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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL REYNIER SUR LES OPÉRATIONS DE L'ARMÉE D'ORIENT, OU DE L'ÉGYPTE APRÈS LA BATAILLE D'HÉLIOPOLIS
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
FORTIFICATIONS CONSTRUITES PAR LES FRANÇAIS

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Les travaux de fortifications furent fort difficiles à organiser; méthodes de construction, moyens d'exécution et de transport, tout était différent des usages Européens. Le bois manquait absolument, les outils étaient rares; on en avait perdu un grand nombre sur la flotte: il fallut établir des ateliers pour en fabriquer. Les soldats, épuisés par le changement de climat, fatigués de courses continuelles, souvent mal nourris, privés entièrement de liqueurs fortes, pouvaient difficilement être employés à ces travaux; et, malgré les prix excessifs qu'on leur promettait, ils n'y mettaient aucune activité.

Les Égyptiens, étonnés et effrayés du changement de domination, venaient avec peine travailler à ces ouvrages; les bons traitemens et un paiement exact, qu'ils n'obtenaient jamais sous leur ancien gouvernement, les y déterminèrent, quoique lentement; mais ils ne purent jamais être employés qu'aux travaux les plus grossiers, et s'accoutumèrent difficilement à l'usage des machines et des outils européens, qui ménagent à la fois le temps et les forces de l'homme. La pénurie d'outils et d'ouvriers, ainsi que celle des finances, nuisit toujours aux fortifications; cependant elles s'élevèrent partout avec une rapidité qui surprit les Égyptiens, et fit sur eux une grande impression.

En même temps qu'on élevait ces ouvrages, on avait à résister aux attaques des ennemis et des habitans: il fallut, pour cette raison, les conduire de manière à ce qu'ils fussent promptement en état de défense, et l'on profita, partout où cela fut possible, des constructions anciennes; mais tous ces ouvrages furent tracés comme devant entrer dans le système général des fortifications permanentes.

La ville du Caire, placée à l'ouverture de la vallée du Nil, près du lieu où ce fleuve se divise, se présente naturellement comme le centre de toutes les opérations militaires, ainsi qu'elle est celui du gouvernement et du commerce: aussi fut-elle choisie pour être le lieu de rassemblement d'où l'armée pourrait se porter sur les frontières attaquées.

L'opinion en quelque sorte superstitieuse des habitans du pays, qui, dans toutes les guerres, et les dissensions civiles, regardent le parti qui occupe cette capitale comme le maître de l'Égypte, devait encore déterminer à ce choix.

Cette ville est trop étendue, et contenait une population trop considérable, pour qu'on pût penser à la fortifier et à la défendre; on occupa seulement les points qui la dominaient. On tira le parti le plus ingénieux de l'ancien château; et du chaos de ces vieilles constructions, s'éleva une citadelle susceptible d'être défendue par un petit nombre de troupes, dont l'artillerie et la position commandaient la ville du Caire, et imposaient aux habitans. D'autres petits forts furent construits autour de la ville, vers les quartiers éloignés de la citadelle, pour défendre, avec de faibles garnisons, quelques établissemens.

Il fallait aussi, au centre des opérations militaires, un dépôt nécessaire à l'armée, et des ateliers particulièrement pour l'artillerie; ces établissemens devaient être sur les bords du Nil pour la facilité des transports. Gizëh fut désigné; et, pour le fortifier, on profita d'une enceinte que Mourâd-Bey avait fait construire.

Après avoir déterminé le centre des opérations de l'armée, et les moyens de conserver ce point important pour la possession de l'Égypte, il fallut s'occuper de la défense d'un autre point plus intéressant pour l'armée française, du port de mer qui contenait sa marine, presque tous les magasins, et par lequel elle pouvait recevoir des secours.

L'influence militaire d'Alexandrie, comme place de guerre, est à peu près nulle. Cette ville, isolée par un désert, est presque regardée comme étrangère par les habitans: on peut posséder toutes les terres cultivées sans avoir besoin de cette ville, tandis qu'elle ne pourrait que difficilement exister sans l'eau du Nil et les vivres de l'Égypte; mais, comme port de mer excellent, et le seul qui existe sur la côte, Alexandrie en est vraiment la clef. Aucune opération maritime ne peut être bien consolidée sans sa possession; c'est là que se fait le principal commerce, parce que les boghaz de Rosette et de Damiette ne peuvent être franchis que par de petits bâtimens.

