, douillet, volontaire, il se fait détester par tout le monde et n’est, lui-même, jamais content de rien ni de personne.

Heureusement, le papa et la maman de Jean y veillaient et l’empêchaient de devenir par trop tyran, en le punissant quelquefois... pas très souvent, je dois l’avouer, la maman surtout. Cependant, quand Jean avait été tout à fait méchant, il avait beau répéter sur tous les tons piteux ou indignés: — Tout-Petit!... Zean! Tout-Petit! — on l’enfermait dans un grand placard tout noir où il s’ennuyait terriblement et se trouvait très malheureux, même lorsque Mimi venait lui conter des histoires, à travers le trou de la serrure, pour le distraire.

Jean Tout-Petit : à la ville et à la campagne

Подняться наверх