Читать книгу Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie de Rabutin-Chantal, Volume 2 - Charles Walckenaer, Charles Athanase Walckenaer - Страница 10

CHAPITRE X.
1658

Оглавление

Partis qui se forment à la cour parmi les courtisans.—Commencement de la faveur du prince de Marsillac.—Politique de Mazarin dans l'intérieur.—Il gouverne pendant la régence, par son influence sur la reine.—Depuis la majorité du roi, par l'ascendant qu'il sut prendre sur lui.—Il l'occupe des deux choses qu'il aimait le plus, la guerre et la galanterie.—Il le force avec autorité de s'occuper d'affaires.—Adresse que Mazarin met dans sa conduite envers les autres membres de la famille royale.—Il se concilie Gaston et MADEMOISELLE.—Il accorde un passe-port au médecin Guenaud pour aller soigner Condé, malade.—Procédés de Mazarin envers la princesse de Longueville.—Détails sur cette princesse et sur le prince de Conti.—Mazarin n'a plus d'autres ennemis à l'intérieur que les amis de Retz et les jansénistes.—Politique de Mazarin à l'extérieur.—Moyens qu'il emploie pour abattre la puissance de la maison d'Autriche.—L'ennemi s'empare de Rocroi.—Cette circonstance donne lieu à l'épître de La Fontaine à une abbesse.—Madame de Sévigné en entend la lecture chez Fouquet, et en fait l'éloge.—Madrigal de La Fontaine à ce sujet, adressé à madame de Sévigné.—Grandes richesses de Fouquet.—Il construit Vaux.—Protège les beaux esprits.—De mademoiselle de Scudéry et de ses romans, et de l'influence qu'elle exerçait.—Madame de Sévigné allait fréquemment à Vaux.—Madame Scarron, encore plus souvent.—Phrase d'une de ses lettres à madame Fouquet, au sujet des jardins de Vaux.—Madame de Sévigné va à sa terre des Rochers, et y passe l'automne avec ses trois oncles et son cousin de Coulanges.

Les plus légères préférences du jeune roi pour quelques-uns de ses courtisans n'étaient pas remarquées avec moins de soin que ses plus petites attentions envers les femmes. L'ambition, qui toujours veille, épiait avec une jalousie inquiète, ou avec une secrète joie, ses amitiés comme ses amours. Sa prédilection pour le prince de Marsillac n'avait échappé à personne, et la faveur naissante de ce fils du duc de La Rochefoucauld, cet ancien chef de la Fronde, était appuyée par la reine: tant sur le théâtre mouvant des cours les combinaisons de l'intérêt font varier rapidement les ligues et les hostilités, les ressentiments et les affections! Le marquis de Vardes et quelques autres jeunes courtisans, comme lui intimement liés avec le prince de Marsillac, le secondaient dans ses efforts pour s'assurer de plus en plus les bonnes grâces de Louis; mais les comtes de Soissons, de Guiche, de Villequier, l'abbé Fouquet, formaient, avec plusieurs autres dans la jeune noblesse, un parti qui lui était opposé. Mazarin soutenait ce parti, afin de diviser les courtisans, de les empêcher de se réunir contre lui, et de tenir les fils de leurs intrigues180.

Pendant la régence, Mazarin gouverna par son influence sur la reine. Il établit sur cette base le fondement de sa puissance; c'est par là qu'il parvint à triompher des parlements, de la cour et de la Fronde. Depuis la majorité, c'est par l'ascendant qu'il sut acquérir sur le jeune monarque qu'il assura la continuation de son autorité. Par ce moyen, il se rendit indépendant d'une reine qui n'était pas exempte de cette versatilité trop ordinaire à son sexe. Il est vrai qu'ainsi il mécontentait fortement celle à laquelle il devait son élévation, et qu'il se faisait taxer d'ingratitude par tous ceux qui étaient attachés à sa personne et reconnaissants de ses faveurs181. Mais le rusé ministre savait qu'Anne d'Autriche lui avait sacrifié trop de monde pour pouvoir se séparer de lui; qu'elle tenait à lui par trop de liens pour oser même le désirer. En gouvernant seul et sans son appui, il flattait Louis, qui, ainsi affranchi de cette tutelle maternelle, ne se crut vraiment roi que lorsqu'il vit que son gouvernement n'était plus la proie des intrigues des femmes et des exigences des courtisans, mais qu'il reposait tout entier dans son ministre.

