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Les origines de la Renaissance, en Italie et en France. — Les précurseurs de la Renaissance en Italie.

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L’Italie qui avait résisté aux licences de l’art occidental en héritière directe qu’elle était de l’esprit de l’antiquité ; l’Italie, dont seules les provinces limitrophes de l’Orient s’inspiraient passagèrement du style byzantin, tandis que le style latin, issu d’une adaptation de l’architecture gréco-romaine, florissait plutôt dans le Midi; devait revenir avec une prédilection toute naturelle aux traditions de l’art romain.

L’art gothique, d’importation étrangère, n’avait point enthousiasmé les Italiens, alors que l’art roman, plus directement inspiré des constructions romaines, malgré quelques emprunts au byzantin, s’était formé en Lombardie. La révolution qui devait clore historiquement le moyen âge sous le nom de Renaissance, n’étonne point dans ce pays de la tradition, dont l’empressement à renvoyer le système architectonique de l’art gothique aux lignes verticales prédominant sur les lignes horizontales, marque le premier geste de révolte.

Ce fut donc en Italie, plus essentiellement à la fin du XVe siècle et dans la première moitié du XVIe, et d’une manière générale depuis la prise de Constantinople par les Turcs — du milieu du XVe siècle à la fin du XVIe, — que s’épanouit la fastueuse Renaissance.

De là elle se répandit en France puis en Allemagne, ne gagnant que plus tard l’Espagne et la Hollande.

Ces divers pays devaient néanmoins puiser chacun, à divers degrés d’intelligence et de goût, dans le trésor révélé. Suivant la mentalité de la race où elle germa, la Renaissance, en effet, revêtit des atours différents et cela n’est pas un des moindres agréments et bénéfices de sa beauté. Autant le gothique français avait été sobre et léger, autant le gothique allemand s’alourdissait de détails et, pareillement l’Espagne, plutôt esclave de la bizarrerie mauresque, ne parvenait pas à imiter l’élan de notre grâce, non plus que l’Angleterre avec ses simplifications empreintes de sécheresse. Au surplus, si l’on prend à témoin la cathédrale de Milan, à laquelle des architectes allemands, normands, français et italiens, s’employèrent, le manqué d’unité de son plan ne place point la «huitième merveille du monde», au-dessus de notre cathédrale de Reims, par exemple, d’une pure harmonie française.

FIG, 12. — Jubé de Limoges.


S’il est vrai que les styles s’expriment chacun selon leur cœur et leur langue nationale, il faut cependant concéder à la France d’où partit généralement l’exemple, la supériorité de son éloquence. D’ailleurs si, pour une fois, la Renaissance échappa à son inspiration initiale, nous verrons combien la France fit sienne et avec quel mérite éclatant, la création italienne.

Il existe dans l’art de la Renaissance italienne comme un reflet de cette race. Quelque maniérisme, quelque tourmente dans la forme qui, avide de souplesse se dérobe volontiers, quelque crudité dans la couleur assoiffée de tons, quelque ciselure excessive due à une habileté effrénée, à une imagination surabondante.

Chez nous, le goût domine dans la sobriété. Le goût est d’essence française. Voyez plutôt un Palladio opposé à un Pierre Chambiges. Voyez un Vignole, longtemps regardé comme le législateur suprême de l’architecture, à côté d’un Philibert Delorme.

Il semble qu’à la longue, le sourire affecté de la Renaissance italienne serait lassant, tout comme le ciel bleu d’Italie, tandis que la Renaissance française alterne avec plus de tact la gravité et le sourire, en harmonie avec les gris de sa nue.

La Renaissance italienne, en vérité, nous a légué un art de parade dont nos jours peinent encore à se libérer.

