Читать книгу L'élite des contes du sieur d'Ouville - Antoine d' Ouville - Страница 36
ОглавлениеD’un vieillard qui avoit épousé une jeune femme.
Un homme à l’âge de soixante ans avoit épousé une femme fort jolie de l’âge de dix-sept ou dix-huit ans; au bout de trois ans qu’ils furent mariés, ce bon homme tomba extrêmement malade & comme il vit qu’il n’y avoit plus en lui d’efperance de vie, il apelle sa femme à laquelle il dit: Ma mie, vous voyez l’état où je fuis & il n’y a pas d’aparence que je réchape de cette maladie en l’âge que j’ai; tout le regret que j’ai de mourir, n’eft que de vous quitter, vous ayant tendrement aimée. Je fçai qu’en l’âge où vous êtes, vous ne vous pouvez pas passer de vous remarier, aussi ne veux-je pas être si déraisonnable de vous prier du contraire. Mais si vous avez envie que je meure en repos, accordez-moi, je vous prie, une prière que je vous veux faire, & cela étant, je mourrai content. A quoi elle répondit qu’elle étoit prête de lui obeir en tout ce qu’il lui plairoit de lui commander. Je ne vous céle point, lui répondit le mari, que j’ai été jaloux d’un tel qu’il lui nomma, qui a accoûtumé d’entrer céans, & si je n’eusse eu peur de vous déplaire, je lui eusse défendu l’entrée de ma maison. Quand je ferai mort, remariez-vous à qui bon vous semblera, mais donnez-moi maintenant parole que vous n’épouserez point celui-là, car je n’apréhende autre chose en ce monde. A quoi la femme répartit tout à l’heure: Mon ami, reposez en assurance de ce côté-là, je vous prie, je fuis bien éloignée de ce que vous apréhendez; quand je voudrois je ne le pourrois pas, car je fuis déjà promise à un autre & le contrat en eft paffé. Avoit-elle pas raison d’y pourvoir de bonne heure, de peur d’y manquer?