Mazarin occupait sans cesse Louis des deux choses pour lesquelles la jeunesse se passionne le plus facilement: la guerre et la galanterie. Mais en flattant ainsi les penchants de gloire et d'amour du jeune monarque, il savait s'en faire estimer, et lui imprimer une haute idée de ses talents et de sa capacité. Bien loin, comme on l'a prétendu, de lui dérober le secret des affaires, il cherchait, au contraire, à lui faire surmonter l'ennui que toute occupation sérieuse cause à cet âge, où le temps semble manquer au plaisir, où toutes les heures qui s'écoulent sans lui semblent pénibles et fatigantes. Mazarin savait, d'autorité, forcer le jeune roi à contracter l'habitude de fixer son attention sur les détails de son gouvernement. Un jour, Louis XIV s'absenta à l'heure où le conseil se tenait. Il s'était amusé, pendant ce temps, à répéter avec Motteville les scènes d'un ballet où ils devaient jouer ensemble. Mazarin fit à ce sujet au roi une verte réprimande; il éloigna Motteville de la cour, et donna des ordres sévères à tous les jeunes courtisans de ne point chercher à distraire le roi lorsque son devoir l'appelait au conseil182. Depuis lors, Louis XIV ne manqua pas d'y assister régulièrement et de prêter toute son attention aux affaires qui s'y traitaient.

La conduite de Mazarin envers les autres membres de la famille royale ne fut pas moins adroite. Il parvint par ses cajoleries, ses promesses et ses négociations, à rallier à lui Gaston183 et MADEMOISELLE184, et à faire cesser leur correspondance avec Condé. Envers ce prince, son ennemi, et alors aussi celui de la France, Mazarin sut montrer de la grandeur d'âme et de la générosité. On apprit que Condé était tombé dangereusement malade à Bruxelles; Mazarin se souvint seulement que Condé était Français et prince du sang royal, qu'il avait rendu d'éminents services à son pays et à son roi; il s'empressa d'accorder un passeport au médecin Guenaud, pour qu'il pût aller donner ses soins à l'illustre malade185. Quand on sut que Condé était hors de danger, Mazarin fut un des premiers à envoyer complimenter la duchesse de Longueville. Celle-ci, bien loin de favoriser, comme autrefois, la rébellion de son frère, ne cherchait qu'à se concilier la bienveillance du ministre et de la cour. Entièrement livrée à la plus sévère dévotion, elle entretenait une correspondance active avec plusieurs religieuses du couvent des Carmélites, et entre autres avec mademoiselle du Vigean, célèbre par la passion qu'elle avait inspirée à Condé et à Saint-Mégrin. Madame de Longueville eût voulu, à l'imitation de cette amie, consacrer le reste de sa vie à la retraite; mais ses directeurs spirituels ne le lui permirent pas, et lui rappelèrent que ses devoirs marquaient sa place près de son mari, avec lequel il fallait qu'elle se réconciliât. C'était peut-être la plus rigoureuse pénitence qu'ils pussent lui imposer; elle la subit cependant, obtint du duc de Longueville le pardon de ses nombreuses offenses, ne le quitta plus, et se montra désormais soumise à ses moindres volontés186.

Soit qu'il fût encore, dans le bien comme dans le mal, soumis à l'influence de sa sœur, soit qu'il fût converti par les vertus de sa femme, soit enfin que l'âge eût amorti en lui le feu des passions et lui eût inspiré d'autres pensées, soit enfin par toutes ces causes réunies, le prince de Conti devint aussi régulier dans sa conduite, aussi pieux dans ses sentiments, qu'il s'était précédemment montré déréglé187.

La duchesse de Chevreuse et la princesse Palatine étaient depuis longtemps dévouées au premier ministre188. Le duc de Beaufort fut de tous les chefs de la Fronde un de ceux qu'on eut le plus de peine à réduire au rôle de suppliant; cependant il s'y résolut, et rentra aussi en grâces: bientôt après il reçut de l'emploi et un commandement189.