Mais, pour l’instant, la Renaissance naît au pays de Dante et nous avons indiqué les raisons sentimentales qui dictèrent aux Italiens le retour à l’esprit antique, au nom de la tradition. On a fait justement remarquer, au surplus, que, dès la fin du XIVe siècle, Orcagna avait enthousiasmé ses contemporains par les immenses arcades cintrées dont il avait décoré la «Loggia dei Lanzi» à Florence et, de même Brunelleschi, né en 1377, malgré qu’il ait collaboré avec un grand talent à Sainte-Marie-des-Fleurs, d’architecture ogivale, se fit non moins remarquer par la manière antique dont il para les palais des Strozzi (cul-de-lampe de ce chapitre) et des Ricardi, à Florence. Sans compter que le palais Pitti, pour avoir été commencé encore par Brunelleschi, n’est pas moins décoré à l’antique, et pareillement Alberti et le Rosselino, à Rome, Lombardi, à Venise, Rimini et Alberti, à Milan, Omodeo, à Pavie, s’inspirent des mêmes principes d’innovation.

FIG. 13. — Cheminée (XVe siècle), au Musée de Cluny.


Bref, la Renaissance eut surtout l’avantage de choisir et de perfectionner les chefs-d’œuvre précédents, mais il importe de démêler avec quelle fantaisie et quel art, malgré qu’elle ait failli à l’originalité du moyen âge.

La Renaissance, c’est Giotto qui substitua l’expression, le sentiment et la vie à la raideur et à l’âpreté des formes byzantines! C’est Giotto inventant le style en peinture et donnant les plans du campanile, si élégant, si pur, qui se dresse à côté de la cathédrale de Florence.

La Renaissance, c’est Dante dans Florence encore, sa ville natale, c’est Arnolfo di Cambio ou di Lapo, citoyen de Toscane. Le premier génie à qui l’on doit la plus haute expression poétique du christianisme, le second dont la cathédrale de Florence marque la première étape de la noble réaction qui nous occupe, du plein cintre contre l’ogive.

FIG. 14. — Lit (fin du xve siècle), Musée des Arts Décoratifs.


Et cependant la construction de Sainte-Marie-des-Fleurs remonte à la fin du XIIIe siècle. Dès cette époque, déjà, le combat entre l’église d’Orient et celle d’Occident s’engage, et rien n’apparaît plus louable que la lutte de l’Italie contre l’importation étrangère, de Rome contre Constantinople au nom de son originalité séculaire.

Plus tard, progressivement, le goût de l’Architecture et de tous les chefs-d’œuvre de l’antiquité amena les artistes dirigés par les philosophes, les poètes et les savants, à de pieuses exhumations que le christianisme avait interdites. C’est ainsi que l’art païen s’opposa à l’art chrétien, dans l’architecture d’abord; l’architecture étant l’art le plus complet, d’où tous les arts dérivent après qu’elle les a tous mis à contribution.

Aussi bien la Renaissance résulte d’un bouleversement unanime des mœurs, d’un ensemble d’aspirations nouvelles, d’un changement d’esprit. Les temps inquiets de la féodalité avaient créé un art guerrier, nomade. L’écorce était rude de ces hordes et de cette soldatesque plus occupée à défendre la noblesse qu’à en acquérir. La culture intellectuelle, à ce prix, presque abandonnée, ne s’excusait que dans la force physique, et le château-fort eût méprisé le château de plaisance appelé à le remplacer. Le charme et l’élégance devaient ainsi succéder normalement dans un ciel riant, dans l’air frais, à une ère farouche. Tout comme le XVIIIe siècle sera une époque de détente après un XVIIe siècle rigide, la Renaissance dont la grâce n’est pas sans analogie avec cet alanguissement, marqua d’un arc-en-ciel la nue dégagée.

Les philosophes du XVIIe siècle se rencontreront plus tard, ainsi, avec ceux du XVIe qui communient maintenant d’espoir dans une histoire et une littérature rénovées.

FIG. 15. — Dressoir (Musée de Cluny).


Toutefois, un auxiliaire inédit intervient sous la Renaissance: les protecteurs. Ceux-ci, des princes, des papes, voire des banquiers, témoin Agostino Chigi, exaltent le génie avec le plus noble empressement et les riches marchands comblés par l’essor florissant de leur commerce, emboîtent le pas. De cette flatterie générale résulte une émulation fertile en chefs-d’œuvre. Sous ces bienfaisants auspices, les peintures, les sculptures élaborées dans le calme, débordent dé sérénité.

