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CHAPITRE PREMIER
III. – DE LA LOCOMOTION DANS L'AIR

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Les vents. – La chute d'un corps dans l'air et dans le vide. – Les oiseaux et les ballons. – La direction des ballons paraît une utopie. – Invention d'un moteur à poudre

Nous connaissons déjà l'air parce que nous en avons dit à propos des tempêtes qu'il soulève à la surface des mers, et nous n'avons pas besoin d'insister de nouveau sur la violence des mouvements dont sa masse est souvent agitée pour faire comprendre les difficultés que trouve l'homme à s'y mouvoir dans une direction déterminée. En passant de la terre sur l'eau, du corps solide sur le corps liquide, les points d'appui qui doivent servir de base à la locomotion perdent de leur fixité, et le véhicule ne devient stable qu'en intéressant à ses mouvements une grande masse de liquide; dans l'air, dont les propriétés essentielles sont la mobilité et la compressibilité, les points d'appui manquent presque absolument, nous disons presque, car le vide seul admet dans ce cas l'absolu: un morceau de papier, que nous laissons tomber dans l'air tranquille, ne descend jamais verticalement; il est dévié de cette direction par l'air qui presse sa surface; dans un tube, où nous aurons fait le vide, ce même morceau de papier tombera dans une direction qui se rapprochera d'autant plus de la verticale que le vide aura été fait d'une manière plus parfaite, et il suivra rigoureusement la verticale, si le vide est absolu.

C'est seulement en comprimant la masse gazeuse environnante que le véhicule aérien se crée un appui et peut se mouvoir dans telle ou telle direction.

L'air est le lieu de locomotion de tous les animaux ailés qui le parcourent en dépit du vent, – tant que ce vent n'est pas tempête, – avec une vitesse qui varie selon l'espèce, et dans toutes les directions, en demeurant toutefois dans une zone qui ne s'étend pas au delà de 7,000 mètres au-dessus du niveau de la mer. C'est à la limite des neiges éternelles, au sommet de la Cordillère des Andes, entre 3,300 et 4,800 mètres au-dessus du niveau de la mer, que le condor fixe d'ordinaire sa demeure. La frégate s'avance en mer à des distances de plus de 400 lieues, saisissant au vol à la surface de l'eau les poissons dont elle fait sa nourriture.

Mais quels appareils merveilleux que ces ailes qui servent aux oiseaux à se soutenir et à progresser dans l'air! Voyez d'abord leur charpente, la solidité des points d'attache de leurs os au thorax, la construction de ces os, tubes creux et cellulaires, unissant la force à la légèreté, voyez maintenant les rémiges, les barbes, rames à large surface, capables de prendre des inclinaisons diverses et de concourir avec les pennes rectrices de la queue à gouverner leur vol! Et quelle force dans l'oiseau, eu égard à la petitesse de sa taille, pour faire mouvoir ces instruments si simples et si complets!

Qu'on rapproche à présent cette admirable structure de la construction grossière des appareils avec lesquels, jusqu'à présent, on s'est élevé dans l'air. Un globe énorme de forme sphéroïdale, gonflé d'un gaz plus léger que l'air, dont la force ascensionnelle croît en raison de son volume et de la différence des densités, voilà l'appareil. On a donné à l'aérostat jusqu'à 6000 mètres cubes de capacité, avec une surface exposée au vent d'environ 400 mètres carrés; telles sont les dimensions du Géant; tel est l'appareil que les aéronautes ont eu parfois la pensée de gouverner, à l'aide de trois ou quatre palettes d'une surface relativement insignifiante, à l'aide d'une ou de plusieurs hélices, d'une ou de plusieurs roues!

Il n'est personne qui n'ait éprouvé l'effet d'un vent un peu violent et qui ne se soit senti entraîné par lui. Et cependant la plus grande surface que notre corps offre au vent n'est guère que de 1 mètre carré. Qu'on juge par là, de la pression que produit sur la surface 400 fois plus grande d'un corps qui ne repose sur aucun point solide, un vent dont la direction peut changer à chaque instant et dont la vitesse est variable, depuis 30 mètres par minute pour le vent le plus faible, jusqu'à 2,700 mètres pour l'ouragan, ce qui, dans ce dernier cas, représente 162 kilomètres à l'heure, c'est-à-dire plus de trois fois la vitesse du train rapide de Paris à Marseille!