Ainsi Mazarin ne rencontrait plus d'obstacles à l'intérieur. Les partisans du cardinal de Retz, Caumartin, d'Hacqueville, Joly, Laigues, d'Aubigny, Pelletier de la Houssaye, l'abbé de Lameth, Montrésor et autres, étaient trop peu nombreux, trop peu puissants pour former un parti; et Mazarin n'aurait fait aucune attention à eux, s'ils n'avaient pas été, en secret, aidés par les jansénistes. Par cette raison, il les surveillait de près, et faisait enfermer de temps en temps quelques-uns de ces opposants à la Bastille190.

C'est en quelque sorte en se jouant que Mazarin était parvenu à déconcerter toutes les intrigues qu'on avait ourdies pour le renverser ou pour entraver l'exercice de son pouvoir; mais les difficultés du gouvernement et la politique extérieure demandaient une vue plus vaste et des talents d'un ordre plus élevé. C'est sous ce rapport surtout que Mazarin se montra grand ministre. Continuant toujours l'œuvre de Henri IV et de Richelieu, il cherchait à affaiblir la puissance de la maison d'Autriche. Tous les moyens qui conduisaient à ce but lui paraissaient bons et légitimes. C'est ainsi qu'on le vit se lier avec Cromwell et conclure avec lui un traité. Étranger à toutes les haines comme à toutes les affections, Mazarin ne connaissait plus ni sentiment ni convenance quand la raison politique ordonnait. Là où il trouvait des forces, il cherchait à s'en saisir, quelle que fût leur origine ou leur cause. Il ne craignit pas de froisser tous les cœurs, de choquer les royales répugnances, pour arriver à ses fins; et, sur la demande de l'usurpateur, le roi et les princes d'Angleterre furent expulsés de France; la reine d'Angleterre, comme fille de Henri IV, eut seule la permission d'y rester191. Mazarin obtint aussi de Cromwell un renfort de six mille hommes, qui contribuèrent au succès de la campagne de cette année, signalée par la prise de Montmédy, de Mardick et de Saint-Venant192.

Lors de la diète qui fut tenue à Francfort pour l'élection d'un empereur, Mazarin parvint à faire admettre les plénipotentiaires du roi de France, qui n'avait aucun droit d'y assister193. L'or et l'intrigue semèrent des divisions dans toute l'Allemagne, obtinrent des alliés pour la France, créèrent des ennemis à l'Autriche. Toujours Mazarin joignait les négociations aux armées, et l'adresse à la force. La guerre se poursuivait avec activité dans les Pays-Bas, en Italie, en Catalogne194, tandis que des plénipotentiaires français en Hollande, à Madrid, à Bruxelles, à Munich, travaillaient à négocier la paix, mais toujours sous des conditions avantageuses à la France195.

Malgré les succès constants de Turenne, la France souffrait aussi par la guerre, et n'avait pas assez de troupes sur pied pour se garantir des fléaux qu'elle infligeait aux pays ennemis. Les Espagnols s'étaient rendus maîtres de Rocroi, dont la garnison, commandée par l'intrépide Montalte, menaçait Reims, et détachait souvent des partisans. Ceux-ci, pour obtenir de grosses rançons, enlevaient des riches bourgeois dans toute la Champagne, et même s'avançaient jusque près de la capitale. Leur audace s'accrut au point que les habitants de Reims se virent obligés de s'armer pour défendre leur ville contre le pillage, et que le maréchal de l'Hôpital, gouverneur de Paris, fit faire des patrouilles dans la banlieue, pour arrêter ou effrayer ces hardis maraudeurs196.

Un jeune poëte de Château-Thierry, alors sans réputation, mais non pas sans talent (c'était La Fontaine), avait été invité par une abbesse de Mons à venir la trouver: il s'en excusa par le peu de sûreté de la route, et par la crainte que lui inspiraient Montalte et ses soldats. L'épître en vers qu'il lui adressa à ce sujet surpassait par l'esprit, la grâce, la facilité, l'harmonie, les meilleures lettres de Voiture. La Fontaine en fit la lecture chez le surintendant Fouquet, dont il était le pensionnaire, en présence d'un assez nombreux auditoire. Madame de Sévigné en faisait partie: elle fut charmée de cette pièce; elle exprima le plaisir qu'elle en ressentait, avec cet abandon et ce ton de franchise qui lui étaient ordinaires. La Fontaine, joyeux d'un tel suffrage, adressa deux jours après un dizain à Fouquet, dans lequel il lui dit197:

De Sévigné, depuis deux jours en çà,

Ma lettre tient les trois parts de sa gloire,

Elle lui plut, et cela se passa,

Phébus tenant chez vous son consistoire.