La bienveillance de ces protecteurs, renouvelés des prodigieux moines des XIe et XIIe siècles, est ainsi payée de gloire par un art né d’une vocation qui s’exerce comme un sacerdoce. En dehors de l’action particulière des Gonzague, à Mantoue, des Médicis, à Florence, des Visconti et des Sforza, à Vérone; les papes Alexandre VI, Jules II et Léon X, daignent favoriser l’épanouissement artistique dans leur patrie. L’art, considéré comme d’essence à la fois divine et royale, resplendit. On se dispute ses produits et leurs auteurs, que des concours, établis de ville en ville, sollicitent. Architectes, peintres et sculpteurs collaborent étroitement au chef-d’œuvre. Commémorations laïques ou religieuses embellissent tour à tour les églises et couvents, les hôtels de ville. Comblés d’or et de titres, les artistes ne seront jamais autant choyés, leur génie demeurant libre comme leur foi; leur désinvolture même, leur gaminerie, à l’égard des grands, trouvant toujours son excuse en échange d’un peu de beauté.

Le moine Jérôme Savonarole sera mis à mort pour avoir voulu combattre l’esprit profane de la Renaissance florentine (vers la fin du XVe siècle) et, auparavant le culte de l’antiquité s’imprégnera de naturalisme avec Fra Filippo Lippi, avec Masaccio, tandis que l’idéal religieux produira un grand maître: Fra Angelico da Fiesole, et que les chastes madones de Raphaël resplendiront d’un charme et d’une pureté où le divin et le réel communieront non moins génialement.

FIG. 16. — Dressoir (Musée de Cluny).


C’est de cette liberté qu’est née la grâce d’un Raphaël à côté de la puissance d’un Michel-Ange, et l’exemple d’un Benvenuto Cellini, tuant quelqu’ennemi entre deux chefs-d’œuvre, se compense du pieux agenouillement d’un Fra Angelico avant que de peindre. Et l’éclectisme de l’Église en faveur des deux gestes, prouve une tolérance dont l’on serait mal venu, en présence du résultat, de critiquer la généreuse bienveillance. Aussi bien, saint François d’Assise et saint Dominique fondent deux ordres: les Prêcheurs et les Mendiants, où l’on enseigne l’art à titre de moralisation, et l’art, en revanche, s’exerce dans les cloîtres et les couvents, dans les églises et les monastères, avec une licence extraordinaire, pourvu seulement qu’il soit admirable et, à cette condition-là, certes, il ne faillit pas.

L’essor unanime des expressions d’art n’est pas moins fécond aux acquisitions nouvelles. Jean et Hubert Van Eyck feront progresser en Flandre la technique de la peinture à l’huile, et le Florentin Finiguerra inventera la gravure en creux sur métal. La révélation de ces procédés arrive à son heure et, sur cette constatation dont nous détaillerons les effets plus loin, nous examinerons les causes et résultats moraux de la Renaissance italienne en France.

Cette répercussion fut violente; malgré qu’elle n’ait opéré que lentement. Elle se présenta plutôt sous les dehors d’une transition qui est précisément l’expression flamboyante de l’art gothique dont nous avons signalé l’analogie de grâce et d’esprit, moins la mesure, avec la période de Renaissance. «Jusqu’à la fin du xve siècle, écrit judicieusement Henry Havard (Les Styles), elle (la période flamboyante, qui avait commencé sous le règne de Charles VII, atteint son point culminant sous Louis XI et continué sa riche manifestation sous ses deux successeurs immédiats) régna en maîtresse, et même à l’aurore du XVIe siècle, elle inspirait encore les architectes de Meillant, de Gaillon et de Blois.» Et, nous ajouterons à cette énumération qui vient à l’appui de la thèse d’une lente substitution et tout au moins prouve que la révolution architectonique de la Renaissance ne fut ni immédiate ni unanime: l’église Saint-Eustache, à Paris (fig. 17), de style bâtard (mi-gothique, mi-renaissance), l’hôtel Bourgtheroulde, à Rouen, l’abside de l’église Saint-Pierre, à Caen (fig. 25). Au surplus, une partie de l’église de Brou, celles de Gisors et de Villeneuve-le-Roi, et tant d’autres édifices encore, portent la marque d’un style de transition, dont le meuble, fatalement, devait subir l’intéressante incertitude.