C'est près d'Alexandrie qu'est la rade d'Aboukir, dangereuse seulement lors des vents du nord et de nord-est: c'est aussi au fond de cette rade qu'est le point de la côte le plus favorable pour débarquer.

Toutes ces raisons déterminèrent à fortifier Alexandrie, et à augmenter d'autant plus les défenses de cette place, qu'elle était la seule exposée à l'attaque des troupes européennes. Mais ces fortifications exigeaient beaucoup de temps, de main-d'œuvre et des travaux considérables. L'armée ne pouvait, sans s'affaiblir, y laisser une forte garnison, et cependant la défense de la ville et du port embrassait un développement immense; tout le terrain environnant était couvert d'anciennes constructions et de montagnes de décombres. On tira parti d'une portion de l'enceinte construite par les anciens Arabes, du Phare, etc., pour former une ligne de défense qu'on fit flanquer par des redoutes tracées sur des montagnes de décombres très dominantes, et que dans la suite on convertit en forts revêtus. Ces travaux, poussés avec autant de rapidité que le peu de moyens disponibles le permettaient, eurent bientôt une apparence extérieure assez formidable, mais en effet, furent toujours très faibles.

Une vieille mosquée, bâtie sur l'île ou rocher du Marabou, fut convertie en fort; elle servit à défendre l'anse où l'armée avait opéré son débarquement, et la passe occidentale du port vieux d'Alexandrie.

Le vieux château d'Aboukir fut réparé et armé; il servit de batterie de côte; achevé, il aurait formé un réduit capable de résister jusqu'à l'arrivée de l'armée, si l'ennemi avait débarqué dans le fond de la rade.

Les autres points importans de la côte étaient les deux bouches du Nil: on s'occupa de leur défense. Les villes de Rosette et de Damiette étaient trop grandes et trop peuplées pour être converties en postes militaires; elles étaient trop éloignées de l'embouchure pour en défendre l'entrée, et les bâtimens de guerre postés en dedans du boghaz ne pouvaient le défendre efficacement, s'ils n'étaient protégés par des feux de terre. Un ancien château, situé à une demi-lieue au-dessous de Rosette, fut réparé et armé; on le nomma le fort Julien. Au-dessous de Damiette, dans l'endroit le plus resserré de la langue de terre qui sépare le Nil du lac Menzalëh, sur l'emplacement du village de Lesbëh, on construisit un fort. Ce fort, appelé Lesbëh, commandait le Nil, et aurait arrêté l'ennemi si, après avoir débarqué sur la plage à l'est de l'embouchure, il avait voulu marcher sur Damiette. Il était cependant trop éloigné du boghaz pour protéger les bâtimens chargés d'en défendre l'entrée: deux tours anciennement construites sur les deux rives, furent réparées et armées.

Il restait encore quelques points de la côte qu'il était nécessaire d'occuper, tels que les bouches de Bourlos, Dibëh et Omm-Faredje; mais on ne put y travailler que dans les derniers temps. On y construisit des tours couvertes d'un glacis, et armées de quelques pièces d'artillerie; elles furent en outre défendues par des bâtimens armés.

Un poste intermédiaire entre le fort Julien et Aboukir était utile pour protéger la communication avec Alexandrie, et augmenter la surveillance sur la côte la plus menacée; pour cet effet, un ancien kervan-serai, nommé la Maison carrée, fut converti en poste militaire; ce poste défendit aussi la bouche du lac d'Edko, qui s'est ouverte près de là.

Il était nécessaire d'avoir, pour les opérations de l'armée sur la côte, un centre d'action, un dépôt de vivres et de munitions. On choisit pour cet effet, près de Rahmaniëh, l'endroit où le canal d'Alexandrie sort du Nil; on y construisit une redoute, et des magasins y furent formés. Si le Caire était le centre des opérations pour toute l'Égypte, Rahmaniëh pouvait l'être pour les côtes; un corps de réserve se serait porté rapidement de là sur le point menacé entre Bourlos et Alexandrie. S'il était nécessaire de réunir toute l'armée, les corps pouvaient s'y rendre des différentes parties de l'Égypte, et de là marcher ensemble aux ennemis. De Rahmaniëh, il faut trois jours pour aller à Damiette, en traversant le Delta; quatre jours suffisent pour aller par le Delta de Rahmaniëh à Salêhiëh, sur la frontière de Syrie. Des routes, des ponts et des digues, construits dans cette direction, auraient pu rendre cette communication praticable pendant toute l'année.

