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CHAPITRE CINQ

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Sans ralentir, Zéro tourna de nouveau à droite, se glissant dans une ruelle étroite entre deux immeubles. Elle faisait à peine deux mètres d’un côté à l’autre, même pas assez large pour être qualifiée d’allée. À peu près au milieu, il s’arrêta et se retourna.

Au bout de la ruelle se trouvait l’un de ses poursuivants. L’homme avait à peu près son âge, un peu plus grand de quelques centimètres, avec un visage nerveux et une barbe de quelques jours sur le menton. Il portait des boots noirs, un jean et une veste en cuir noir.

“Baker,” dit instinctivement Zéro. Cet homme était un membre de la Division, un groupe de sécurité privé que la CIA engageait parfois pour l’assister dans les affaires internationales. C’étaient de véritables mercenaires, le même groupe qui avait tenté de lui ôter la vie moins d’une semaine plus tôt à la base de la Confrérie non loin d’Al-Baghdadi. Le même groupe qui avait tenté d’attaquer l’Agent Watson et de kidnapper ses filles en Suisse.

Mais cet homme en particulier lui était familier. Dès que Zéro vit son visage, il se souvint. En 2013, la Division avait été appelée en renfort à la suite d’une prise d’otage entre une faction d’Al-Qaïda et une douzaine de soldats américains. Baker était parmi eux.

Le mercenaire leva un sourcil. “Tu me connais ?”

Merde. Zéro s’en voulut d’avoir prononcé le nom du type. Il avait montré son jeu. Il haussa les épaules et essaya de noyer le poisson. “Il y a des trucs qui reviennent. Par morceaux.”

Baker sourit. “Je vois, Zéro. Il y avait quoi à la banque ?”

“De l’argent. J’ai effectué un retrait.”

Le mercenaire secoua la tête. “Je ne crois pas. Tu vois, je me suis renseigné. Tu n’as pas de compte là-bas. Mais mes techniciens ont trouvé un coffre-fort à ton nom et celui de ta défunte épouse.”

Zéro vit rouge un moment à cause du commentaire désinvolte sur Kate et il faillit perdre ses nerfs, mais il s’efforça de rester calme.

“Je suppose que tu as bien effectué un retrait,” dit Baker, “mais pas d’argent. Il y avait quoi dans le coffre, Zéro ?”

Suppose ? Soit Baker bluffait, soit l’agence n’avait vraiment pas eu connaissance de l’existence du coffre-fort jusqu’ici. Ce qui voudrait dire que la CIA n’était pas responsable de l’absence des documents. Mais il peut très bien mentir.

Zéro entendit des bruits de pas derrière lui et jeta rapidement un coup d’œil par-dessus son épaule pour voir un type costaud apparaître dans l’angle, à l’autre bout de l’étroite ruelle. Sa tête était entièrement rasée, mais son menton était obscurci par une épaisse barbe brune. Il arborait un affreux sourire aux lèvres. Il aurait très bien pu être joueur de football américain ou lutteur professionnel.

Je ne le connais pas. Ce doit être un nouveau, pensa Zéro ironiquement.

Quand il se retourna vers Baker, le mercenaire à l’air nerveux avait fourré une main dans sa poche. Elle en ressortit lentement et Zéro ne fut pas du tout surpris de la voir tenir un Sig Sauer noir.

“C’est pour quoi faire ? Tu vas me tirer dessus en plein jour ?” Zéro leva sa main droite blessée. “Je n’ai pas d’arme et je n’ai qu’une seule main valide.”

“J’ai vu ce dont tu es capable avec une seule main,” dit Baker nonchalamment en vissant un silencieux au canon de son pistolet. “C’est pour me défendre. Il y avait quoi dans le coffre, Zéro ?”

Zéro haussa les épaules. “Tu devras me tirer dessus en premier.” Comment diable vais-je pouvoir me tirer d’affaire ? Ce n’était pas une ruse quand il disait qu’il n’avait qu’une seule main. Il serait clairement désavantagé s’il devait se battre contre l’un d’entre eux, sans même parler des deux.

“Nous avons pour ordre de ne pas employer de force léthale,” fit remarquer Baker. Il regarda son compagnon bourru derrière Zéro. “Tu en penses quoi, Stevens ? Une balle dans la rotule n’est pas léthale, pas vrai ?”

Le costaud, Stevens, ne répondit pas… du moins pas avec des mots. Il se contenta de grogner.