FIG. 17. — Portail de l’église Saint-Eustache, à Paris (façade méridionale).


Toutefois, la Renaissance fut pour nous une révélation et notre enthousiasme ne semble avoir été retardé que par notre désir d’une mise au point bien nationale. Si l’Italie avait été pour l’art moderne une Grèce nouvelle, la France protégea cet art moderne de bonne heure, le rappela dans son sein où il a peu grandi, il est vrai, mais d’où il a mieux dominé le monde.

Ce furent les guerres d’Italie qui nous amenèrent à contempler la beauté à l’étranger, au XVIe siècle, sous la conduite de Charles VIII, de Louis XII et de François Ier, et nous induisirent à la beauté nouvelle. Du moins, ces princes émerveillés ne rêvèrent-ils plus que de l’art gréco-romain rénové chez nos voisins et mis par eux, avec tant de fantaisie et d’esprit, au goût du jour.

FIG. 18. — Chapiteau renaissance, bois sculpté (Musée des Arts Décoratifs).


Cependant, si l’Italie devait détacher la France des traditions du moyen âge à l’heure où notre art ogival s’altérait, il ne faut pas oublier que l’influence flamande, d’où notre génie national dégagea aussi une personnalité des plus attachantes, nous toucha antérieurement de sa grâce sensible et vivante. Les ducs de Bourgogne, aux XIVe et XVe siècles, précédèrent, en effet, l’exemple des rois du XVIe en détournant nombre d’artistes des villes flamandes où ils brillaient. Ce fut là l’origine de l’école française de Tours qui, au XVe siècle, affirma une originalité profonde avec le peintre Jean Fouquet (de 1415 à 1480?) et avec le sculpteur Michel Colombe (de 1431 à 1512?)

Or, Colombe avait étudié à Dijon les dessins du Flamand Claux Sluter, auteur avec son neveu, Claux de Werve ou de Vousonne, du fameux Puits de Moïse et, de même, lesJean de Bruges, les Hennequin de Liège, les André Beauneveu, de Valenciennes, peintres et sculpteurs flamands, appelés à la cour de France par les ducs d’Anjou, de Berry, d’Orléans, furent les premiers artisans de notre propre gloire.

Dijon et les bords de la Loire témoignent de ce mouvement artistique mémorable où la Flandre et la Bourgogne communièrent, avant d’emprunter à l’Italie, en une Renaissance franco-flamande.

Mais retournons au XVe siècle, en France, où nous contemplons l’éclosion d’une civilisation nouvelle, d’une société «rafraîchie» d’après l’exemple ou mieux, d’après la vision italienne. C’est aussi le signal d’une émancipation que Viollet-le-Duc décrit ainsi «... un sentiment démocratique prononcé, une haine de l’oppression qui se fait jour partout, et, ce qui est plus noble, ce qui est un art digne de ce nom, le dépassement de l’intelligence des langes théocratiques et féodaux». Il n’y a point, en effet, que le spectacle de la patrie de Dante qui nous ait impressionnés. D’autres facteurs importants intervinrent dans cette émotion. Les découvertes maritimes, d’une part, accusées par les progrès de la navigation et de l’autre, les victoires nouvelles de l’esprit: après la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb (1492), celle de l’imprimerie, sans oublier les perfectionnements de la science et de la musique, devaient contribuer matériellement et intellectuellement à l’essor que nous examinons, à la brillante métamorphose qui va suivre.

FIG. 19. — Colonnes Renaissance.


Aussi bien, les échanges du commerce, favorisés par la navigation, propagèrent d’autres bienfaits et, le luxé notamment, qui développa le goût de la rareté, naquit de cette rivalité des fruits internationaux savoureusement disputés. Les richesses de l’esprit, enfin, n’envièrent rien à l’activité des industries d’art, dans la propagation de l’instruction et de l’éducation par la diffusion des langues et des mœurs. Et ce fut un rayonnement que l’histoire a décomposé en trois périodes, la première représentée par le règne de Louis XII, la seconde par le règne de François Ier et la troisième par le règne de Henri II.

