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EXPLORATION

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MERCREDI 13 MARS.

NATIONALE 77, À 59 MILLES DU DÉSERT DE MOJAVE, CALIFORNIE.

“ Celui qui veut vivre doit lutter. Celui qui ne veut pas se battre dans ce monde de lutte éternelle ne mérite pas de vivre ”

Adolf Hitler

Il veut le faire tout seul.

C’est une tâche simple, qui l’apaise. Une routine pacificatrice.

Il reprend la fourgonnette et ses principes de précautions évidentes.

La fourgonnette, il la considère déjà comme une amie. C’est dans ses habitudes de s’attacher aux choses, plus qu’aux personnes. Les choses ne trahissent pas. Elles ne gênent pas. Elles ne déclenchent pas de démangeaisons nerveuses, à l’inverse des hommes qui savent souvent les provoquer.

Oui, la fourgonnette est un animal docile qu’il sera dommage de tuer à la fin du voyage. Tant pis. Il y aura sans aucun doute d’autres, savoureuses, consolations.

Il roule sur l’asphalte lisse, sur la route plate et linéaire, se permettant un instant de se perdre dans ses pensées, dans le paysage décharné.

Le paysage colle bien. Au fur et à mesure qu’il avance, la civilisation se fait moins importante et la nature prend racine. Une nature aride, hostile. Le vide, dans un monde surpeuplé, est une perle rare et précieuse. Une perle qui peut devenir un excellent outil. Une perle à conquérir et à exploiter.

Il a le sentiment d’être sur la bonne voie. Non pas celle correcte, indiquée sur la carte. Celle qui est juste pour eux. Pour l’action.

Il poursuit. Calme et lucide.

Sans s’arrêter, il contrôle les indications aux alentours. L’objectif est à l’horizon. Un point unique et sombre.

Il réduit sa vitesse. Il fait durer l’attente.

Il ne veut pas se laisser ronger par l’impatience. Il la contrôle.

Il n’y a aucun arbre, ni le long de la chaussée, ni à des milles à la ronde. Il se gare à une certaine distance. Sa présence peut être vue, de loin, mais aucune cible et aucun visage ne peuvent être mémorisés, reconnus.

Il défait la ceinture de sécurité et s’installe confortablement sur le siège. Il sort des jumelles du tableau de bord. Un vieux cadeau d’un père fait à son enfant boy-scout. Un père qui n’aurait jamais pu prévoir l’utilité et l’usage d’un gadget si innocent.

Il perd quelques minutes pour les mettre au point à la perfection. Avec les gants, il est plus difficile de tourner la molette afin de régler les prismes. Il ne les enlève pas. Il patiente et respire.

Puis, il observe.

Cela lui prend quelques heures.

Il veut avoir une vue d’ensemble, pas uniquement sur un point précis, mais sur tout ce qui se trouve là-bas. Il se déplace, il cherche à voir encore plus loin, il revient à son poste de surveillance.

Pour ne pas avoir à se repentir d’erreurs commises, il ne faut rien laisser passer.

Il faut un tableau complet. Et son tableau, un tableau qui n’a que soif de se transformer en une oeuvre d’art, se compose bientôt de chiffres.

Trois représente le nombre de voitures qui circulent aux alentours durant son exploration sur place. Deux proviennent du Nevada, une de l’Utah. Toutes de passage, aucune permanente. Aucune qui ne ralentit à la vue de la camionnette stationnée.

Deux, c’est le nombre de présences. Un jeu d’enfants.

Zéro, le nombre de possibilités d’échappatoire.

Un bon bilan, digne d’un business parfait.

Il repose les jumelles. Il a joué son rôle. Pour le reste, on n’a pas besoin de lui.

Il ne remet pas la ceinture. Il passe une vitesse et appuie de manière décisive sur l’accélérateur.

Aucune grille. Aucune barrière.

Il s’arrête devant l’entrée, le nez du camion dirigé vers la porte.

Il rallume la radio.

La Pire Espèce

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