Читать книгу Le Fichier Zéro - Джек Марс - Страница 13

CHAPITRE SEPT

Оглавление

Zéro gara la voiture devant l’aéroport abandonné de Meadow Field. Il avait fait un léger détour en se contentant de n’emprunter que des routes secondaires et en évitant les autoroutes de peur que la CIA puisse repérer sa voiture… qu’ils recherchaient certainement.

Meadow Field ne possédait qu’une seule piste, le bâtiment et le hangar ayant depuis longtemps été détruits, puisque l’aéroport était inutilisé depuis quinze ans. Des touffes d’l’herbe et des fleurs surgissaient des fissures sur le tarmac et la pelouse non tondue de chaque côté de la piste grandissait dans l’indifférence la plus totale.

Mais malgré l’apparence des lieux, se trouver là était un soulagement bienvenu pour Zéro. À environ trente mètres, se trouvait un vieux pick-up dont des lettres au pochoirs peintes sur le côté disaient “Third Street Garage.” Le mécanicien bourru était appuyé contre la portière du côté conducteur, sa casquette vissée sur ses sourcils.

Alors que Zéro se précipitait vers le pick-up, ses filles sortirent de la cabine et coururent vers lui. Il prit chacune d’elle sous un bras et les serra fort, ignorant la douleur dans sa main brisée.

“Est-ce que ça va ?” demanda-t-il.

“Il y a eu un peu de grabuge,” admit Maya en le serrant plus fort. “Mais nous avons eu du renfort.”

Zéro acquiesça et relâcha son étreinte, mais il resta à genoux pour pouvoir regarder Sara pile dans les yeux. “Très bien, écoutez-moi. Je vais être franc avec vous.” Il avait réfléchi à ça durant tout le trajet, à ce qu’il allait leur dire, et il avait décidé de tout leur avouer. Leurs vies étaient déjà en danger de toute façon, et elles méritaient de savoir pourquoi. “Il y a des gens très puissants qui veulent déclarer une guerre. Ils ont prévu ça depuis longtemps et c’est seulement dans leur propre intérêt personnel. Si on les laisse faire ça, alors des milliers d’innocents vont mourir. Je vais aller en parler directement au président afin de l’alerter sur ce qui se passe, mais je ne peux pas être sûr qu’il croira les bonnes personnes. Ça pourrait très bien déboucher sur une nouvelle guerre mondiale.”

“Et tu ne peux pas laisser ça se produire,” dit Sara d’une petite voix.

Maya acquiesça solennellement.

“Tout à fait. Et…” Zéro poussa un gros soupir. “Et ça veut dire que les choses vont probablement être compliquées un petit moment. Ils savent que vous êtes toutes les deux le moyen le plus facile de m’atteindre, donc vous devez disparaître et vous cacher jusqu’à ce que tout ça soit fini. Je ne sais pas quand ce sera le cas. Je ne sais pas…” Il s’interrompit à nouveau. Il voulait leur dire, Je ne sais pas si je survivrai à tout ça, mais les mots n’arrivaient pas à sortir.

Il n’eut pas besoin d’en dire plus. Elles avaient déjà compris. Des larmes embuèrent les yeux de Maya et elle détourna le regard. Sara le serra fort à nouveau et il fit de même.

“Vous allez devoir partir avec Mitch et vous devrez faire tout ce qu’il vous demande, ok ?” Zéro avait des trémolos dans sa propre voix. Il était vraiment conscient, maintenant plus que jamais, que c’était peut-être la dernière fois qu’il voyait ses filles. “Vous serez en sécurité avec lui. Et prenez soin l’une de l’autre.”

“Promis,” murmura Sara dans son oreille.

“Bien. À présent, restez là une minute pendant que je vais parler à Mitch. Je reviens.” Il lâcha Sara et se dirigea vers le pick-up où le mécanicien attendait, immobile.

“Merci,” lui dit Zéro. “Tu n’étais pas obligé de faire tout ça et j’apprécie vraiment ton geste. Quand tout ça sera terminé, je te revaudrai ça au centuple.”

“Pas la peine,” marmonna le mécanicien. Sa casquette de camionneur était toujours enfoncée, cachant ses yeux, tandis que son épaisse barbe camouflait le reste de son visage.

“Où est-ce que tu les emmène ?”

“Il y a une vieille maison de protection des témoins au fin fond du Nebraska,” dit Mitch. “Une petite cabane juste en dehors d’une petite ville, quasiment au milieu de rien. Elle n’a pas été utilisée depuis des années, mais elle figure toujours sur la liste du gouvernement. Je les emmène là-bas. Elles seront en sécurité.”

