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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL REYNIER SUR LES OPÉRATIONS DE L'ARMÉE D'ORIENT, OU DE L'ÉGYPTE APRÈS LA BATAILLE D'HÉLIOPOLIS
DE L'ÉGYPTE APRÈS LA BATAILLE D'HÉLIOPOLIS
PREMIÈRE PARTIE.
DEPUIS LE MOIS DE FLORÉAL AN VIII, JUSQU'AU MOISDE BRUMAIRE AN IX
CHAPITRE IV.
ESPRIT DES HABITANS DE L'ÉGYPTE. – ÉVÉNEMENS MILITAIRES JUSQU'AU MOIS DE BRUMAIRE

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L'Égypte était fort tranquille; les contributions se payaient, dans toutes les provinces, sans qu'il fût besoin de forts détachemens pour les percevoir. La plupart des tribus arabes étaient soumises; celles qui ne l'étaient point encore avaient fui dans le désert, ou s'étaient dispersées dans les villages pour éviter les poursuites: convaincues de la puissance des Français, c'était moins des intentions hostiles, que leur caractère craintif et défiant qui les empêchait de se rapprocher d'eux. Le débordement prochain du Nil, et le mauvais état de l'armée du visir, garantissaient qu'avant plusieurs mois on n'aurait à redouter aucune attaque extérieure. Un parti de quatre cents cavaliers turcs, qui était venu à Catiëh pour servir d'escorte à M. Wright, ne pouvait donner aucune inquiétude. Des rapports annoncèrent, au commencement de thermidor, que l'armée du visir se préparait à marcher; cela n'était pas probable, cependant la garnison de Salêhiëh fut renforcée d'une demi-brigade, qui bientôt après rentra au Caire.

Mohamed-Bey-l'Elfy était venu de Syrie par désert, annonçant qu'il allait joindre Mourâd-Bey; mais il restait chez les Mahazi, tribu d'Arabes rebelles qui habite les déserts du Chark-Atfiëh. On le fit chasser par un détachement de dromadaires; d'autres partis se portèrent dans l'isthme de Souez pour l'arrêter, s'il cherchait à rétrograder. On le poursuivit long-temps; ses équipages furent pris; il fut même réduit à errer avec vingt-cinq cavaliers.

Le général Menou fit rentrer au Caire, à la fin de thermidor, la soixante-quinzième demi-brigade, que Kléber avait placée dans le Delta, pour y former un corps de réserve avec la vingt-cinquième et le vingt-unième régiment de dragons. Les ponts volans établis par Kléber à Rahmaniëh et à Semenhoud, pour faciliter les passages du Nil et les communications de l'armée depuis la côte jusqu'aux frontières de Syrie furent retirés.

Bientôt après, l'inondation couvrit les terres; l'armée ne pouvant être attaquée avant la retraite des eaux, aucune raison n'exigeait alors des mouvemens de troupes; cependant le général Menou ordonna à la division du général Friant d'aller relever à Alexandrie, Rosette et Rahmaniëh, celle du général Lanusse; qu'il voulait appeler au Caire. Des considérations très fortes auraient dû empêcher un pareil changement: Lanusse commandait depuis long-temps à Alexandrie, il connaissait très bien la défense de cette côte, et avait l'habitude des relations avec les habitans de la ville et ceux du Bahirëh; la peste régnant presque toujours à Alexandrie, il était à craindre que ce déplacement ne la portât au Caire; enfin ce mouvement ne pouvait s'opérer pendant l'inondation, qu'avec des barques, et c'était employer inutilement tous les moyens de transports, à la seule époque favorable pour approvisionner Alexandrie, etc. Mais le général Menou se souvenait que Kléber, fatigué de la prétention qu'il avait eue de commander Alexandrie et le Bahirëh sans sortir de Rosette, l'avait remplacé par Lanusse: il voulait aussi travailler l'esprit de ses troupes, et contraindre par des dégoûts cet officier qu'il n'aimait pas à demander son passe-port pour la France.

Trois tribus arabes des environs de Ghazah, les Tarabins, Teha et Anager, s'étaient réfugiées dans le désert, après une courte guerre contre les Osmanlis, qui avaient assassiné par trahison leurs principaux cheiks. Jamais les Arabes ne pardonnent cet attentat, dont les exemples sont si fréquens chez les Turcs. Ces tribus envoyèrent demander au général Reynier la permission de s'établir en Égypte, sous la protection des Français. Elles alléguaient en leur faveur que la cause de ces persécutions était leur alliance avec eux pendant la campagne de Syrie: c'était en effet le prétexte des Osmanlis; mais leur véritable motif était que Mahammed-Aboumarak, maître d'hôtel du grand-visir, qu'il venait de faire pacha de Ghazah, avait des haines de famille à satisfaire contre ces tribus, et qu'il profita de son élévation pour se venger.

Le général Reynier jugea que ces Arabes pouvaient être utiles; que, placés dans le désert entre la Syrie et l'Égypte, ils donneraient avis des mouvemens des Osmanlis. Il espéra qu'en éveillant leur intérêt, on les porterait à intercepter la contrebande de grains qui se faisait chaque jour sur cette étendue immense de désert; que, de plus, si l'on devait faire une nouvelle campagne en Syrie, ces Arabes pourraient servir. Il proposa au général Menou de leur accorder une partie de l'Occadi-Tomlat, et le désert qui le sépare de Catiëh et de Souez. Ces Arabes annonçaient être au nombre de sept mille, femmes, enfans et vieillards compris. Ils disaient avoir cinq cents cavaliers et huit cents hommes montés à dromadaire, ainsi que beaucoup de bestiaux; mais comme ils vinrent successivement et se dispersèrent dans le désert, on ne put pas juger exactement de leur nombre. Leurs principaux cheiks ayant été tués, il ne se trouvait plus parmi eux d'hommes influens dont on pût utiliser l'intelligence, et le général Menou les ayant reçus mesquinement, on n'en tira pas un grand parti.

Mémoires du comte Reynier … Campagne d'Égypte, deuxième partie

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