Читать книгу Essai sur le paysage - Charles-Louis-François Le Carpentier - Страница 11
ОглавлениеLes Saisons et les Heures du jour.
Toutes les saisons de l’année sont propices à l’étude du paysage; elles offrent chacune une variété d’études et d’observations, qui ne laissent jamais oisif celui qui se plait à consulter la nature.
Si chaque heure du jour présente aussi divers tableaux d’une grande variété, il faut convenir cependant qu’il est des saisons et des moments de la journée dont les effets sont plus favorables à la peinture.
Le matin et le soir doivent fixer principalement l’attention du peintre de paysages. Le matin par sa belle fraîcheur, par ses beaux tons vagues et argentins; le soir par la beauté et la richesse des tons de couleur. Le milieu de la journée présente une clarté vive et générale, qu’il est assez difficile de rendre avec succès.
Est-il un spectacle plus délicieux que la moment du lever du soleil, lorsque les vapeurs qui s’exhalent de la terre se colorent d’une légère teinte de rose, dernières traces de l’aurore qui s’enfuit à la présence du soleil? A peine aperçoit-on les lointains encore enveloppés dans le vague; les arbres, les côteaux s’éclairent par degrés, et participent de cette fraîcheur qui annonce le réveil de la nature.
Le soleil encore enveloppé de nuages fait de vains efforts pour lancer la totalité de ses rayons éblouissants, dont quelques-uns percent et semblent s’échapper à travers la vapeur.
Triomphe-t-il enfin des obstacles qui s’opposent à sa clarté, les vapeurs sont dissipées, son disque radieux éclaire toute la campagne: voilà le moment du peintre. Cette scène du matin se varie à l’infini, et produit toujours de beaux effets. Les grands paysagistes d’Italie en ont souvent produit des tableaux fort intéressants; Claude le Lorrain, Herman-Swanepelt, le Guaspre, Vernet formé à leur exemple, ont rendu ce beau moment avec une vérité surprenante.
En Hollande, Berchem, Wouvermans Adrien Vanden-Velde, Carle Du jardin, Vinants, Both d’Italie, Moucheron ont, enrichi les arts de magnifiques et précieux tableaux du matin. Plusieurs paysagistes allemands, parmi lesquels il ne faut pas oublier Dyetrici, ont également réussi à rendre la fraîcheur du matin et ces tons tendres et vaporeux, si agréables à la vue. C’est dans le silence des campagnes qu’il faut saisir ces effets admirables pendant le sommeil de l’oisif et paresseux citadin.
Il est plus difficile à la peinture de rendre la vive clarté du midi, où le ciel., d’un azur pur et brillant, n’est traversé que par quelques nuages, qui par leur blancheur éblouissante ressemblent à des montagnes de neige. Il faut des ombres à la peinture, et l’on ne peut espérer d’effet à cette heure du jour, à moins que des nuages précurseurs, de la pluie, venant à obscurcir l’atmosphère, ne produisent un effet souvent très-vif et très-piquant par la lumière qui s’échappe avec vivacité à travers les masses sombres du ciel.
C’est sur-tout au moment où les nuages poussés rapidement par le vent, portent leurs ombres ambulantes sur les plaines et sur les coteaux.
Combien de fois suis-je resté en extase, tranquille observateur de ces beaux accidents de lumière, que Rembrant, Jacques et Salomon Ruisdaal ont si bien saisis dans leurs tableaux immortels,
La mémoire du peintre de paysages doit s’approprier à son tour ces effets si pittoresques, pour les retracer sur la toile.
Le coucher du soleil offre une richesse inépuisable de tons étincelants. Toute la rature se colore d’un ton violâtre et pur pure, les lointains de teintes jaunâtres et orangées vont se perdre avec l’horison qui présente un ardent foyer de lumière. Toutes les montagnes, les plaines, les diverses fabriques, les arbres ont perdu la couleur du jour pour s’emparer de la teinte du soir, et se peignent dans les eaux.
Il est à remarquer que le soir les ombres et les reflets conservent une couleur d’un vert prononcé, ce qui s’aperçoit aisément lorsque les eaux ont acquis la couleur générale du ciel. Il est facile de se convaincre de cette vérité quand un bateau ou tout autre objet se trouve sur une rivière. Les reflets répétés dans l’eau, paraissent d’un vert pur, par l’opposition du ton jaune ou orangé qui le colore.
Dans ces moments du calme précurseur du sommeil de la nature, les eaux inspirent une sorte de mélancolie douce qui plait à l’imagination du peintre qui, tout plein de ces pensées, s’aperçoit à peine de la chute du jour, si la lumière de l’astre des nuits qui déjà frémit dans l’onde en longs sillons, ne venait captiver de nouveau son attention. Le disque brillant de la lune, souvent entoure d’une auréole d’un gris jaunâtre, lorsquelle est traversée par les nuages dont elle se dégage pour paraître plus lumineuse, colore d’un ton légèrement orangé ceux qui avoisinent le plus sa lumière.
La scène est changée, tous les objets ont à peine conservé quelque légère teinte du jour.
Leurs formes se détachent sur la faible clarté du ciel, les seuls monuments qui se trouvent fortement éclairés par la lumière vive de la lune, conservent encore une partie de la couleur qui les animait dans le jour.
Plusieurs habiles peintres de l’école flamande et hollandaise se sont fait un nom distingué par leurs talents à peindre avec une très-grande vérité des tableaux de clairs de lune. Vander-Neer, hollandais, est regardé comme le plus célèbre en ce genre; plusieurs autres ont rivalisé avec lui, quoiqu’avec moins de célébrité. En France, Vernet s’est montré au premier rang dans cette partie de la peinture qu’il a su ennoblir par divers accidents de feux et par des scènes intéressantes, ce qui lui donne un grand avantage sur le peintre que j’ai cité.
Le peintre de paysage historique trouve encore ici à exercer son génie. La mort de Pyrame et Thisbé lui offre le sujet d’un intéressant tableau. Celui des visites nocturnes de Diane près de son cher Endymion est du plus grand intérêt pour le paysagiste dont le génie sait s’emparer des charmantes illusions de la fable et de la poësie.