Entre les dieux (et c'est chose notoire),

En me louant, Sévigné me plaça.

Ingrat ne suis: son nom sera pieçà198

Delà le ciel, si l'on m'en voulait croire.


Nous dirons bientôt de quelle manière Fouquet était parvenu à s'emparer de l'administration des finances, et comment il s'était acquis une puissance qui commençait à porter ombrage au premier ministre. Il le surpassait par l'éclat de son luxe et par sa magnificence. Plus généreux que lui, plus homme de goût, meilleur juge en littérature, appréciateur plus éclairé des beaux-arts, il récompensait les auteurs et les artistes avec plus de discernement et plus de libéralité; ce qui était encore préférable, il s'en faisait aimer par son accueil affectueux, par la franchise, la simplicité et l'affabilité de ses manières. Il avait achevé avec une énorme dépense le beau château de Vaux-le-Vicomte, près de Melun. L'architecte du roi Le Vau avait construit les bâtiments, le peintre Lebrun les avait ornés, Le Nostre avait dessiné et planté les jardins et le parc199. C'est dans ce somptueux séjour que Fouquet se plaisait à réunir, avec ce qu'il y avait de plus aimable et de plus considérable en France, les hommes de lettres en réputation et ceux dont la réputation était à faire. Chapelain, Ménage, Costar, la comtesse de La Suze, mademoiselle de Scudéry, s'y trouvaient souvent ensemble; La Fontaine y était admis depuis longtemps; Molière commençait à y paraître, en même temps qu'il venait d'obtenir pour sa troupe la permission de jouer à Paris. L'avocat Pellisson, qui joignait le génie des affaires à celui des lettres, premier commis de Fouquet, était son intermédiaire avec les beaux esprits. Pellisson s'était déclaré l'amant de mademoiselle de Scudéry, mais à la manière poétique de l'hôtel de Rambouillet. C'est là qu'on lui avait donné le nom d'Acante, et à elle celui de Sapho. L'admiration que mademoiselle de Scudéry excitait alors était grande. Un de ses contemporains dit qu'elle est la dixième Muse et aussi la première. La publication d'un nouveau volume d'un de ses interminables romans était un événement. Thomas Corneille, pour mieux recommander une de ses pièces à l'attention publique, a soin d'annoncer qu'elle est une imitation d'un des ouvrages de mademoiselle de Scudéry. On n'a pas assez remarqué, ce me semble, que les romans ont toujours exercé une grande influence sur le théâtre et la poésie. Le roman signale et détermine le caractère spécial de la littérature de chaque époque. Dans ce genre, plus que dans tous les autres, les auteurs originaux sont rares, les imitateurs abondent; par le grand nombre même de productions qu'il enfante et la multitude de lecteurs qu'il s'attire, il met en circulation les mêmes classes d'idées et de sentiments, donne du crédit à des manières particulières de voir et de sentir, introduit l'usage des mêmes formes de style, imprime au goût ses habitudes, impose à l'imagination ses préférences; il crée, enfin, une sorte d'atmosphère dans la littérature et dans les arts, dont le génie le plus puissant et le plus indépendant subit l'influence, et contre laquelle la froide critique cherche en vain à se débattre.

Fouquet donnait à Vaux les fêtes les plus somptueuses que l'on eût encore vues en France. Madame de Sévigné allait souvent à Vaux. C'est à Vaux que la belle épouse du burlesque Scarron, sans aucune idée de la destinée qui l'attendait, demandait à madame Fouquet la permission de se rendre, «pour témoigner, disait-elle, sa reconnaissance au héros qui en était le maître; osant espérer qu'on ne la trouverait pas de trop dans ces allées où l'on pense avec tant de raison, où l'on badine avec tant de grâce200

Mais madame de Sévigné se déroba aux délices de Vaux et de Livry, aux fêtes de la cour, aux charmes des beaux cercles de la capitale, pour se rendre en Bretagne, où sa présence était nécessaire au règlement de ses affaires et aux embellissements qu'elle avait projetés au château et au parc de sa terre des Rochers.