Sur la frontière de Syrie, Belbéis et Salêhiëh furent choisis pour postes extrêmes: on voulut d'abord en faire de grandes places, mais les difficultés qu'on éprouvait à conduire des travaux considérables avec peu d'outils et d'ouvriers y firent renoncer. On en forma des postes de dépôts; et Salêhiëh, qui se trouvait sur la lisière des terres cultivées, vers le désert, dut être le plus considérable.

La campagne de Syrie développa les projets sur la défense de cette frontière; on pensa que le meilleur système était d'occuper, dans le désert, les principales stations. L'ancien château d'El-A'rych, placé presqu'à l'extrémité du désert vers la Syrie, fut choisi pour être occupé et fortifié; on construisit à Catiëh un poste intermédiaire.

Le vallon d'El-A'rych est tellement placé qu'une armée qui veut marcher de Syrie en Égypte doit nécessairement s'y arrêter, afin de réunir les moyens indispensables pour passer le désert. Une place construite à El-A'rych aurait bien certainement couvert l'Égypte, aurait même donné une attitude menaçante, si elle avait été placée de manière à commander tous les puits; si on avait pu y entretenir une garnison suffisante pour s'opposer à tout établissement dans le vallon; si les ouvrages avaient pu être assez promptement perfectionnés pour résister jusqu'à l'arrivée des secours; si elle avait pu être assez bien approvisionnée non seulement pour soutenir un long blocus, mais pour fournir aux besoins de l'armée qui serait venue la secourir, et poursuivre les ennemis en Syrie. Mais tout cela n'était pas; les constructions étaient fort lentes au milieu d'un désert où tout manquait; la mer n'étant pas libre, les vivres portés à dos de chameau suffisaient à peine pour une garnison très faible; l'ennemi pouvait s'établir dans le vallon d'El-A'rych, y trouver de l'eau pour son armée et en faire le siége, ou contenir avec peu de troupes sa faible garnison, tandis qu'il agirait en Égypte. Les travaux commencés n'étaient pas terminés, et ce poste était peu fortifié lorsque l'armée du visir vint l'assiéger dans le courant de nivôse an VIII; une manœuvre diplomatique et une surprise le livrèrent avant que l'armée française pût marcher à son secours.

Après la victoire d'Héliopolis, l'armée, obligée d'aller assiéger le Caire, ne put poursuivre le visir jusqu'à El-A'rych, et faire de ce fort un établissement solide, ou le détruire entièrement. On réfléchit ensuite que ces postes dans le désert étaient fort difficiles à entretenir et à fortifier convenablement; qu'ils forçaient à diviser l'armée; que plusieurs routes qu'on avait reconnues et qui les tournaient, pouvaient servir à des armées composées particulièrement de cavalerie, comme celles des Turcs, ou du moins à leurs partis, pour se répandre dans l'intérieur de l'Égypte, pendant que l'armée française serait divisée sur plusieurs points ou les attendrait dans le désert. On se rappela qu'avec les armées turques il importait toujours de se ménager l'offensive; que pour traverser le désert en corps d'armée, elles devraient nécessairement réunir des moyens à Catiëh et y séjourner, et qu'on aurait beaucoup d'avantage à s'y porter pour leur livrer bataille; ou si cela n'était pas possible, à les combattre avec l'armée réunie, lorsque, fatiguées du passage du désert, elles seraient près d'atteindre les terres cultivées.

On revint donc à peu près au premier projet. Salêhiëh forma un poste assez fort pour résister avec une faible garnison, en attendant l'arrivée de l'armée, et pour contenir les vivres qui lui seraient nécessaires pendant ses opérations dans le désert. Belbéis servit de dépôt intermédiaire entre Salêhiëh et le Caire.

On construisit dans l'intérieur, à Menouf, Miit-Khramer, Mansoura, etc., quelques postes pour protéger la navigation du Nil, contenir les habitans du pays, et servir de dépôts intermédiaires.