Force non léthale. Ces deux-là n’avaient pas été envoyés pour le tuer. Ils avaient pour mission de lui prendre ce qu’il avait bien pu récupérer à la banque, et certainement de déterminer s’ils devaient ou non l’amener avec eux. Il est trop tard pour me tuer à présent. Ceux qui menaient la danse avaient besoin de connaître ce qu’il savait et à qui d’autre il en avait parlé. Ce ne serait peut-être pas trop suspect pour ceux qui n’étaient pas impliqués dans le complot si l’Agent Zéro était soudain retrouvé mort. Mais s’il fallait prendre la vie d’autres personnes comme Strickland, Watson et Maria, les gens commenceraient à poser les questions qui fâchent et à fouiner, risquant de découvrir leurs manigances.

Il faut que je trouve un subterfuge. “Alors, comment va Fitzpatrick ?” demanda-t-il d’un ton aussi naturel que possible. Il savait qu’il allait les énerver ainsi, mais il avait besoin de gagner du temps. “La dernière fois que je l’ai vu, il était un peu… amoindri, on va dire.”

Baker plissa légèrement les lèvres. Le chef de la Division, Fitzpatrick, avait été renversé par une voiture sur un parking à New York par l’Agent du Mossad Talia Mendel. D’après ce que Zéro savait, Fitzpatrick était toujours en vie, mais il ne connaissait pas l’étendue de ses blessures.

“Il est vivant,” répondit Baker sans émotion apparente, “malgré les efforts de tes amis. Dix-sept os brisés, un poumon perforé, une perte de vision à l’œil droit.”

Zéro fit claquer sa langue d’un air dépité. “Il faut vraiment que je lui envoie des fleurs…”

Baker leva le pistolet à deux mains. “Ça suffit. Cette discussion est très sympa, mais si tu ne me dis pas ce qu’il y avait dans ce coffre-fort, je vais te tirer dessus. Et ensuite, Stevens traînera ton corps en sang par la cheville jusqu’à un joli petit endroit calme où on pourra te brancher à une batterie de voiture jusqu’à ce que tu nous dises exactement ce dont tu te souviens.”

Zéro plissa le nez. “Ça n’a pas l’air cool.”

Baker tira un coup de feu. L’arme émit un sifflement et un petit morceau de la façade en brique à la droite de Zéro explosa, envoyant de minuscules éclats de pierre contre son visage.

Il leva les mains en un instant. “Wow ! Ok. Bon sang, je vais vous dire tout.” Toutefois, ses pulsations accélérèrent à peine.

J’ai ce qu’ils veulent. C’est moi qui ai le contrôle.

“Il s’agit d’une clé USB avec des informations dessus.”

“Donne-la-nous,” ordonna Baker.

“Est-ce que je peux la chercher dans ma poche ?”

“Lentement,” grommela Baker avec son Sig Sauer pointé sur le front de Zéro.

“Ok.” Zéro montra sa main gauche vide, remua ses doigts, puis fourra lentement sa main dans la poche de son pantalon. Baker est à environ cinq mètres. Avec sa main dans la poche, il saisit la clé USB à deux doigts, la tenant entre l’index et le majeur. Stevens est à peu près à sept mètres. Il prit le couteau à cran d’arrêt dans sa paume en le tenant entre l’annulaire et l’auriculaire, le maintenant avec son pouce. Tout comme la Percée de Tueller.

Ce matin-là, il aurait juré ne jamais avoir entendu le nom de Dennis Tueller, mais quiconque ayant jamais été entraîné à manier le couteau au milieu d’armes à feu le connaissait. En 1983, le Sergent Tueller avait procédé à une série de tests afin de déterminer à quelle vitesse un attaquant avec un couteau pouvait couvrir une distance d’approximativement sept mètres… et si sa cible, avec une arme dans son étui, pouvait réagir à temps.

Moins de deux secondes. C’était le temps moyen qu’il fallait à un attaquant pour courir sur sept mètres, soit la position de Stevens, vers sa cible. Le problème était que l’arme de Baker était déjà dégainée.

Mais pas celle de Stevens.

“Tu la vois ?” Zéro leva la clé USB coincée entre ses deux doigts, gardant bien sa paume invisible pour Baker.

