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Le Théâtre primitif.

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Les Ménestrels. — Origine du Théâtre. — Les Entremets. — Les Tragédies latines. — Le Public privilégié. — Les Confrères de la Passion. — Les Mystères. — Proclamation publique. — La Mise en scène. — Les Animaux parlants. — La Représentation. — Le Public. — Le Théâtre. Intermèdes. — Les Moralités. — Un Scénario primitif. — Une Sottie. — Les Bazochiens. — La Farce du Badin qui a fait le coup. — L’origine de la censure — Imploration de Clément Marot.

Les ménestrels Jehan Bodel, d’Arras, Adam, de la Halle et Rutebœuf, contemporains de saint Louis, sont les auteurs les plus connus de petites pièces où l’on trouve déjà tous les éléments du théâtre et dont quelques-unes sont parvenues jusqu’à nous; telles: une pastorale pleine de grâce et de fraîcheur: Robin et Marion; une farce: le Jeu du Pèlerin; deux drames à spectacle: le Miracle de Théophile et le Jeu de Saint-Nicolas; enfin, deux pièces morales: le Mariage ou le Jeu d’Adam et la Dispute du Croisé et du Décroisé.

Avant la représentation, l’un des acteurs racontait la pièce. Ainsi, le Jeu de Saint-Nicolas est précédé d’un prologue conçu en ces termes:

«Seigneurs et dames, écoutez-nous: Nous voulons vous entretenir aujourd’hui de Saint-Nicolas, le confesseur, qui a fait tant de beaux miracles qui sont vrais...»

L’analyse de l’ouvrage suivait. Puis l’acteur terminait ainsi:

«... Voilà, nobles seigneurs, le beau miracle qu’on lit dans la vie du saint dont, demain, se célèbre la fête; nous allons vous la représenter; tel est le sujet de notre jeu.

«Faites silence!

«Nous commençons.»

Dans le même temps, la mode fut aux Entremets, sorte de pantomimes ou actions théâtrales à machines, qui étaient le complément obligé des représentations organisées par les trouvères.

En 1237, aux noces de Robert, frère de saint Louis, on vit, pendant le repas, des ménétriers montés sur des bœufs caparaçonnés d’écarlate et un homme à cheval marcher sur une corde tendue. Mais ce n’était là que l’enfance de l’art: Pendant un festin dans la grande salle du Palais de justice, auquel assistèrent le roi Charles V et son oncle l’empereur Charles IV, on représenta un Entremet qui avait pour sujet la conquête de Jérusalem par Godefroy de Bouillon. On y voyait «un vaisseau peint de mille couleurs, ayant châtel devant et derrière, garni de tous ses agrès, lequel, au moyen de machines mises en jeu par des hommes placés dans son intérieur, partit du côté droit de la salle et vint à gauche, où était figurée Jérusalem avec ses tours, son temple et ses murailles couvertes de Sarrazins; les chrétiens abordèrent, donnèrent l’assaut, et, après un combat, plantèrent leur bannière sur la plus haute tour».

Aux noces de Charles le Téméraire et de Marguerite d’York, on représenta les travaux d’Hercule: une baleine de soixante pieds de longueur et d’une hauteur proportionnée fut ensuite amenée au milieu de la salle par deux géants; de son gosier sortirent deux sirènes et douze chevaliers, qui dansèrent au son d’une musique guerrière exécutée dans le ventre du monstre. Après le divertissement, la baleine engloutit de nouveau toute la troupe; puis elle s’en alla comme elle était venue.

A citer encore les Entremets qui accompagnèrent le festin offert à Marie d’Angleterre, femme de Louis XII, lors de son entrée à Paris. On y vit un phénix «qui se battait de ses ailes et allumait le feu pour s’y brûler», puis un Saint-Georges à cheval «qui conduisait une pucelle»; les quatre fils Aymon venaient ensuite, sur un grand cheval. Enfin, il y eut un coq et un lièvre en une broche, qui joutaient l’un contre l’autre.

Faut-il parler de la mode très suivie qui fut aux tragédies latines, vers le milieu du XIIe siècle? Ah! quelles tragédies! Et quel latin! Dans l’une d’elles, Virgile, associé aux prophètes, vient avec eux à l’adoration du Messie, et chante un long benedicamus rimé, par lequel finit la pièce.

Mais toutes ces productions n’avaient en elles que l’embryon du théâtre, quelque chose comme la comédie de paravent, à la portée de quelques délicats. On se figure ces représentations, dans les vieilles salles de pierre fouillée, avec des vitraux aux fenêtres, tamisant la lumière, bleue, rouge et jaune, de ce jaune qu’on n’a point retrouvé, sur une foule parée de velours et de tissus éclatants; «les galants, dessinant leurs formes dans leurs jaquettes de Bohême, avec des chausses collantes et des manches flottantes jusqu’à terre» ; les femmes, mises au goût de la reyne de Bavière, femme du roy Charles sizième, à qui l’on donnait «le los d’avoir apporté en France les pompes et les gorgiasités pour bien habiller superbement et gorgiasement les dames».