Cependant elle ne partit point seule: elle fut suivie ou accompagnée par ses deux oncles, le bien bon Christophe de Coulanges, abbé de Livry, et par son frère cadet, Charles de Coulanges, seigneur de Saint-Aubin, homme excellent, très-pieux, mais cependant naturellement jovial, grand joueur de mail, sans ambition, sans intrigues, et qui s'acquit, par son caractère et par les qualités de son cœur et de son esprit, beaucoup d'amis, même dans les rangs les plus élevés. Il les conserva toute sa vie, quoiqu'en devenant âgé, il eût, pour satisfaire ses habitudes et ses inclinations, choqué les convenances du monde par un mariage inégal201. Saint-Aubin, comme l'abbé de Coulanges, aidait madame de Sévigné dans l'administration de ses biens, et dans tous les travaux qu'elle faisait entreprendre à sa terre des Rochers. Aussi attaché que son frère à l'aimable veuve, il l'assistait de ses conseils, et elle lui abandonnait volontiers le soin de leur exécution. Saint-Aubin, comme sa nièce, aimait les bons livres, et était d'une complaisance infatigable quand elle lui demandait de lui faire des lectures.

A ces deux oncles de madame de Sévigné vint se joindre bientôt un troisième: c'était Louis de Coulanges de Chezières202. Celui-ci était depuis peu de retour d'un grand voyage qu'il avait fait en compagnie avec son neveu Philippe-Emmanuel de Coulanges, ce même petit Coulanges avec lequel madame de Sévigné avait passé son enfance au château de Sucy203. Lui et de Chezières s'étaient mis à la suite du maréchal duc de Gramont et de M. de Lyonne, envoyés en ambassade à Francfort-sur-le-Mein, auprès des électeurs, qui y avaient été convoqués pour nommer un empereur. Ils avaient, en compagnie de Nointel, d'Amelot, de Le Camus, qui depuis devinrent de hauts personnages, parcouru l'Allemagne et l'Italie. Successivement bien accueillis à la cour de Bavière, à celle de Wurtemberg, de l'électeur Palatin, de Piémont, de Toscane, ils avaient vu à Rome le nouveau pape officier pendant la semaine sainte, et ils étaient de retour à Paris le 23 octobre 1658. Coulanges alla aussitôt en Picardie voir son oncle d'Ormesson, qui était intendant de cette province; il rejoignit ensuite son père à la campagne, chez la marquise de La Trousse, sa tante, dans la terre de ce nom. Il retrouva là aussi sa tante, ses deux sœurs, et sa cousine mademoiselle de La Trousse. Son oncle de Chezières l'avait quitté, et s'était empressé, ainsi que je l'ai dit, de se rendre aux Rochers204.

On peut juger combien madame de Sévigné dut être satisfaite de l'arrivée de cet oncle, qu'elle aimait à l'égal des deux autres. Après un voyage aussi long et aussi intéressant, sa conversation dut être d'autant plus délicieuse pour elle pendant les jours d'oisiveté qui permettent à la campagne de jouir du présent et de faire une pose dans la vie, que de Chezières était un homme ponctuel dans ses narrations, retenant avec soin les dates, les noms et les circonstances, et toujours prêt à redresser les faits et à les expliquer. Il aimait beaucoup le séjour des Rochers, probablement à cause de l'amitié qu'il portait à sa nièce; et il y revenait volontiers et souvent205.

Madame de Sévigné se plaisait tant dans la société de ses trois oncles, qu'elle ne quitta les Rochers qu'à la fin de l'année et dans les derniers jours de septembre. Elle retrouva à Paris son cousin de Coulanges, son ami d'enfance. Mais il faut le laisser parler, et copier ce qu'il a dit lui-même dans son journal aussitôt après son retour:

«Vers Noël, madame la marquise de Sévigné, ma cousine germaine, dame d'un mérite extraordinaire, et pour laquelle j'ai eu toute ma vie une très-tendre amitié, arriva de ses terres de Bretagne avec l'abbé de Coulanges, M. de Chezières, qui l'était allé trouver après son retour d'Allemagne, et M. de Saint-Aubin, ses oncles et les miens. J'eus la plus grande joie du monde de les embrasser tous, et de voir, par leur arrivée, toute ma famille paternelle réunie pour longtemps206

180

MOTTEVILLE, Mém., t. XXXIX, p. 411.

181

LOMÉNIE DE BRIENNE, Mémoires inédits, 1828, t. II, p. 46.

