Читать книгу Manuel de la procédure d'asile et de renvoi - Constantin Hruschka - Страница 8

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I Introduction

[23]Le développement du droit d’asile en Suisse et en Europe est actuellement au cœur de l’attention politique et sociétale. Loin de se limiter au Parlement fédéral, les questions d’asile sont également âprement débattues dans le domaine public. Dans les cantons et les communes du pays, l’asile passionne et donne naissance à d’importants débats de société.

Ces débats ne reflètent pas seulement la sensibilité des thèmes liés à l’asile, mais indiquent également la pertinence des échanges sur l’identité suisse et la façon dont le pays voit son rôle dans un monde en changement permanent. Par les questions qu’il soulève et les défis qu’il provoque, l’asile renvoie le pays à l’importance de sa « tradition humanitaire ». Alors que l’histoire et la perception d’elle-même que la Suisse aime entretenir sont marquées par cette ambition humanitaire – notamment l’accueil des Huguenots à Genève aux 16ème et 17ème siècles – la législation actuelle trouve sa source au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

La politique suisse en matière de réfugiés durant ce conflit a souvent été critiquée parce qu’elle était dominée par une attitude générale de rejet. Pour de nombreux observateurs, le renvoi à la frontière des personnes cherchant protection et le statut juridique des réfugiés admis, pour la plupart, seulement de manière provisoire marquent un chapitre sombre de l’histoire contemporaine suisse. L’adhésion de la Suisse en 1955 à la Convention des Nations Unies de 1951 relative au statut des réfugiés1 est marquée par ce contexte.

En 1957, le Conseil fédéral considère l’octroi de l’asile comme une maxime de politique fédérale : « Le droit d’asile n’est pas une simple tradition de la Suisse. Il est un principe politique et une manifestation de la conception suisse de la liberté et de l’indépendance. […] L’histoire des réfugiés pendant la dernière guerre mondiale nous apprend que la Suisse devrait accueillir dans la mesure de ses possibilités les fugitifs étrangers, c’est-à-dire les hommes qui cherchent asile sur son sol parce que leur vie et leur intégrité corporelle sont sérieusement menacées. Elle nous montre aussi que les autorités ne devraient en principe pas fixer de chiffre maximum pour l’accueil de ces personnes. […] Notre pays ayant le devoir de pratiquer l’asile d’une manière conforme à sa tradition, il y a lieu d’envisager un large accueil des réfugiés [24][en allemand : « eine freie, weitherzige Aufnahme von Flüchtlingen »]. »2 L’accueil des personnes persécutées compte ainsi comme tâche essentielle de la collectivité et marque une ligne de conduite pour l’activité de l’Etat et pour le législateur.

Jusqu’au début des années quatre-vingts, la politique suisse d’asile a été marquée par l’admission de groupes de réfugiés persécutés à la suite de troubles politiques, de guerres et de guerres civiles, comme en Hongrie (1956), au Tibet (1962), en Tchécoslovaquie (1968), au Chili (1973), en Indochine (1975) et en Pologne (1982). Les réfugiés étaient d’habitude admis collectivement sans examen individuel comparable à la procédure d’asile actuelle. En règle générale, le pays accueillait les personnes qui pouvaient prouver leur appartenance au groupe que le Conseil fédéral avait décidé d’admettre en Suisse. Parallèlement, l’immigration des travailleurs étrangers fut débattue de manière extrêmement controversée depuis la fin des années soixante. Le discours public a été fortement marqué par l’initiative dite « Schwarzenbach », refusée à 54 % en 1970.3 A l’époque, l’admission des réfugiés se basait sur quelques normes du droit général des étrangers (loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers – LSEE, et ordonnances relatives à cette loi) et sur des circulaires. Ce n’est qu’en 1979 que le législateur a édicté une première loi sur l’asile, entrée en vigueur le 1er janvier 1981.

Depuis l’entrée en vigueur de cette première loi sur l’asile, le cadre juridique s’est développé de manière à la fois rapide et profonde. Même si le traitement des ressortissants étrangers relève d’une compétence clé de l’Etat souverain, cette souveraineté se justifie et s’exerce dans les limites du droit international public. Les engagements de droit international pris par la Suisse ont une importance cruciale dans le cadre des procédures d’asile et de l’octroi d’une protection.

Depuis une vingtaine d’années, le régime européen de l’asile exerce une influence considérable sur la Suisse. Même si elle n’est pas membre de l’Union européenne, la Suisse participe au régime de Dublin et de Schengen. A ce titre, elle est géographiquement, juridiquement et politiquement partie intégrante des évolutions européennes. Une vue d’ensemble des normes en vigueur ne peut donc faire l’économie [25] de comprendre les relations parfois complexes entre le droit suisse, le droit européen et les normes de droit international public.

1 Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (Convention de Genève, CR, RS 0.142.30). Le champ d’application de la CR a été élargi par le Protocole du 31 janvier 1967 relatif au statut des réfugiés (dit Protocole de New York). Dans le présent manuel, la CR fait toujours référence à la Convention de 1951 telle qu’élargie par le Protocole de New York.

2 Rapport du Conseil fédéral du 1er février 1957 concernant les « Principes à observer dans la pratique de l’asile en cas de tension internationale accrue ou de guerre », publié dans le contexte du rapport Ludwig (Ludwig Carl, La politique pratiquée par la Suisse à l’égard des réfugiés au cours des années 1933 à 1955, rapport adressé au Conseil fédéral à l’intention des conseils législatifs). Voir annexe au rapport du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale du 13 septembre 1957 sur la politique pratiquée par la Suisse à l’égard des réfugiés au cours des années 1933 à nos jours, p. 387 ss, FF 1957 II 668.

3 Initiative populaire fédérale « contre l’emprise étrangère », voir à ce sujet le Rapport du Conseil fédéral, FF 1969 II 1050. La votation a eu lieu le 7 juin 1970, FF 1970 II 301.

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