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CHAPITRE PREMIER
I. – LA LOCOMOTION SUR LA TERRE
B. – Frottement entre le véhicule et la voie qui le porte. – Le dé et la bille d'ivoire. – Frottement de glissement et de roulement. – Ce qu'on sait des lois du frottement. – Difficultés inhérentes aux observations. – Impressionnabilité de la matière. – Moyens de diminuer le frottement. – Lubrifaction des parties frottantes. – Accroissement du diamètre des roues

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Tous les progrès de la locomotion reposent sur les améliorations apportées aux deux surfaces en contact durant le mouvement: patin et roue d'une part, chaussée ou rail d'une autre. Les améliorations introduites dans la construction du véhicule lui-même n'ont été que la conséquence des premières. L'emploi de la vapeur comme moteur a marqué une nouvelle étape que nous décrirons avec tous les développements qu'elle comporte.

Lorsqu'on examine à la loupe les objets les mieux polis, on aperçoit à leur surface une innombrable quantité d'aspérités et de cavités, qui forment, entre deux objets rapprochés, comme autant de petites dents d'engrenage s'enchevêtrant les unes dans les autres. Chacun des deux objets agit sur celui qui lui est opposé comme un morceau de pierre ponce sur notre main. Il y a entre eux:

1o Production d'une résistance au mouvement qu'on veut déterminer et qui est le frottement;

2o Destruction des aspérités existantes, polissage des surfaces, d'où usure.

C'est l'effet qui se produit lorsqu'on pousse un dé d'ivoire sur le drap d'un billard. L'impulsion cessant, le dé s'arrête; mais si au dé on substitue une bille, la moindre impulsion produit un mouvement qui se prolonge encore après que l'action a cessé d'être exercée. Le frottement n'est pas détruit, il est seulement réduit par le changement de forme de la surface. Dans le premier cas, il y avait frottement de glissement, dans le second, il y a frottement de roulement.

Si, au lieu de placer cette bille d'ivoire sur une table recouverte de drap, nous la plaçons sur une table polie de bois ou de métal, une impulsion bien moindre que la première suffira à lui faire parcourir le même chemin.

Ces faits, tout simples et tout familiers, que nous venons d'observer sur une petite échelle, se produisent en grand.

Qu'un traîneau glisse sur le sol, qu'une voiture roule sur une chaussée, ou un wagon sur des rails, qu'un bateau se meuve sur l'eau ou un ballon dans l'air, il y a frottement. Une force se développe, au moment où le mouvement commence, de la part du sol, de l'eau ou de l'air avec lequel le véhicule est en contact. Elle est faible, presque insignifiante dans l'air, elle n'est pas négligeable dans l'eau, ou à sa surface, et prend des valeurs très-diverses et parfois considérables sur le sol. En somme, on peut dire, d'une manière générale, que toutes les fois que deux corps, en contact, viennent à être animés de vitesses variables, – ou l'un d'une certaine vitesse, l'autre restant à l'état de repos, – il se produit une force retardatrice du mouvement, et il y a frottement.

Quelles sont les lois du frottement? Les géomètres et les ingénieurs ont cherché beaucoup et longtemps, et cherchent encore, car les opinions les plus opposées se sont produites. Nous n'avons pas l'intention de les relater toutes ici; mais il convient d'indiquer les faits principaux, ceux sur lesquels on est généralement tombé d'accord et qui sont, par suite, hors de conteste.

Amontons est le premier qui s'occupa de la recherche des lois du frottement. Il se servait, pour ses expériences, d'un plan mobile autour d'une charnière et dont il faisait varier l'inclinaison. Mais les résultats auxquels il fut conduit paraissent contradictoires. Coulomb, en 1781, reprit ces recherches.

Sur deux madriers horizontaux juxtaposés était fixé un troisième madrier en chêne, long de 8 pieds, large de 16 pouces. Un traîneau, en forme de caisse, de 18 pouces de large, qu'il chargeait de poids, pouvait glisser sur ce dernier madrier et le parcourir dans sa longueur. Une corde flexible, attachée au traîneau, venait, dans une direction horizontale, s'enrouler sur la gorge d'une poulie très-mobile. Un plateau attaché à son extrémité recevait des poids et pouvait descendre dans un puits de 4 pieds de profondeur. Les poids, successivement placés dans le plateau, déterminaient le mouvement du traîneau. Un pendule, battant les demi-secondes, permettait d'étudier ainsi la loi du mouvement. La nature et l'étendue des surfaces frottantes, modifiées tour à tour, donnaient le moyen de varier à l'infini les conditions de ces expériences.

Le général Morin, en 1831, M. J. Poirée, en 1851, M. Bochet, en 1856 d'abord, puis en 1861, ont repris et étendu les études commencées par Coulomb.

On admettait, avant les travaux de ces deux derniers ingénieurs, que le frottement était proportionnel à la pression normale que les surfaces exercent l'une sur l'autre, qu'il variait selon la nature et l'état des surfaces en contact, et qu'il était indépendant de la vitesse et de l'étendue de ces surfaces.

M. Poirée a démontré que pour des vitesses supérieures à 4 ou 5 mètres par seconde, le frottement diminuait à mesure que la vitesse augmentait.

