Читать книгу Essai sur l'Histoire Religieuse des Nations Slaves (traduit de l'anglais) - Count Valerian Krasinski - Страница 6

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Pendant la prière de Jean Huss, son capuchon tomba de sa tête; un soldat le replaça en disant qu'il devait être brûlé avec les démons, les maîtres qu'il avait servis. Le bourreau lui ordonna de monter; il obéit en s'écriant: «Ô Seigneur Jésus-Christ, soutenez-moi, faites que je puisse supporter avec fermeté la mort cruelle et ignominieuse à laquelle on m'a condamné pour avoir prêché la sainte parole de l'Évangile.» Il se tourna ensuite vers les assistants; mais le duc de Bavière lui défendit de parler, et ordonna à l'exécuteur de le dépouiller de ses habits et de l'attacher au poteau avec les mains liées derrière le dos. Le bourreau obéit; mais, comme Huss avait le visage tourné vers l'Orient, il fut, en sa qualité d'hérétique, tourné d'un autre côté du poteau. Après qu'il eut remercié l'exécuteur de la douceur avec laquelle il accomplissait ses fonctions, on lui passa autour du cou une chaîne qui le liait au poteau. Huss dit qu'il était heureux de supporter ces tourments pour la défense de la foi, quand le Sauveur avait porté un fardeau plus pesant encore. On entassa alors du bois et de la paille autour de lui, jusqu'à la hauteur des genoux. À ce moment, le maréchal de l'empereur, Haupt de Pappenheim, survint et le somma au nom de l'empereur de rétracter ses erreurs. Huss répondit: «Qu'ai-je à rétracter, puisque je ne suis convaincu d'aucune erreur? J'ai toujours prêché la vérité et l'Évangile de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et je meurs avec joie pour lui.» À ces mots, le messager impérial joignit ses mains au-dessus de sa tête, et partit: l'exécuteur alluma aussitôt le feu. Huss s'écriait: «Jésus-Christ, fils du Dieu vivant, ayez pitié de moi!» Comme il le répétait pour la troisième fois, le vent chassa sur lui les flammes et la fumée qui l'étouffèrent. On vit toutefois son corps s'agiter pendant le tempe nécessaire pour dire trois fois la prière du Seigneur.

Quand le bûcher fut consumé, on trouva la partie supérieure de son corps suspendue au poteau par la chaîne sans être consumée. On apporta aussitôt d'autre bois, on abattit le poteau et on consuma complètement jusqu'aux derniers restes. Le cœur, qui était tombé du corps et s'était brisé, fut réduit à coups de bâton en petits morceaux et brûlé à part. On jeta dans les flammes les habits que Jean Huss avait portés au supplice, et quand tout fut bien consumé, on recueillit avec soin les cendres et on les jeta dans le Rhin.

Ainsi périt le grand réformateur des Slaves. Quoiqu'il n'ait pas attaqué les dogmes de l'Église catholique romaine, comme le firent plus tard les réformateurs du XVIe siècle, il établit cependant le principe fondamental du protestantisme, c'est-à-dire l'appel à l'autorité des Écritures et non à celle de l'Église.

Il me reste à ajouter quelques mots sur Jérôme de Prague, le plus éminent des disciples de Jean Huss, que le concile de Constance fit périr comme son maître. En partant de Bohême, Huss, qui connaissait l'ardeur de Jérôme et la haine que le parti romain lui portait, lui défendit de le suivre à Constance. Malgré cette défense, Jérôme y arriva le 4 avril 1415, et, le 7 du même mois, il afficha à la porte de l'Hôtel-de-ville et aux portes de toutes les églises, une demande rédigée en trois langues (latin, allemand, bohémien) et adressée à l'empereur et au concile. Il y réclamait un sauf-conduit pour venir assister son ami Jean Huss dans son procès. Le concile répondit, le 17, qu'il le défendrait contre la violence, mais non contre la justice, et qu'il le mettrait en jugement. Cette réponse l'engagea à décliner la tendre miséricorde des prélats, et il retournait en Bohême, lorsque, près des frontières, il fut saisi, ramené et enchaîné à Constance le 23 mai, et jeté en prison avec des fers pesants aux mains et aux pieds. Ces durs traitements, son inquiétude pour son ami, lui causèrent une cruelle maladie qui lui abattit le corps et l'esprit. Dans cet état pitoyable, quelques membres du concile lui persuadèrent de se rétracter. Il le fit en public le 11 septembre 1415, et, sur la demande du concile, renouvela sa rétractation le 23 du même mois. Il y déclarait qu'il était prêt à faire pénitence de ses fautes, et qu'il se soumettait d'une manière absolue à l'autorité du concile.