“Merci,” dit Zéro à nouveau. Il ne savait pas ce qu’il pouvait dire d’autre. Il n’était même pas sûr de savoir pouvoir il faisait aussi facilement confiance à ce type en lui laissant les deux personnes qui comptaient le plus dans sa vie. C’était une sensation… un instinct qui dépassait toute logique. Mais il avait appris depuis longtemps, et réappris seulement quelques heures auparavant, à faire confiance à ses instincts.

“Alors,” marmonna Mitch. “C’est finalement en train d’arriver, pas vrai ?”

Zéro cligna des yeux, surpris. “Oui,” dit-il avec méfiance. “Tu es au courant de tout ça ?”

“Oui.”

Il cria presque : “Qui es-tu en réalité ?”

“Un ami.” Mitch vérifia l’heure à sa montre. “Un hélico sera là à tout moment. Il nous déposera sur une piste privée où nous prendrons un avion pour aller à l’ouest.”

Zéro laissa tomber. Il semblait qu’il ne tirerait aucune réponse plus précise de ce mystérieux mécanicien. “Merci,” murmura-t-il une fois de plus. Puis, il tourna les talons pour aller dire au revoir à ses filles.

“Tu es de retour,” dit le mécanicien dans son dos. “N’est-ce pas ?”

Zéro se retourna. “Ouais, je suis de retour.”

“Depuis quand ?”

Il se mit à rire. “Aujourd’hui, tu te rends compte ? C’est un après-midi très étrange, je dois dire.”

“Eh bien,” dit Mitch. “Je ne voudrais pas te décevoir.”

Zéro se figea. Un frisson lui parcourut le dos. La voix de Mitch venait soudain de changer et n’avait plus rien avoir avec les marmonnements d’il y a quelques secondes à peine. Elle était douce, calme et tellement familière que Zéro oublia la Division, sa situation et même ses filles pendant un moment.

Mitch passa la main sous la visière de sa casquette et se frotta les yeux. Du moins, on aurait dit que c’était ce qu’il était en train de faire. Mais quand il baissa à nouveau la main, il y avait deux minuscules disques concaves sur ses doigts, d’un bleu cristallin.

Lentilles. Il portait des lentilles de couleur.

Ensuite, Mitch retira sa casquette, lissa ses cheveux et leva les yeux vers Zéro. Ses yeux bruns semblaient désemparés, presque honteux, et Zéro comprit exactement pourquoi en un instant.

“Bon sang.” Sa voix sortit en un murmure rauque alors qu’il regardait ses yeux.

Il les connaissait. Il aurait reconnu ces yeux n’importe où. Mais c’était impossible. “Mon dieu. Tu… tu étais mort.”

“Tout comme toi pendant deux ans,” dit le mécanicien de sa voix douce, presque chantante.

“J’ai vu ton corps,” parvint à articuler Zéro. Ça ne peut pas être vrai.

“Tu as vu un corps qui ressemblait au mien.” L’homme haussa les épaules. “Ne crois pas une seule seconde que je n’ai jamais été aussi intelligent que toi, Zéro.”

“C’est dingue.” Zéro le détailla de la tête aux pieds. Il avait pris une douzaine de kilos, peut-être même plus. Il avait laissé pousser sa barbe, portait une casquette et des lentilles de couleur. Il avait changé sa voix.

Mais c’était lui. Il était vivant.

“Je n’arrive pas à y croire.” Il fit deux pas en avant et serra Alan dans ses bras.

Son meilleur ami, celui qui avait été son coéquipier sur tant d’opérations, celui qui l’avait aidé à faire installer le suppresseur de mémoire au lieu de le tuer sur le Pont Hohenzollern, celui que Zéro croyait avoir trouvé mort, poignardé dans un appartement de Zurich… il était là. Il était vivant.

Il repensa à sa découverte à Zurich. Le visage du mort était bouffi, enflé et son esprit avait immédiatement lié le macchabée à Reidigger. Ton esprit comble les trous, lui avait une fois dit Maria.

Reidigger avait maquillé sa propre mort, tout comme il avait aidé Kent Steele à simuler la sienne. Et il avait vécu sous l’apparence d’un mécanicien très connecté à seulement vingt minutes de distance.

“Durant tout ce temps ?” demanda Zéro. Sa voix était haletante et sa vision légèrement embrumée, alors que ses émotions remontaient à la surface. “Tu as gardé un œil sur nous ?”

“Autant que possible, et Watson m’a aidé.”

