Читать книгу Le Fichier Zéro - Джек Марс - Страница 14

CHAPITRE HUIT

Оглавление

Moins d’une demi-heure plus tard, Zéro était de retour à la Maison Blanche, rapidement escorté le long du couloir jusqu’au Bureau Ovale. Il tenta de défroisser les plis de sa chemise, même si ça n’avait pas grande importance était donné les circonstances.

Il fut admis dans le sanctuaire privé du président, où il fut surpris de trouver Pierson seul. Zéro se serait attendu à un bouillonnement d’activité, un bataillon d’assistants et de membres du cabinet en train de passer des appels ou tapoter sur des claviers d’ordinateurs portables afin de communiquer avec des dizaines d’agences diverses et de puissances étrangères.

Pourtant, il n’y avait rien de tout ça. Le Président Pierson se leva de son siège quand Zéro entra et on aurait dit qu’il avait vieilli de dix ans depuis le matin. Sa cravate était desserrée autour de son cou et les deux boutons supérieurs de sa chemise blanche étaient défaits.

“Agent Steele.” Pierson tendit la main droite, puis se mit à rire de sa bourde et serra la main gauche de Zéro. “Désolé, j’ai encore oublié pour votre main. Bon sang, quel bazar.”

“Oui, j’ai appris la nouvelle.” Zéro balaya le bureau des yeux. “Je dois admettre que je m’attendais à voir plus de monde ici.”

“Les différents responsables sont actuellement rassemblés en Salle de Crise.” Pierson soupira et s’appuya contre son bureau à deux mains. “Ils m’attendent d’ailleurs. Même si je suis ravi que vous soyez là, Zéro, j’ai bien peur que notre discussion doive être reportée.”

“Monsieur le Président,” insista Zéro, “j’ai des informations.” Les doigts de sa main gauche frôlèrent sa poche, dans laquelle se trouvait la clé USB. “Avant de rejoindre vos ministres, il faut vraiment que vous…”

“Monsieur.” La porte du Bureau Ovale s’entrouvrit et le visage d’Emilia Sanders apparut. Son regard passa du président à Zéro et inversement. “On vous attend.”

“Merci, Emilia.” Pierson resserra sa cravate sur sa gorge et fit courir ses paumes le long de sa chemise. “Je suis désolé, Zéro, mais mon attention est requise ailleurs.”

“Monsieur.” Il avança d’un pas et baissa d’un ton, chuchotant presque. Il devait balancer un scud : il ne pouvait en aucun cas laisser entrer Pierson dans la Salle de Crise sans qu’il soit informé. “J’ai de très bonnes raisons de croire que vous ne pouvez pas faire confiance aux personnes qui vous conseillent.”

Le président fronça les sourcils. “Quelles raisons ? Que savez-vous ?”

“J’ai…” Zéro allait parler, mais il jeta un coup d’œil par-dessus son épaule et vit un agent des Services Secrets debout dans l’encadrement de la porte du Bureau Ovale, attendant d’escorter le président jusqu’à la Salle de Crise. “Je ne peux pas vous l‘expliquer tout de suite. Tout ce dont j’ai besoin, c’est de cinq minutes. Seuls.”

Pierson se frotta le menton. Il avait l’air las. “Venez avec moi.”

“Monsieur ?”

“Assistez à la réunion. Ensuite, je vous accorderai vos cinq minutes.” Pierson se dirigea vers la porte et Zéro le suivit. C’était tout ce qu’il pouvait faire. Il ne parviendrait pas à dissuader le président d’assister à une réunion au sujet d’une crise relative à la sécurité nationale. Et si ça lui permettait d’obtenir cinq minutes, seul à seul avec Pierson, alors il le suivrait dans la cage aux lions.

*

La Salle de Conférence John F. Kennedy, située dans le sous-sol de l’aile ouest et connue de la plupart sous le nom de Salle de Crise, était le centre de gestion des renseignements de la Maison Blanche, un dispositif de communications de plus de trois-cents mètres carrés permettant à certains des hommes les plus puissants au monde de maintenir la sécurité à partir d’un seul endroit.

Et Zéro venait apparemment de gagner le droit de s’asseoir à la table.

Le Président Pierson entra dans la pièce à la suite des deux membres des Services Secrets qui se placèrent immédiatement de chaque côté des doubles portes permettant d’y accéder. Zéro ferma la marche. C’était maintenant que se produisait le bouillonnement d’activité auquel il s’était attendu à son arrivée. Il y avait là quatorze personnes à la longue table rectangulaire qui occupait la longueur de la pièce, et chacune d’entre elles se leva à l’arrivée du président.

Zéro balaya rapidement la pièce des yeux en regardant tous les visages. Il les reconnut presque tous : le Conseiller de la Sécurité Nationale était présent, le Conseiller de la Sécurité Intérieure, ainsi que le Secrétaire Général de la Maison Blanche, le Secrétaire de la Défense Quentin Rigby, le DRN John Hillis, et l’Attachée de Presse Christine Cleary, entre autres. Il ne put s’empêcher de constater amèrement qu’à part lui, Pierson et Cleary, tous les autres dans la pièce étaient des hommes de plus de cinquante-cinq ans.