Dans un mémoire fort intéressant, et à la suite de nombreuses expériences exécutées sur le chemin de fer de l'Ouest avec un wagon-traîneau du système Didier, M. Bochet a réfuté les premières lois admises et a conclu:

1o Que le frottement diminue à mesure que la vitesse augmente;

2o Que le frottement n'est plus proportionnel à la pression et, par suite, n'est plus indépendant de l'étendue des surfaces frottantes, dès que la pression cesse d'être petite;

3o Qu'il n'y a pas, en général, de frottement spécial au départ.

Ces nouvelles lois viennent renverser les opinions précédemment admises. Est-ce à dire, pour cela, qu'elles sont la dernière expression de la vérité et qu'elles ne souffriront pas de modification? Nous n'oserions pas l'affirmer.

On ne peut se faire une idée exacte des difficultés qui entourent l'exécution de ces expériences: les circonstances, en apparence les plus insignifiantes, exercent souvent une influence considérable, qui échappe même aux yeux les plus perspicaces, à l'attention la plus vigilante. L'observation de ces phénomènes, où la constitution moléculaire des corps est immédiatement en jeu, présente bien autrement d'obstacles que celle des faits chimiques où les qualités et les affinités particulières de ces mêmes molécules se révèlent.

Nombre d'opérations exécutées dans des circonstances en apparence complètement identiques, donnent des résultats différents et déroutent l'expérimentateur; nous disons: en apparence identiques, car nos yeux ou nos moyens de mesure ou de contrôle doivent nous égarer. Les deux morceaux de fer que nous faisons frotter l'un contre l'autre, bien qu'ils soient pris dans une masse que nous croyons homogène et qui a subi les mêmes opérations préparatoires, peuvent présenter, et présentent sans doute, des différences de contexture que nous ne pouvons saisir. Les fibres de tel morceau de bois ne sont pas dirigées comme celles de tel autre; les parties tendres sont plus nombreuses dans celui-ci que dans celui-là; l'état hygroscopique des deux échantillons est différent. En somme, l'homogénéité, l'identité, dans le sens le plus absolu et le plus général que l'on accorde à ces deux mots, n'existent pas. Les différences constatées n'offrent donc rien de surprenant.

Il en est absolument, de ce qui se passe entre ces deux morceaux de matière, comme de ce qui se produit entre deux individus de mœurs, de caractères et d'esprits bien définis et entraînés dans une action commune. Doutez-vous que les circonstances les plus inappréciables ne puissent agir sur leurs tempéraments à tous deux ou sur celui de l'un des deux seulement, et modifier d'une manière très-sensible le résultat auquel ils concourent tous deux? Est-il déraisonnable de croire que des influences d'une autre nature, mais tout aussi bien modificatrices, aient pu agir sur la constitution moléculaire des deux échantillons mis en contact, et n'est-il pas permis de supposer à ces atomes matériels et inertes une impressionnabilité que nous constatons chez les êtres vivants et matériels aussi?

Lorsque nous modifions, par l'interposition d'un nouveau corps ou par une altération quelconque des surfaces en contact, les conditions de ces expériences, nous obtenons les résultats les plus divers. Des aspérités, des stries, la juxtaposition sur l'une des surfaces de bandes de cuir ou de caoutchouc, en multipliant les points de connexion et d'enchevêtrement, créent un obstacle au mouvement, tandis que l'interposition d'un corps gras, de plombagine, de suif ou de telle ou telle huile, en unissant et en polissant les surfaces rapprochées, diminue le frottement. De là, l'avantage que l'on retire de l'emploi des matières lubrifiantes.

Le cri strident des chars catalans, dont nous avons parlé, celui de toutes les voitures dont les roues sont insuffisamment graissées, résultent d'une attaque plus ou moins profonde des surfaces en contact. Ce grincement est accompagné d'un échauffement de ces surfaces, qui, s'il n'y est porté remède, peut avoir les conséquences les plus graves.

Les faits que l'on constate dans l'étude du frottement de glissement s'observent dans celle du frottement de roulement, mais avec cette différence qu'ils sont moins accusés. Les aspérités de la surface roulante s'engrènent dans les cavités de la surface fixe et réciproquement, et le mouvement s'opère sans déterminer ces arrachements et ces érosions particulaires qui constituent, en grande partie, le frottement et qui exigent sans cesse, de la part du moteur, une production de force additionnelle. Les deux surfaces s'épousent successivement l'une l'autre, les petites aspérités abandonnent leur mutuelle étreinte avec d'autant plus de facilité qu'elles se sont plus facilement réunies, et que la pénétration a eu lieu dans une direction plus normale à la surface fixe, ou que le diamètre de la surface roulante a été choisi de plus grande dimension.

L'accroissement du diamètre des roues des véhicules, est, en effet, le but vers lequel tendent les constructeurs, mais divers obstacles les arrêtent, entre autres l'instabilité de la machine de transport, accrue par l'élévation de son centre de gravité. Ils cherchent alors des artifices pour abaisser la charge, ils la placent parfois en dessous des essieux, ainsi que cela s'est fait pour certaines voitures et pour quelques fardiers, destinés au transport des matériaux de construction, réalisant ainsi des combinaisons plus ou moins ingénieuses, et qui répondent d'une manière plus ou moins satisfaisante à des besoins déterminés.

Les Merveilles de la Locomotion

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