C’est vrai. Watson est au courant. C’était John Watson qui avait présenté Reid Lawson à Mitch le mécanicien… mais il ne l’avait fait que lorsque les filles de Reid avaient été enlevées, que les enjeux étaient trop grands et que la CIA n’était pas d’un grand secours.

“Est-ce que quelqu’un d’autre est au courant ?” demanda Zéro.

Alan secoua la tête. “Non. Et il ne faut pas. Si l’agence l’apprend, je suis un homme mort.”

“Tu aurais pu me le dire plus tôt.”

“Non, impossible.” Alan sourit. “Sans tes souvenirs intacts, est-ce que tu m’aurais reconnu ? Est-ce que tu m’aurais cru si je t’avais simplement dit ça ?”

Zéro devait bien admettre qu’il marquait un point.

“C’est l’œuvre du Dr. Guyer ? Tu es allé le voir ?”

“Oui,” dit Zéro. “Ça n’a pas marché sur le coup. C’est arrivé plus tard, déclenché par des mots. Et maintenant…” Il secoua la tête. “Maintenant, je sais. Je me souviens. Et je dois arrêter ça, Alan.”

“Je le sais bien. Et tu sais qu’il n’y a rien que je souhaiterais plus que d’être à tes côtés pour le faire.”

“Mais tu ne peux pas.” Zéro le comprenait totalement. De plus, Alan avait une tâche qui était tout aussi importante aux yeux de Zéro que d’empêcher la guerre. “J’ai besoin que tu les garde en sécurité.”

“Je le ferai. Je te le promets.” Les yeux d’Alan s’éclairèrent soudain. “Ça me fait penser que j’ai quelque chose pour toi.” Il passa le bras par la vitre ouverte du pick-up et en sortit un pistolet Sig Sauer. “Tiens. Avec les compliments du mercenaire de la Division qui a attaqué ta maison.”

Zéro prit le pistolet avec incrédulité. “La Division était chez moi ? Qu’est-ce qui s’est passé ?”

“Rien d’insurmontable. Ces deux-là sont bien tes filles.” Alan esquissa un sourire, mais il s’estompa rapidement. “Tu as aussi besoin d’aide, tu sais. Appelle Watson ou ton nouveau copain, le Ranger.”

“Non,” dit fermement Zéro. Il refusait de compromettre Watson ou Strickland plus qu’il ne l’avait déjà fait. “Il vaut mieux que je gère ça tout seul.”

Alan soupira. “Toujours aussi têtu.” À distance, le bruit des rotors d’un hélicoptère se rapprocha. “Voilà notre taxi. Prend soin de toi, Zéro.”

“Je te le promets.” Il étreignit une nouvelle fois Reidigger. “Merci pour tout ce que tu fais. Quant tout ça sera terminé, on se posera toi et moi pour avoir une longue conversation autour de quelques bières.”

“Ça marche,” acquiesça Reidigger. Mais il y avait une pointe de mélancolie dans sa voix qui suggérait qu’il pensait la même chose que Zéro en ce moment, à savoir que l’un d’entre eux, voire même les deux, pourrait ne pas survivre à cette affaire. “En attendant… ne leur fait pas confiance.”

Il fronça les sourcils. “De qui tu parles ?”

“De tout le monde à l’agence,” dit Alan. “Ils étaient déjà prêts à te tuer avant et ils étaient ravis que ce soit moi qui me propose d’appuyer sur la détente. Ils ne feront pas la même erreur deux fois. Cette fois, ils enverront quelqu’un qui ne perdra pas une minute avant de te tirer une balle dans le dos.”

“Je sais.” Zéro secoua la tête. “Je voulais au moins entrer en contact avec Cartwright. Je ne pense pas qu’il soit dans le coup…”

“Bon dieu, qu’est-ce que je viens de te dire ? Personne, tu m’entends ?” Alan le regarda dans les yeux. “Surtout pas Cartwright. Zéro… il y a deux ans, c’est Cartwright qui m’a envoyé avec Morris pour te tuer sur le pont.”

“Quoi ?” Un frisson parcourut le dos de Zéro.

“Oui. Il n’a pas envoyé la Division. Il n’a envoyé aucun tueur à gage. L’ordre de t’assassiner est venu de plus haut et Cartwright ne l’a pas contesté. Il nous a envoyés.”

Une vague de fureur mit le feu à sa poitrine. Shawn Cartwright avait prétendu être un ami, un allié et avait même prévenu Zéro qu’il ne devait pas faire confiance aux autres, notamment Riker.