On établit aussi un poste à Souez; les travaux y éprouvèrent presque autant d'obstacles qu'à El-A'rych, parce qu'il fallait tout y porter par le désert; les fortifications qu'on y entreprit suffisaient pour protéger, contre les Arabes, les établissemens qu'on voulait y former; mais on pouvait d'autant moins songer à défendre Souez contre une attaque sérieuse, que celle-ci ferait probablement partie d'une invasion générale, qui empêcherait d'y envoyer des secours. D'ailleurs Souez tirant ses vivres de l'Égypte, et n'ayant pas de marine, il n'y avait aucun inconvénient à l'abandonner pendant quelque temps.

Son organisation isole en quelque sorte la Haute-Égypte des grandes opérations de la guerre, et la réduit à être le théâtre des dissensions intestines. L'arrivée par Cosséir de troupes étrangères peut seule la faire sortir de ce rôle; mais ces troupes ne peuvent traverser le désert que lorsqu'elles sont favorisées par des intelligences dans l'intérieur. Du temps des mameloucks, les partis chassés du Caire et les mécontens se retiraient dans la Haute-Égypte; aussitôt qu'ils s'étaient assez rétablis et organisés, ils cherchaient à se rapprocher; le parti dominant venait alors les combattre: cette longue vallée dans laquelle descend le Nil, était le champ de bataille. Les Français eurent, sous la conduite du général Desaix, une pareille guerre avec Mourâd-Bey; ils soumirent bientôt toute la Haute-Égypte, et dissipèrent presque entièrement les mameloucks; mais ce bey, qui connaissait tous les vallons et toutes les routes du désert, parvint toujours à s'échapper, suivi d'un petit nombre de cavaliers excellens, quoique accablés de fatigue.5

On croyait d'abord n'avoir besoin, dans la Haute-Égypte que de quelques postes militaires pour protéger la navigation du Nil, contenir les habitans du pays, et conserver les magasins de vivres et de munitions. Cependant l'arrivée d'un corps d'Arabes Mekkins, venus par Cosséir, fit sentir la nécessité d'occuper ce port; aussitôt qu'on eut réuni des moyens suffisans, on s'y établit, et on fortifia un ancien château. Kenëh, qui est sur le Nil au débouché du Cosséir, fut choisi pour la construction d'un fort servant de dépôt à ce port, et de poste militaire principal dans la Haute-Égypte. D'autres postes furent fortifiés à Girgëh, Siout, Miniet et Benesouef.

L'occupation de toute la Haute-Égypte et de Cosséir, et la guerre contre Mourâd-Bey, employaient beaucoup de troupes qu'il aurait été utile de réunir à l'armée, pour qu'elle fût bien en état de résister aux attaques extérieures. Il était cependant nécessaire de tirer de ce pays des ressources pour nourrir l'armée et payer ses dépenses. Kléber remplit ces deux objets par la paix avec Mourâd-Bey, qui devint tributaire pour les provinces dont il conserva le gouvernement. Les postes militaires de Siout, Miniet et Benesouef, furent gardés par un petit nombre de Français, chargés de protéger les opérations du gouvernement dans les provinces conservées. Kléber se réserva la faculté d'entretenir garnison à Cosséir; mais il voulut attendre, pour en profiter, que les troupes qu'on y enverrait y fussent moins isolées, après l'établissement de quelques communications maritimes entre Souez et Cosséir.

On aurait une idée très fausse des fortifications que les Français ont construites en Égypte, si on y appliquait ce qu'on entend en Europe par place, fort, poste militaire, etc., etc. Il faut toujours se rappeler ce que j'ai dit des obstacles qu'on eut à surmonter: on dut créer de nouveaux genres de fortifications et de constructions, applicables au pays, aux matériaux, et relatifs aux diverses attaques dont on pouvait être menacé.

Des maisons, ou d'anciennes constructions, armées de quelques pièces de canon et crénelées; de petites tours aussi crénelées et surmontées d'une terrasse et d'une ou deux pièces de canon, étaient des postes où une vingtaine de Français attendaient sans crainte ou repoussaient toutes les attaques de la cavalerie ennemie, ou d'une multitude soulevée, et n'y craignaient même pas quelques pièces d'artillerie mal servies. Une grande partie des postes que j'ai appelés forts étaient de ce genre. Les vivres et munitions pour la garnison et ceux en dépôt pour l'armée étaient mis dans des magasins construits dans l'intérieur, ou bien adossés extérieurement à ces constructions.