182

MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 409.

183

LORET, liv. VIII, p. 153.—MONTPENSIER, t. XLII, p. 153.

184

MONTPENSIER, Mém., t. XLII, p. 104, 169, 198, 207, 208, 215, 238.—LORET, liv. VIII, p. 98, 114 (en date du 6 août 1657), p. 121 (13 août), p. 181.—MONGLAT, Mém., t. LI, p. 34.—MOTTEVILLE, Mém., t. XXXIX, p. 47.—LORET, liv. IX, p. 5 (2 janvier 1658).

185

GUY-PATIN, Lettres, t. V, p. 145.—MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 421.—MONGLAT, Mém., t. LI, p. 26.—DESORMEAUX, Histoire de Condé, t. IV, p. 102.

186

Vie de madame de Longueville, édit. 1739, t. II, p. 10, 11, 18, 22, 24 et 26.

187

MONTPENSIER, Mém., t. XLII, p. 220 et 221.

188

Vie de la duchesse de Longueville; Amsterdam, 1739, in-12, t. II, p. 26.

189

MONTPENSIER, Mém., t. XLII, p. 299.

190

GUY-JOLY, Mém., t. XLVII, p. 410.—PETITOT, Notice sur Port-Royal, t. XXXIII, p. 137.

191

LORET, liv. VIII, p. 136 (18 septembre), p. 156 (13 octobre).

192

MONGLAT, Mém., t. LI, p. 24, 37.—RAGUENET, Vie de Turenne, p. 270.—DESORMEAUX, Hist. de Condé, t. IV, p. 103.—JACQUES II, Mémoires, t. II, p. 116.—LORET, liv. VIII, p. 120, 123, 131, 142 (13 août, 1er et 22 septembre).—RAMSAY, Hist. de Turenne, t. II, p. 72, 80, édit. in-12.

193

MONGLAT, Mém., t. LI, p. 38 et 40.—GRAMONT, Mém., t. LVI, p. 275, 436, 445, 452, 463, 464, 477.—LORET, liv. VIII, p. 106, 136 et 143 (21 juillet, 8 et 12 septembre).—GUY-PATIN, Lettres, t. V, p. 137.

194

MONGLAT, t. LI, p. 64.—LORET, liv. VIII, p. 115 et 116.

195

LORET, liv. VIII, p. 162 (27 octobre).

196

LORET, liv. VIII, p. 111 (28 juillet).—MONGLAT, Mém., t. LI, p. 38; Hist. de la vie et des ouvrages de la Fontaine, 3e éd., t. I, p. 37.

197

LA FONTAINE, Œuvres, édit. 1827, t. VI, p. 260.

198

Longtemps.

199

FOUQUET, Conclusions de ses Défenses; Elzeviers, 1668, in-18, p. 90.

200

MAINTENON, Lettres, 1756, in-12, t. I, p. 24, lettre à madame Fouquet.

201

SÉVIGNÉ, Lettres (4 mai 1672), t. I, p. 420, M.; (6 octobre 1679) t. V, p. 452, 455, 458; (10 et 15 novembre 1688) t. VIII, p. 149, 153; (19 novembre) p. 164; (6 décembre 1688) p. 192; et dans l'édition de Gault de Saint-Germain, voyez t. VI, p. 152; t. VIII, p. 436, 440, 444, 446, 476; conférez 3e partie de ces Mémoires, ch. VIII, p. 133.

202

COULANGES, Mémoires, 1820, in-8o, p. 2 et 49; conf. 3e partie, ch. VIII, p. 132.

203

SÉVIGNÉ, Lettres (22 juillet 1676), t. IV, p. 382; dans G. de St.-G., t. V, p. 31.

204

COULANGES, Mémoires, p. 49.

205

SÉVIGNÉ, Lettres (5 août 1671), t. II, p. 143; (23 août 1671) t. II, p. 168; (30 avril 1675) t. III, p. 264; (10 mai 1675) t. III, p. 266; (2 octobre 1675) t. IV, p. 13; t. V, p. 224; conférez dans l'édition de Gault de St.-Germain, t. II, p. 172, 202; t. III, p. 41, 383.

206

COULANGES, Mémoires, p. 49 et 50.

Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie de Rabutin-Chantal, Volume 2

Подняться наверх