Cette conduite disposa favorablement pour lui les prélats; ils proposaient déjà de le mettre en liberté, lorsque le clergé de Bohême y mit opposition, en déclarant qu'il ne croyait pas à sa sincérité et en apportant de nouvelles accusations contre lui. Une nouvelle commission d'enquête fut nommée sous l'influence de ses plus cruels ennemis. Elle l'accusa d'être depuis sa jeunesse l'ami de Jean Huss et un zélé partisan de Wiclef, d'avoir rapporté ses ouvrages en Bohême et de l'honorer comme un saint, d'avoir dirigé toutes les attaques contre le clergé, traité d'idolâtrie le culte des images des saints, profané des reliques, insulté publiquement le pape et le clergé, etc., etc. Jérôme demanda à se défendre en public; on le lui permit en présence de tout le concile, le 23 mai 1416. Il réfuta tous les chefs d'accusation dirigés contre lui, avec tant d'éloquence, de finesse, de savoir sacré et profane, qu'il inspira la plus vive admiration à l'illustre savant italien Poggio Bracciolini. Ce dernier, qui était présent comme secrétaire du concile, va jusqu'à comparer Jérôme à Socrate. Il reprit sa défense le 26 du même mois, avec autant de succès. Mais, invité à répéter sa rétractation, au lieu d'obéir il fit avec la plus grande éloquence le panégyrique de son ami Jean Huss, il proclama son innocence, sa justice, et même sa sainteté; il s'emporta avec violence contre les Allemands, les accusant d'être les ennemis les plus acharnés de la Bohême, et d'avoir juré sa perte comme celle de son ami Jean Huss, parce que tous deux avaient le plus contribué à leur enlever leurs injustes priviléges dans l'Université de Prague. C'était pour satisfaire leur désir insatiable de vengeance qu'ils le poursuivaient. Le plus grand péché qu'il eût commis, ajoutait-il, c'était d'avoir désavoué, sous la contrainte des circonstances, les doctrines de Jean Huss; mais il y adhérait maintenant de toute son âme, et il était prêt à endurer pour elles, toutes sortes de souffrances et de supplices.

On ne peut décrire l'impression que fit sur les auditeurs ce discours de Jérôme auquel on s'attendait si peu. On le ramena en prison et on essaya tous les moyens possibles de persuasion pour le décider à une rétractation. Il ne voulut rien écouter. Il fut donc condamné, le 30 mai 1416, à être dégradé comme Jean Huss, de sa dignité ecclésiastique, et à être brûlé vif dans le même endroit où celui-ci avait reçu la palme du martyre. Arrivé au lieu fatal, il baisa le sol sur lequel Huss avait marché, se dépouilla lui-même de ses vêtements, pria avec ferveur tandis qu'on l'attachait au poteau, et présenta ses mains à l'exécuteur. On l'entoura jusqu'au cou d'un amas de bois mêlé de paille, et comme on allumait le feu par derrière, il dit à l'exécuteur: «Allume le feu sous mes yeux; j'ai eu peur du feu, mais maintenant je ne pourrai reculer.» Il se mit alors à chanter un hymne sacré, et les flammes l'entouraient déjà de tous côtés, qu'on l'entendait encore répéter dans la langue de ses pères: «Dieu puissant et mon père, ayez pitié de moi et oubliez mes péchés!» On brûla ses vêtements; et quand tout fut éteint, on recueillit soigneusement les cendres et on les jeta dans le Rhin, comme on avait fait pour celles de Jean Huss.

Essai sur l'Histoire Religieuse des Nations Slaves (traduit de l'anglais)

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