Il fut légèrement soulagé de voir que la CIA n’était pas représentée dans la salle. Il s’était dit que, peut-être, le Directeur Mullen ou même la Directrice Adjointe Riker seraient présents. Mais c’était une affaire de chefs d’état et la CIA était représentée par le DRN Hillis qui serait celui en mesure de relayer les informations à Mullen.

“Asseyez-vous, s’il vous plaît.” Pierson s’assit dans un fauteuil noir en bout de table, celui qui était le plus près des portes. Il fit un geste pour désigner le siège vide à sa droite et Zéro s’y installa.

Plusieurs paires d’yeux le dévisagèrent en train de s’asseoir, mais seul le Secrétaire de la Défense ouvrit la bouche. Le Général quatre étoiles à la retraite Quentin Rigby avait le cou et les épaules raides. Il arborait de profondes rides sur le visage qui suggéraient qu’il avait vu les pires aspects de l’humanité. Sa perspicacité ne l’empêchait pas de dire ce qu’il pensait.

“Monsieur le Président.” Rigby resta debout en s’adressant à Pierson. “Je ne crois pas devoir vous rappeler que ce dont nous allons discuter est hautement confidentiel…”

“C’est noté, Général Rigby, je vous remercie.” Pierson coupa le général d’un geste de la main. “L’Agent Steele intervient ici comme conseiller en ce qui concerne la sécurité. Il est validé par la CIA et a prouvé sa capacité de discrétion à maintes reprises, sans parler du fait que c’est le seul dans cette pièce qui ait une expérience récente du type de situation que nous avons à gérer.”

“Quand bien même,” insista Rigby, “c’est très peu orthodoxe, Monsieur.”

“Je ne crois pas avoir besoin de vous rappeler, Général, que je suis la seule personne ayant un pouvoir de décision sur qui se trouve dans cette pièce.” Pierson regarda Rigby de haut.

Zéro faillit sourire. Il n’avait jamais entendu Pierson parler ainsi à qui que ce soit. Généralement, son approche était la diplomatie et le charme. D’un côté, Zéro voyait bien que le président était chamboulé par les événements. D’un autre côté, c’était rassurant de le voir afficher une telle force de caractère dans ces circonstances.

Rigby acquiesça et prit place. “Oui, Monsieur.”

“Monsieur Holmes.” Le Président Pierson fit un signe de tête à l’attention de son Secrétaire Général, un petit homme chauve à grosses lunettes. “Allez-y, je vous en prie.”

“Très bien, Monsieur.” Peter Holmes se leva et se râcla la gorge. “À environ dix-sept heures, heure locale, un cuirassé iranien a tiré deux roquettes sur le destroyer USS Constitution durant une patrouille de routine dans le Golfe Persique. À cause du récent changement dans les RDE dont nous sommes tous au courant ici, je suppose, le Constitution a été autorisé à…”

“Excusez-moi.” Zéro leva la main comme s’il était en classe, coupant la parole au Secrétaire Général. “Quel changement des RDE ?”

“Les règles d’engagement, Agent,” dit Holmes.

“Je connais l’acronyme,” répondit rapidement Zéro. “Qu’est-ce qui a changé ?”

“Au regard de l’attaque récente sur le sol américain,” intervint Rigby, “le président a signé ce matin l’ordre exécutif qui dicte que toute force étrangère tirant à une certaine proximité du personnel militaire américain doit être considérée comme hostile et traitée avec un préjudice extrême.”

Zéro fit en sorte de ne montrer aucune réaction, mais son esprit ruminait. Quelle coïncidence, songea-t-il. “Et quelle est exactement cette proximité, Général ?”

“Nous ne sommes pas ici pour pinailler sur les détails d’un ordre exécutif,” rétorqua Rigby. “Nous sommes ici pour discuter d’une situation extrêmement pressante et volatile.”

Rigby éludait la question. “Quelle était la trajectoire des roquettes ?” demanda Zéro.

“Pardon ?” Holmes rajusta sa paire de lunettes sur son nez.

“La trajectoire,” répéta Zéro. “L’angle ascendant, descendant, le type de roquette, la proximité, bref tout ça. Quelle menace représentait exactement ce bateau pour le Constitution ?”

“Une menace suffisante pour qu’un capitaine de l’US Navy juge pertinent de répliquer,” dit Rigby avec véhémence. “Est-ce que vous remettez en question le jugement du capitaine, Agent Steele ?”

Je remets en question ses motivations, faillit-il dire. Mais il tint sa langue. Il ne pouvait pas se permettre de montrer son jeu comme il l’avait déjà fait par deux fois. “Pas du tout. Je voulais juste faire remarquer qu’il existe trois versions de cette histoire. Celle du capitaine, celle des iraniens et la vérité. Qu’en est-il des caméras ?”

