Читать книгу Nouveau Code du Duel: Histoire, Législation, Droit Contemporain - Charles comte Du Verger de Saint-Thomas - Страница 3
AVANT-PROPOS
ОглавлениеS'il est vrai, s'il est justement admis dans toute société civilisée que l'honneur ne soit pas chose moins sacrée que les lois qui régissent les États; bien que le duel soit depuis plusieurs siècles déclaré hors la loi; bien que dans l'ordre légal on ne puisse attribuer la qualité de code qu'à celui sanctionné par la loi; dans l'ordre moral, et suivant les conseils toujours prépondérants de l'esprit pratique, nous ne craindrons jamais de présenter ni de défendre sous le nom de Code, les règles imposées par l'honneur.
—Chacun, nous dit M. de Chateauvillard, est exposé à cette dure nécessité de risquer sa vie pour venger une offense, une injure. C'est donc une affaire assez importante dans l'existence pour qu'elle soit d'avance réglée selon les formes voulues par la délicatesse et le droit.
Des exemples sans cesse renaissants nous prouvent chaque jour la nécessité de l'établir d'une manière formelle et d'éviter ainsi des fautes qui compromettent l'existence d'un ami, des assassinats que l'on croit devoir passer sous silence pour ne pas donner aux familles le déshonneur d'une récrimination; enfin, ce droit, c'est la sauvegarde de tous; s'il est enfreint, si le sang d'une victime vient à crier vengeance, il sera là accablant pour l'homme sans foi; il sera là encore pour soutenir l'homme courageux qu'on viendrait taxer d'homicide, pour le défendre, pour l'absoudre et faire tomber sur ceux qui l'attaquent l'infamie d'une blâmable accusation (Chateauvillard, Essai sur le duel, page 5).
—Les édits des rois prononçant les peines les plus sévères contre les duels, enchérissant même par des peines accessoires sur la peine de mort prononcée contre les délinquants; les arrêts des parlements; les injonctions et promesses des administrateurs d'hôpitaux chargés de la confiscation des biens des duellistes; les règlements de MM. les maréchaux de France; les efforts de la Ligue du Bien public, et la protestation publique de plusieurs gentilshommes de refuser toutes sortes d'appels; les mercuriales des prélats, des docteurs en théologie; les décrets des conciles; les foudres pontificales et l'excommunication encore en vigueur aujourd'hui; de nos jours, enfin, la vigilance, l'activité déployées par les agents préposés à la sûreté publique; ces mesures répressives que les législateurs contemporains cherchent à faire adopter par les tribunaux de leur pays; rien n'a pu arrêter le cours du duel qui, à son temps et à son heure, sait renverser toutes les digues.
—Ce fait incontestable ne nous donne-t-il pas le droit de penser et d'affirmer que la question du duel est l'un des problèmes d'économie sociale les plus difficiles à résoudre, les plus dignes par là même d'exciter l'intérêt de tout philanthrope désireux de servir les intérêts de l'humanité?
—Établir les règles du duel, le réglementer en un mot, telle est la préface naturelle de toute étude sur cette plaie sociale, jusqu'ici rebelle à la répression. C'est ainsi que l'ont pensé avant nous les hommes honorables qui, en 1836, sont venus engager M. le comte de Chateauvillard, membre distingué du Jockey-club de Paris, à publier un Essai sur le duel.
Ce nouveau code du duel fut appuyé par l'approbation des hommes de l'époque les plus autorisés par leur haute position dans la société.
«Intimement convaincus, disent-ils, que les intentions de l'auteur, loin de propager les duels, tendent au contraire à en diminuer le nombre, à les régulariser, à en éviter les chances funestes, les soussignés donnent leur entière approbation aux règles établies et développées dans le présent ouvrage.»
Suivent les nombreuses signatures d'hommes distingués, parmi lesquels nous remarquons des maréchaux, des pairs de France, députés, officiers généraux, officiers supérieurs, hommes de lettres et gentlemen, etc. (Voir l'Essai sur le duel, par le comte de Chateauvillard, pages 87 et suivantes.)