Au résumé, en attendant que le début du XVIe siècle amène les arts d’Italie en France, protégés par Louis XII et Georges d’Amboise, en attendant encore que dans le sein de sa cour galante, lettrée, chevaleresque et frivole, François Ier poursuive l’appel en France des artistes et savants étrangers, il nous faut évoquer encore une fois le nom de Dante dont le prodigieux poème intitulé : la Divine Comédie, impose la réflexion.

Nous avons saisi la transition entre la recherche mystique et gracieuse du moyen âge et la rigidité antique, dont les premiers Florentins nous servirent la gloire. La Divine Comédie, maintenant, nous semble l’expression de la bataille ardente, gigantesque, effrayante, du génie grec-chrétien et du christianisme juif. C’est la lutte convulsive du moyen âge expirant et de l’ère moderne grandissante avec le pâtre Giotto qui créera la peinture moderne, tandis qu’une langue nouvelle, qu’une poésie inédite jailliront. C’est la barbarie du Nord et la grâce de la civilisation hellénique mais chrétienne voulant refleurir sur son sol.

Ajoutons maintenant, aux noms déjà cités parmi les apôtres de la première Renaissance italienne dont le berceau fut Florence, ceux, au XVe siècle, des architectes:

FIG. 20. — Colonne dite Française.


Marco di Campione, auteur de la Chartreuse de Pavie, Ben Majano et Cronaca à qui l’on doit le palais Strozzi et Michelozzo le palais Riccardi; Alberti, qui perfectionna la manière de Brunelleschi et donna à Mantoue les basiliques de Saint-Sébastien et de Saint-André. Puis, en passant rapidement sur les sculpteurs André, Nicolas et Jean de Pise qui travaillèrent aux XIIIe et XIV6 siècles, au baptistère et à la cathédrale de Pise ainsi qu’au baptistère de Florence, tandis qu’aux mêmes époques, les peintres primitifs comme Cimabué, le maître de Giotto et Giotto déjà nommé, Duccio, Simone Martini dit Memmi, Fra Angelico, se dégageaient de la tyrannie byzantine, nous en arrivons à la fin du XVe siècle.

C’est la seconde période de la Renaissance,la plus brillante, dont le siège sera à Rome ainsi que durant tout le XVIe siècle. Les architectes précédents qui s’étaient acheminés vers une sobriété où sombraient peu à peu les éléments de l’art ogival, vont maintenant, avec Bramante (1444-1514), retourner nettement aux ordres antiques. Bramante fut l’un des architectes les plus habiles de la Renaissance en Italie. On lui doit la belle coupole de Sainte-Marie-des-Grâces, à Milan, sa patrie, la façade du palais Giraud, à Rome, ainsi que le plan de Saint-Pierre et l’harmonieux et élégant palais de la Chancellerie.

Du côté des sculpteurs, au xve siècle, nous voyons Lorenzo Ghiberti (1378-1455), auteur des précieuses portes du baptistère de Florence (nord et est), sa ville natale, et architecte, d’autre part, du Dôme de Florence. Puis, Donatello (1386-1466) dont le réalisme est admirable (fig. 88); Verrocchio (1435-1488), auteur de la belle statue équestre du condottiere Coleoni (fig. 87) et Luca della Robbia (1400-1452), dont les bas-reliefs émaillés et polychromes sont particulièrement remarquables (en-tête du chapitre IV). Quant aux peintres, ils se réclament de différentes écoles. C’est, dans l’école Florentine, Botticelli (1447-1510), distingué, élégant et mièvre, d’une exquise étrangeté ; c’est Fra Filippo Lippi (1412-1469); Masaccio (1401-1428); Domenico Ghirlandajo (1449-1498); c’est Benozzo Gozzoli (1420-1498). Dans l’Ecole ombrienne ou romaine, domine Pietro Vannucci dit le Perugin (1446-1524); dans l’école de Padoue: Mantegna (1431-1506) et, dans l’Ecole vénitienne: Carpaccio, les Bellini. Chacune de ces écoles, auxquelles il convient de joindre les écoles milanaise, padouane, génoise, etc., a son caractère, son esprit, sa couleur et, c’est l’instant de constater que si l’art de l’Architecture fut particulièrement célébré à la période gothique, c’est maintenant la Peinture qui est davantage florissante. Nous noterons ici, que les premiers peintres italiens: Cimabué, Taffi, Giotto, Paolo Ucello, Massolino, Masaccio, etc., jusqu’à Andrea Castagno, exclusivement, ne peignirent qu’à fresque ou en détrempe et que les premiers sculpteurs, revenus aux traditions de l’antiquité, modelèrent d’abord des bas-reliefs.