“Caméras,” répéta bêtement Rigby. Il esquissa un sourire condescendant. “Vous vous y connaissez en bateaux de type destroyers, Agent ?”

“Je ne peux pas dire que j’ai beaucoup d’expérience.” Cette fois, ce fut Zéro qui esquissa un sourire à sa façon. “Tout ce que je sais, c’est que l’USS Constitution est un destroyer Arleigh-Burke construit en 1988 et commissionné pour la première fois en 1991. C’est la seule classe de destroyers américains qui a été utilisée de 2005 à 2016, jusqu’à ce que la classe Zumwalt soit commissionnée. Le Constitution est équipé d’un système intégré d’armes Aegis, de roquettes anti-sous-marines, d’un système de radars à balayage électroniquement passif et de missiles Tomahawk… et je suppose que ces derniers ont été utilisés pour détruire le navire iranien et emporter la vie de soixante-seize personnes. En tenant compte du fait que c’est l’une des machines les plus avancées technologiquement sur tout l’océan et qui transporte une puissante de feu assez importante pour conquérir un certain nombre de républiques bananières, je suppose que des caméras sont forcément présentes dessus.”

Rigby le regarda pendant un long moment. “Aucune caméra n’a pu filmer l’angle de l’attaque,” finit-il par dire. “Mais vous pouvez lire le rapport du capitaine, si vous le souhaitez.” Le général fit glisser un dossier vers Zéro.

Il l’ouvrit. La première était un rapport très bref de seulement quelques paragraphes, émanant du Capitaine Warren. Les détails étaient rares. Warren déclarait simplement qu’un navire CGRI avait tiré deux roquettes sur le Constitution. Aucune n’avait atteint sa cible, mais la tentative avait été jugée comme une menace suffisante pour que Warren décide de riposter avec huit missiles Tomahawk, comme l’avait prédit Zéro. Le bateau ennemi avait été anéanti.

Non seulement c’était exagéré, mais c’était la seule partie du rapport en laquelle Zéro croyait. Tout le reste pouvait avoir été facilement falsifié. Le Golfe Persique, tout comme le Capitaine Warren, se trouvaient à plus de mille kilomètres, loin de quiconque pouvait véritablement remettre ses dires en question.

“Le fait est,” dit Rigby, “que l’Iran considère publiquement qu’il s’agit d’un acte de guerre. Ils disent que nous avons tiré en premier. Nous affirmons l’inverse. Il n’y a pas eu de déclaration de guerre formelle de leur part, mais les américains vont s’attendre à une réponse définitive. Nous ne pourrons pas supporter une autre attaque…”

“Une autre attaque ?” le coupa à nouveau Zéro.

Rigby cligna des yeux en le regardant. “N’étiez-vous pas dans le Tunnel Midtown au moment de l’explosion, Agent ? Quand des centaines d’américains ont trouvé la mort ?”

Zéro secoua la tête. “C’était l’œuvre d’une faction terroriste radicale composée de même pas vingt membres. Pas d’une nation ou région tout entière.”

“Allez dire ça au peuple américain,” rétorqua Rigby.

Zéro ne répondit rien, mais il sut à ce moment-là que ses suppositions étaient les bonnes. Les conspirateurs voulaient se servir de la récente attaque comme moyen de rallier les gens en faveur de la guerre.

“Très bien,” coupa Pierson en levant la main. “Revenons-en aux faits. Roland, quels types de réponses globales envisageons-nous ?”

Le Secrétaire d’État, Roland Kemmerer, relisait rapidement ses notes en parlant. “Les mauvaises nouvelles en premier, je suppose. Nos renseignements et la reconnaissance par satellite suggèrent que l’Iran est déjà à la recherche d’alliés en Irak et à Oman, ainsi qu’auprès de quelques groupes nationalistes syriens. S’ils s’allient tous, ils auront la possibilité de fermer le Détroit d’Hormuz.”

Il y eut un moment de silence solennel pour permettre de digérer cette information, puis Rigby poursuivit, “Vous savez à quel point ce pourrait être préjudiciable, Monsieur le Président.”

“Non seulement la Cinquième Flotte perdrait un avantage stratégique,” ajouta Holmes, “mais nous pourrions être confrontés à un ralentissement économique majeur.”

“Une récession, tout du moins. Peut-être même pire.” Kemmerer secoua la tête.

Zéro se mordit la langue pour s’empêcher de réagir. Fils de pute. Tout était aussi bien répété qu’une pièce de théâtre. Ils avaient attendu des années ce moment exact. Il n’aurait jamais pu imaginer qu’il serait présent, pourtant il était là, assis dans la Salle de Crise, alors que ces fomentateurs de guerre tentaient d’influencer un président.

Le Fichier Zéro

Подняться наверх