“Lance-la,” demanda Baker. Derrière l’épaule du mercenaire, il vit marcher quelques passants qui discutaient et rigolaient en passant devant l’embouchure de l’étroite ruelle. Parmi eux, un jeune homme jeta un coup d’œil vers eux, mais il ne vit pas le Sig Sauer étant donné que Baker était de dos. Aussi, le jeune homme fronça brièvement les sourcils et continua sa promenade.

Il faut vraiment que je crée une distraction. Mais Zéro ne comptait pas appeler qui que ce soit, car il ne voulait mettre personne en danger.

L’une des mains de Baker quitta le pistoler et il la tendit, paume vers le haut, attendant que Zéro lui lance la clé USB.

Aussi, il s’exécuta. Il recourba son bras en arrière et jeta la clé USB vers Baker dans un mouvement qui la fit s’élever en arc de cercle. En lâchant la clé, il fit glisser le couteau à cran d’arrêt dans sa paume pour le saisir des doigts.

Puis il s’élança comme une flèche, ouvrant le couteau en même temps.

Alors que Baker quittait des yeux sa cible pour regarder la minuscule clé noire voler en arc de cercle dans les airs, Zéro courut depuis sa position… mais pas vers Baker. Il se rua comme un fou vers le type costaud.

Une virgule quatre secondes. Il avait effectué la Percée Tueller un millier de fois, s’étant entraîné pour ce scenario exact, et il s’en rappelait aussi clairement que si ça c’était passé hier. Un pistolet-radar de haute précision sur le terrain d’entraînement de la CIA l’avait chronométré à une moyenne d’une virgule quatre secondes pour atteindre une cible se trouvant approximativement à sept mètres.

La quantité de calculs mathématiques qui lui traversa l’esprit en un instant était impressionnante. Ce savoir avait toujours été là, ancré à la suite d’une somme insensée de gestes répétés et d’études, enfermé dans les tréfonds de son système limbique en attendant l’occasion de surgir à nouveau. La vitesse moyenne de réaction humaine allait d’une demi-seconde à trois-quarts de seconde. Même un professionnel comme Baker avait besoin d’au moins un quart de seconde entre deux tirs sur un pistolet semi-automatique comme le Sig Sauer. Et Zéro était une cible mobile.

Le costaud, Stevens, n’était pas rapide. Il avait à peine libéré son pistolet de son étui, les yeux involontairement écarquillés de surprise à cause de la vitesse à laquelle Zéro fondait sur lui. La lame de son couteau était déjà déployée. Zéro se pencha en avant sur les deux derniers mètres et sauta sur Stevens, enfonçant la pointe de son couteau dans sa gorge d’un mouvement net.

De sa main droite bandée, il prit appui sur la puissante épaule de Stevens et, alors que la lame du couteau ressortait, Zéro se propulsa pour contourner le corps massif du type. Deux coups de feu furent tirés derrière lui, thwip-thwip avec le pistolet équipé du silencieux, et atteignirent Stevens à la poitrine alors que Zéro atterrissait derrière lui. Une horrible douleur vive s’empara de sa main blessée, mais l’adrénaline était là à présent, coulant en lui tandis qu’il laissait tomber le couteau pour récupérer le pistolet de Stevens avant que ce dernier ne s’écroule à terre. Il le lui arracha de son gros poing et, à l’abri derrière son large bouclier humain, tira deux fois sur Baker.

Il était bon tireur de la main gauche, même s’il n’était pas aussi doué qu’avec la droite. L’un des tirs manqua sa cible. Une vitre éclata quelque part, au-delà de la ruelle. Le deuxième tir retentissant (le Beretta de Stevens n’était pas équipé d’un silencieux) s’enfonça dans le front de Baker.

La tête du mercenaire partit en arrière et son corps suivit le mouvement.

Zéro ne demanda pas son reste et ne s’arrêta même pas pour reprendre son souffle. Il se mit à courir de nouveau, récupéra la clé USB au sol, puis partit au pas de course dans la direction opposée pour quitter la ruelle. Il la mit dans sa poche avec le couteau ensanglanté et il emporta aussi le Beretta de Stevens. Il y avait ses empreintes dessus.

Quelque part, retentit une alarme automobile. Les éclats de verre qu’il avait entendus devaient provenir d’une vitre de voiture. Il espéra que personne n’avait été blessé.

La poitrine du mercenaire massif se levait et s’abaissait. Il était encore en vie. Mais Zéro ne pouvait pas se payer le luxe de l’achever ou d’attendre qu’il trépasse. De plus, avec le coup de couteau à la gorge et les deux balles dans la poitrine, il serait mort dans quelques secondes.