FIG. 21. — Panneau d’armoire.


En attendant que nous parlions du XVIe siècle en Italie et en France, époque où la Renaissance fut essentiellement radieuse, nous poursuivrons en Europe notre rapide examen de l’Art aux mêmes temps que ceux que nous venons d’examiner en Italie.

Chez nous, au xve siècle, nous suivons à peu près la même direction que les peintres flamands, surtout dans le portrait, et ce n’est qu’au XVIe siècle que l’école des Italiens, le Primatice en tête, nous inspirera. En Flandre, on cumule le réalisme avec un reste d’attachement aux traditions byzantines. L’école des Van Eyck domine, au XVe siècle, avec une intensité de vie et de couleur remarquable: c’est après Memling, gracieux et ingénu, Van der Weyden, harmonieux et charmant, Thierry Bouts, Van der Goes, artistes de moindre envergure. Puis, au XVIe siècle, fatalement on inclinera, mais partiellement, à l’imitation italienne.

FIG. 22. — Panneau d’armoire, faisant pendant au précédent, dans le même meuble.


En Allemagne, l’influence des Van Eyck demeure encore sensible, mais les deux grandes écoles de Cologne (XVe siècle) avec Martin Schongauer, Stephan Locher, et de Nuremberg (XVIe siècle), triomphent bientôt dans la personnalité. A. Dürer, qui se réclame notamment de cette dernière école, unit généralement le paganisme italien et le mysticisme allemand. En Espagne, l’imitation du Caravage entraîne la peinture dans une réalité d’expression brutale après avoir été plutôt encline au mysticisme de l’influence napolitaine.

Et cependant, de grands maîtres espagnols se mesurent encore dignement avec les Italiens et les Allemands: ce sont des portraitistes comme Pantoja de la Cruz, le Greco, Sanchez Coello et, dans la peinture religieuse: Luis de Vargas, Joanes, Moralès.

Quant à l’Angleterre, elle imita longtemps les peintres étrangers et, à l’heure qui nous occupe, elle poursuit son œuvre sans guère d’originalité. Dans la miniature, cependant, le nom d’Isaac Olivier est à retenir pour la grâce de ses portraits.

Nous aurons l’occasion de revoir quelques-uns de ces grands noms au cours de notre travail. Mais nous devrons toujours nous limiter jalousement à notre programme pour ne pas nous égarer dans le domaine de l’histoire de l’art qui tente à chaque instant notre plume. Sachons donc nous borner à l’art de reconnaître les styles, en touchant aux à-côté avec la stricte utilité de notre but d’enseignement pratique, en nous efforçant de dénouer l’écheveau touffu des écoles, des mouvements d’idées, des modes et caprices, des évolutions, réactions et progressions, qui aboutirent à fixer des types éternels.

C’est ainsi qu’au chapitre suivant, avant d’entamer plus à fond l’étude de la Renaissance en Italie et en France, conjointement, pour solidariser autant que possible notre démonstration générale, nous insisterons sur le style gothique des XIVe et XVe siècles que nous esquissâmes seulement. Ainsi se dégagera plus nettement, étape par étape — car les époques secondaires et surtout tertiaires du gothique nous ménagent, répétons-le, une intéressante transition — l’arc-en-ciel de la Renaissance, à travers les nobles contagions du Beau dont les différences sont autant d’idéals cristallisés.


L'Art de reconnaître les styles. Le Style Renaissance

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