Afin de mettre ces postes un peu à l'abri du feu de l'artillerie, on éleva autour de quelques uns, des parapets, ou des chemins couverts. Ils formaient alors un réduit, et pour les attaquer avec succès, on aurait été obligé de cheminer et d'établir une batterie sur le glacis. C'est le système qu'on avait adopté pour Salêhiëh, et qui, par la succession des travaux, pouvait le transformer en place régulière.

D'anciens châteaux, autour desquels on n'avait pas eu le temps de creuser des fossés et de bâtir des contrescarpes revêtues, portaient le nom de forts; le pied de revêtement de plusieurs était à peine garanti par un léger bourrelet. Ces forts ne pouvaient par conséquent résister à l'artillerie. La plupart n'étaient aussi que de simples redoutes de campagne, qu'on commençait à revêtir et qui n'avaient pas de contrescarpe.

Presque tous ces ouvrages étaient entourés de palmiers, décombres, monticules de sable, etc., etc., qui rendaient les approches faciles, et dont on n'avait pu les dégager. Tous ces inconvéniens étaient réunis à Alexandrie; cependant les ouvrages dispersés sur un développement immense, se soutenaient réciproquement; mais les approches étaient faciles, et on avait dû négliger plusieurs points importans, pour mettre plus tôt les principaux ouvrages en état de résister. Dans les derniers temps on n'avait pas donné tout l'argent ni employé tous les bras qu'on aurait pu consacrer à ces travaux; et Alexandrie n'était pas en état de résister plus de huit jours à une attaque régulière.

On avait toujours regardé la ville du Caire comme trop considérable et trop peuplée pour être défendue; cependant, après le siége qu'il avait été obligé d'en faire, Kléber voulut éviter que dans des circonstances pareilles à celles d'Héliopolis, des partis ennemis pussent y pénétrer et occasionner une nouvelle révolte; en conséquence, il ordonna la réparation d'un ancien mur d'enceinte, la construction de quelques tours et l'occupation de plusieurs postes. Il destinait particulièrement à ce service les troupes auxiliaires grecques et cophtes, de manière qu'il aurait toujours eu l'armée disponible; mais, en ordonnant ces travaux, il n'avait jamais pensé que dans aucun cas elle dût s'y renfermer. Après sa mort on les continua; et comme ils s'exécutaient sous les yeux du chef de l'armée, on leur donna une importance qu'ils n'auraient jamais dû avoir: on les augmenta en nombre et en solidité, et on y employa des fonds et des ouvriers qui auraient été plus utiles ailleurs, particulièrement à Alexandrie.

Cet aperçu suffit pour donner une idée générale des fortifications faites en Égypte par les Français. Les officiers du génie, qui les ont dirigées avec tant de zèle et de talent, ont fait plus qu'on ne pouvait espérer en si peu de temps, ayant peu de moyens et de nombreux obstacles à surmonter.

Ces fortifications étaient excellentes contre des armées turques, inhabituées aux attaques régulières, qui n'en sont pas même susceptibles par leur organisation, et qui savent à peine se servir de leur artillerie; mais elles ne pouvaient opposer qu'une faible résistance aux attaques des troupes européennes. Cependant, considérées comme dépôts destinés à fournir aux besoins de l'armée, dans tous les lieux où elle pouvait se porter, elles remplissaient leur but. C'était sur l'armée que reposait la défense de l'Égypte; elle devait toujours être prête à se réunir pour marcher contre l'ennemi le plus dangereux.

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Lorsque ce bey était poursuivi très vivement, il entrait dans un de ces vallons, et paraissait s'enfoncer dans le désert; mais dès qu'il y avait attiré les Français, il dispersait sa troupe, afin qu'on ne pût pas en reconnaître les traces; elle se rendait au travers des montagnes dans un autre vallon, où elle se réorganisait pour descendre dans la vallée du Nil. Mourâd-Bey reparaissait ainsi dans les lieux où les Français ne l'attendaient pas; il prenait des vivres dans les villages, et recommençait la même manœuvre chaque fois que les Français, ayant découvert sa retraite, marchaient contre lui: quoique attaqué souvent à l'improviste, et même surpris dans ses camps, il réussit toujours à les éviter.

Mémoires du comte Reynier … Campagne d'Égypte, deuxième partie

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