Non loin de là, des gens se mirent à crier d’effroi tandis que Zéro sprintait pour atteindre le bout de l’allée, fourrant le flingue dans son pantalon en même temps. Il tourna à l’angle et regarda autour de lui avec un air confus, tentant d’arborer une mine aussi choquée que tous les autres passants.

Alors qu’il se dépêchait de quitter le secteur, il entendit le cri d’une femme qui venait certainement de découvrir les deux corps dans l’étroite ruelle, puis une forte voix masculine cria, “Que quelqu’un appelle le neuf-cent-onze !”

Ils devaient mourir. Il n’y avait pas d’autre solution. Il l’avait su dès l’instant où il avait accidentellement prononcé le nom de Baker et dévoilé ainsi son jeu. Il l’avait su quand il leur avait montré la clé USB récupérée à la banque.

Étrangement, il n’avait aucun remord. Il n’y avait pas de “et si ?” il aurait pu ou pas les dissuader de prendre la clé USB ou leur expliquer son point de vue. C’était eux ou lui et il avait décidé que ce ne serait pas lui. Ils avaient choisi leur camp et c’était le mauvais.

Toute la scène, du lancer de la clé USB jusqu’à sa fuite de la ruelle s’était déroulée en l’espace de quelques secondes. Mais il pouvait visualiser clairement chaque instant comme une vidéo en slow-motion dans son esprit. Le plus étrange avait été quand Baker avait tiré tout près de sa tête et que la balle avait atteint le mur en brique. Zéro ne s’était pas dit que la balle l’avait raté de peu et que Baker aurait bien pu le tuer. Il n’avait pas pensé à ses filles. Au lieu de ça, il avait été parfaitement conscient de la nature dichotomique de son esprit savant face à ses souvenirs redécouverts. Zéro était cool, calme et pensait, peut-être par orgueil, par expérience ou un mix entre les deux, qu’il avait encore le contrôle de la situation.

C’était une sensation bizarre. Et le pire, c’était à quel point c’était effrayant et excitant en même temps. Est-ce vraiment qui je suis ? Reid Lawson était-il un mensonge ? Ou ai-je vécu ma vie pendant deux ans avec seulement les parties les plus faibles de ma psyché ?

Zéro marcha à pas rapides jusqu’à l’immeuble suivant, traversa la rue en direction de la boutique du fleuriste, puis retourna directement à sa voiture. Il vit qu’une foule de voyeurs s’était rassemblée à l’angle de la ruelle, beaucoup choqués ou même en pleurs à la vue des deux corps morts.

Personne ne faisait attention à lui.

Il conduisait tranquillement en respectant les limitations de vitesse et en faisant bien attention de ne pas griller de stop ou de feu. La police était très certainement déjà en route et la CIA saurait dans un moment que des coups de feu avaient été tirés et que deux hommes avaient été abattus à quelques mètres de la banque où s’était rendu Zéro selon le rapport de la Division.

La question était de savoir ce qu’ils allaient faire ensuite. Il n’y avait rien sur la scène du crime qui pouvait réellement le lier à ça. Et la personne qui avait envoyé la Division à ses trousses, Riker présumait-il, ne pourrait pas l’admettre ouvertement. Toutefois, il avait besoin d’une aide, et plus grande que celle qu’il pouvait demander à ses amis agents. Ils étaient certainement surveillés eux aussi. Si la chasse était ouverte sur l’Agent Zéro, alors il allait avoir besoin d’alliés. Et des puissants.

Mais d’abord, il devait mettre ses filles en sécurité.

Dès qu’il se sentit à une distance sûre de la scène macabre dans la ruelle, il s’arrêta à l’arrière d’une station-service. Il balança le pistolet, le couteau et la clé du coffre-fort dans une benne à ordure à l’odeur infame, puis il retourna à la voiture et passa un appel. Il n’y eut que deux sonneries avant que Mitch réponde en marmonnant.

“J’ai besoin d’une extraction tout de suite, Mitch. Il faut qu’on se retrouve quelque part.”

“Meadow Field,” dit immédiatement le mécanicien. “Tu connais ?”

“Oui.” Meadow Field était un aéroport abandonné à environ trente kilomètres au sud. “J’y serai.”

Le Fichier Zéro

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