Le théâtre, ce délassement si français, n’existait-il donc point en ce temps-là, dans les classes populaire?

Eh! si, vraiment: Dans les Mystères!

Qu’était-ce qu’un Mystère?

L’origine en remonte aux pèlerins.

Ces-pieux vagabonds ne se réunissaient nulle part en plus grand nombre qu’à Saint-Maur-des-Fossés, près Vincennes, alors lieu favori des excursionistes parisiens. On sait que ces pèlerins vivaient exclusivement d’aumônes, et qu’ils étaient dans l’usage de solliciter la bienveillance publique en psalmodiant de longs cantiques sur la vie et la mort du Christ, le martyre et les miracles des saints. Un jour, ils eurent l’idée de profiter de leur réunion pour accomplir en corps ce qu’ils exécutaient isolément, et transformèrent en action dialoguée leurs interminables monodies.

Ainsi naquirent les Mystères, qu’on représenta, d’abord, dans les cathédrales, puis, sur les parvis, et enfin, sur les places publiques.

Le premier mystère qui nous soit parvenu est du XI° siècle. Il a pour auteurs lesdits pèlerins, qui fondèrent la confrérie de la Passion, à laquelle on accorda le monopole de ce genre de spectacle.

Le répertoire habituel des confrères comprenait principalement: le mystère de Saint-Martin, le mystère de Saint-Crépin, le mystère de Sainte-Barbe, le mystère des Saints-Apôtres, et surtout la grande Trilogie de la Passion, qui ne renfermait pas moins de 67,000 vers et passait en revue tout le Nouveau-Testament et une partie de l’Ancien.

Or, ce n’était point une petite aventure que la représentation d’un mystère. On le préparait de longue date; dès longtemps avant, on en parlait, à la veillée, sous le manteau de la grande cheminée, et sa proclamation, fiévreusement attendue, donnait lieu à un véritable cérémonial. On en a la preuve dans ce fragment extrait du cry et proclamation publiques, pour jouer le mystère des Actes des Apôtres, en la ville de Paris, le seizième jour de décembre, Van 1540, par le commandement du roy nostre sire, François Ier de ce nom, et monsieur le prévost de Paris.

Dans le cortège qui fit l’annonce par la ville, on remarquait six trompettes royaux, le trompette de la ville, le crieur juré, nombre de sergents et archers du prévôt de Paris, plus encore d’officiers, de sergents de ville, deux hommes commis pour faire la proclamation, les deux directeurs du mystère, rhétoriciens, l’un ecclésiastique et l’autre laïque, les quatre entrepreneurs du mystère, quatre commissaires au Châtelet, et un nombre infini de marchands et de bourgeois, tout ce monde à cheval.

A chaque carrefour on s’arrêtait, et le boniment commençait:

Venez, cité, ville, université,

Tout est cité, venez, gens héroïques,

Graves censeurs, magistrats, politiques,

Exercez-vous au jeu de vérité.

L’on y semoud poètes, orateurs,

Vrays précepteurs d’éloquence, amateurs,

Pour directeurs de si saincte entreprise,

Mercuriens et aussi chroniqueurs,

Riches rimeurs des barbares vainqueurs,

Et des erreurs de langue mal apprise.

L’heure est précise où se tiendra l’assise,

Là sera prise, au rapport des tragiques,

L’élection des plus experts scéniques,

En geste et voix au théâtre requise.

La Trilogie de la Passion fut représentée, pour la première fois, en 1402, à l’hôpital de la Trinité, près la porte Saint-Denis. On y faisait paraître «des choses étranges et pleines d’admiration ». Ici, Jésus-Christ se rendait invisible; ailleurs, il se transfigurait sur la montagne de Thabor... L’éclipsé, le tremblement de terre, le brisement des pierres et les autres miracles advenus d’après la légende, à la mort du Christ, y furent représentés.

Une véritable misé en scène accompagnait ce genre de spectacles. Voici comment l’auteur du Mystère de la Résurrection recommande de représenter le paradis:

«Paradis terrestre doit être faict de papier au-dedans, duquel doit avoir branches d’arbres, les uns fleuris, les autres chargés de fruitz de plusieurs espèces, comme cerises, poires, pommes, figues, raisins et telles choses artificiellement faites, et d’autres branches vertes de beau may et des rosiers, dont les roses et les fluers doivent excéder la hauteur des carneaux (créneaux), et doivent estre de fraiz coupez et mis en vaisseaux plains d’eau pour les tenir plus freschement.»

Le paradis devait, en outre, avoir des dimensions très étendues. Il contenait un orgue, quelquefois un orchestre de musiciens cachés derrière les acteurs, et neuf ordres d’anges rangés circulairement autour du trône du Père-Éternel.

Quand le texte l’exigeait, on faisait parler les animaux qui figuraient dans l’action, mais en leur choisissant des monosyllabes en rapport avec leur accentuation habituelle, — tel ce passage du mystère de la Nativité :

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