Nous ne saurions passer sous silence le nom de l'un des signataires les plus compétents, que nous avons eu l'avantage de connaître et d'apprécier: nous voulons parler de M. le marquis de Hallay-Coëtquen, gentilhomme accompli dont les décisions, jusque dans ses dernières années, faisaient autorité en matière de point d'honneur.
—Ces réflexions sembleraient suffisantes pour justifier la publication d'une nouvelle étude sur le duel, si des considérations afférentes à l'utilité pratique ne nous eussent induit à persévérer dans notre dessein de l'entreprendre.
—Le code de M. de Chateauvillard est presque introuvable aujourd'hui, et, non seulement nous voyons renaître à chaque instant les abus qu'il avait pour but essentiel de combattre, mais encore des irrégularités très-regrettables se sont introduites depuis sa publication.
Bien que les prescriptions de ce code soient nettes et précises, publiées au moment où les rencontres étaient plus fréquentes, elles nous ont semblé parfois plutôt destinées à être interprétées par des hommes ayant déjà quelque expérience des usages de la société, et par conséquent susceptibles de développements pour être bien comprises et mises en pratique par le plus grand nombre.
Des personnes honorables, dont l'influence morale pourrait être utile soit pour arranger les affaires d'honneur, soit pour en rendre les conséquences moins désastreuses, se refusent à accepter le rôle de témoins, alléguant leur complète inexpérience dans de semblables questions. Un guide sûr ne suffirait-il pas pour atténuer les scrupules de quelques-uns?
Ce serait autant de gagné dans l'intérêt de l'humanité!
Notre étude sur le duel sera divisée en trois parties:
La première contiendra un précis historique sur les origines du duel; un aperçu analytique sur la législation des principales puissances étrangères, sur la législation et la jurisprudence des tribunaux français, et, enfin, la conclusion fera connaître notre opinion personnelle sur les moyens les plus sûrs de diminuer le nombre des duels, ou tout au moins, d'en atténuer les effets, sans porter atteinte au point d'honneur, lequel, selon nous, ne saurait tomber en désuétude dans toute société civilisée;
Dans la seconde partie on trouvera un code du duel. Les règles établies comporteront les développements, observations et exemples dont l'utilité nous a été démontrée par l'expérience;
Dans la troisième partie, nous mettrons sous les yeux de nos lecteurs quelques pièces justificatives.
Avons-nous besoin de le proclamer, notre Code du duel n'est nullement pour le favoriser, mais bien pour le cantonner sans des limites étroites que, seules, les nécessités réelles et reconnues du point d'honneur puissent lui permettre de franchir; pour déterminer les devoirs comme les droits de chacun; pour persuader à quiconque se trouve dans la nécessité de venger une injure qu'il ne doit confier son honneur et sa vie qu'à des hommes sérieux et entourés de l'estime publique; pour apprendre enfin aux témoins les principes qui doivent les guider dans l'accomplissement du redoutable et important mandat qu'ils ont accepté volontairement, leur montrer l'étendue de la responsabilité qu'ils encourent soit envers l'ami qui leur a confié son honneur et sa vie, soit envers les familles, soit envers la société.
Puissions-nous être assez heureux pour atteindre le but humanitaire que nous nous sommes proposé.
Puissions-nous obtenir par la précision et la clarté des conseils puisés au creuset de l'expérience, que toutes les querelles suscitées par les écarts de l'imagination ou par l'effervescence des passions humaines, et de nos jours, surtout, ce qui est profondément regrettable, par les animosités politiques, soient apaisées dès leur début et que les rencontres que l'honneur et la nécessité imposent à l'homme de cœur aient des suites moins funestes, moyennant la salutaire influence de règles connues et admises «à titre de droit commun à tous» par l'opinion générale dans la société.