Le martèlement des rotors de l’hélicoptère vrombit au-dessus de leur tête, tandis qu’il descendait sur Meadow Field. Alan se pencha et lui dit à l’oreille, “Au revoir, Zéro.” Il mit une tape sur l’épaule de son ami et s’éloigna pour aller à la rencontre de l’hélicoptère en train de se poser dans les hautes herbes.

Zéro se hâta de rejoindre ses filles et les serra fort, toutes les deux, une fois de plus. “Je vous aime toutes les deux,” leur dit-il à l’oreille. “Soyez sages et prenez soin l’une de l’autre.”

“Je t’aime aussi,” répondit Sara en le serrant fort.

“D’accord,” promit Maya en s’essuyant les yeux.

“Allez-y maintenant.” Il les laissa partir et elles se dirigèrent en vitesse vers l’hélicoptère noir. Elles se retournèrent toutes les deux une dernière fois avant de monter à bord avec l’aide d’Alan. Puis, la porte se referma et l’hélicoptère redécolla. Zéro resta planté là un long moment, le regardant devenir de plus en plus petit dans le ciel. Sa tête tournait encore d’avoir appris qu’Alan Reidigger était toujours en vie, mais savoir que ses filles étaient entre les mains d’Alan lui donnait de l’espoir… et encore plus de détermination pour survivre à cette épreuve.

Finalement, il détourna le regard de ce qui n’était plus qu’un point à l’horizon et il retourna à la voiture. Pendant un court moment, il resta assis au volant à se demander si c’était la dernière fois qu’il voyait ses filles. Le bruit du sang qui battait à ses oreilles était impressionnant.

Il tendit la main et alluma la radio afin de couvrir ce son. La voix d’un journaliste emplit immédiatement l’habitacle.

“Notre principale information du jour, c’est toujours la crise qui se déroule dans le Golfe Persique,” disait sombrement le présentateur. “Il y a quelques heures seulement, un cuirassé iranien a tiré des roquettes sur l’USS Constitution, un destroyer américain en patrouille avec la Cinquième Flotte de la Navy. En réponse, le Constitution a également ouvert le feu et détruit le bateau iranien, emportant la vie des soixante-seize membres d’équipage qui se trouvaient à l’intérieur.”

Ils vont vite en besogne. L’estomac de Zéro se noua. Il ne s’était pas attendu à ce qu’ils agissent si vite. Ça veut donc dire que je dois être plus rapide, moi aussi.

“Le gouvernement iranien a déjà fait une déclaration publique,” poursuivit le journaliste, “dans laquelle il a exprimé son outrage à la suite de la destruction de leur bateau et proclamé que, je cite ‘cet événement est un acte de guerre clair et flagrant.’ Même s’il n’y avait pas eu de déclaration formelle, il semblait que l’Iran avait l’intention de déclencher un nouveau conflit avec les USA. L’Attachée de Presse de la Maison Blanche Christine Cleary avait sorti un bref communiqué en réponse, disant seulement que le Président Pierson était pleinement conscient de la situation et que son cabinet travaillait rapidement pour réunir les responsables conjoints. Il devait s’adresser à la nation dans la soirée.”

Alors, c’était donc ça l’idée. L’attaque de la Confrérie sur le sol américain devait pousser les gens à la xénophobie contre les iraniens et la prétendue “attaque” sur l’USS Constitution était une suite pile au bon moment pour inciter à la guerre. Le président allait rencontrer ses conseillers et ils allaient le convaincre qu’un conflit renouvelé au Moyen Orient était leur seule option possible.

À moins, pensa-t-il soudain, qu’il ait un nouveau conseiller.

Il sortit une carte de visite de sa poche et composa le numéro inscrit dessus.

“Sanders,” répondit l’assistante qui lui avait parlé sur la pelouse de la Maison Blanche.

“C’est l’Agent Kent Steele à l’appareil,” lui dit-il. “Nous nous sommes parlé ce matin…”

“Je m’en souviens,” dit-elle abruptement. Il y avait une tension dans sa voix, certainement due aux récents événements. “Que puis-je faire pour vous, Agent ?”

“Je dois parler au Président Pierson.”

“J’ai bien peur qu’il ne soit en réunion,” dit Sanders. “Je suis sûre que vous êtes au courant de ce qui se passe…”

“En effet.” Cette fois, Zéro lui coupa la parole. “Et c’est justement la raison de mon appel. C’est une question de sécurité nationale, Mademoiselle Sanders. Donc, soit vous pouvez m’arranger une entrevue avec le Président Pierson, soit vous aurez à lui expliquer plus tard que vous vous êtres interposée entre lui et tout ce qui est sur le point de se produire.”

Le Fichier Zéro

Подняться наверх