M. Babinet a dit à l'Association polytechnique: «La théorie de la direction des ballons est absurde. Comment faire?

«Comment faire résister et manœuvrer, contre les courants, des ballons comme le Flesselles, par exemple, qui mesurait 120 pieds de diamètre? Il faudrait une force de 400 chevaux pour mettre en lutte à peu près égale avec le vent une voile de vaisseau. Supposez, ce qui est impossible, qu'un ballon pût emporter avec lui une force de 400 chevaux; ce grand effort ne servirait absolument à rien, car nous apprécions tout de suite que, sous cette pression, votre ballon s'écraserait dans sa fragile enveloppe.

«Supposez tous les chevaux d'un régiment attachés par une corde à la nacelle d'un ballon, vous obtiendriez pour tout résultat de voir voler en éclats votre ballon.

«C'est tout à fait ailleurs que l'homme doit chercher les moyens de s'élever, ce qui veut dire en même temps de se diriger dans l'air.»

Les faits qui précèdent sont si simples qu'on ne s'explique pas comment un si grand nombre d'inventeurs n'en ont pas été frappés et ont vainement poursuivi la recherche de la direction des ballons.

Le problème de la navigation aérienne, comme celui de la navigation maritime, est double. Le véhicule doit trouver sa base de sustentation sur le milieu, eau ou air, qu'il doit parcourir; il doit, en outre, être dirigeable. Les ballons satisfont à la première partie de la question, mais leur volume rend incompatibles les deux parties du problème. La seule ressource de l'aéronaute est de s'élever ou de s'abaisser dans l'air, à la recherche d'un courant soufflant dans la direction qu'il veut suivre. S'il ne le trouve pas, il doit abandonner la lutte, car il ne pourra que s'éloigner de sa destination. En résumé, la direction des ballons est entourée de telles difficultés qu'on peut la considérer comme irréalisable.

La question nous paraît donc devoir se poser de la manière suivante: Trouver un moteur qui, sous un volume restreint, réunisse une très-grande puissance à une très-grande légèreté. On peut être certain que le jour où ce moteur sera trouvé, la direction des ballons le sera du même coup, car il ne s'agira plus que de l'application d'une force à un appareil ailé dont la nature nous offre un assez grand nombre de spécimens et que l'homme pourra construire de toutes pièces dans un temps certainement limité. La question du gouvernement de l'appareil deviendra l'objet d'une étude pratique dont un certain nombre d'expériences fourniront la solution.

Il est incontestable que l'une des voies qui pourraient conduire à la découverte du moteur nécessaire est celle qui reposerait sur l'utilisation d'une des propriétés physiques ou chimiques de l'air, ou de l'un de ses gaz constituants, oxygène ou azote, et plutôt du premier, source de combustion et de vie, que du second, qui n'a que des propriétés négatives. Le moteur aurait ainsi son aliment au sein de la masse même où il se meut.

Il y a des corps que l'homme a trouvé le moyen de lancer et de diriger dans l'air, avec une vitesse qui défie celle des vents, au plus fort de l'ouragan. Ce sont les projectiles qui sortent des armes à feu et qui ont été utilisés comme moyens de transport, comme porte-amarres, etc. La poudre vient d'être appliquée récemment aux sonnettes qui servent à enfoncer les pieux. La charge d'un fusil suffit pour actionner un mouton de 180 kilogrammes. Que le lecteur ne sourie pas! Nous n'avons pas l'intention de le mettre à cheval sur un boulet ou sur un javelot ailé et de le lancer ainsi dans l'air, à la vitesse vertigineuse que produit l'explosion de la poudre ou celle d'un picrate quelconque; mais, en présence des effets foudroyants dus à la combustion instantanée et à l'explosion de certaines matières fulminantes, n'est-il pas permis de supposer que l'homme pourra fixer le régime de ces sources de forces, en rendre l'action continue et la régler enfin selon le but particulier qu'il se propose?

L'homme doit-il prétendre lutter contre toutes les tempêtes de l'atmosphère? Nous ne le croyons pas. Ses efforts doivent tendre à triompher du vent, tant que son intensité ne dépasse pas certaines limites, à tirer parti des courants naturels de l'air, comme il le fait de ceux de la mer ou des rivières, ces chemins qui marchent, ainsi qu'a dit Pascal; mais il doit se résigner, quant à présent, à fuir les ouragans de l'air comme il fuit ceux de l'Océan, se rappelant sans cesse son infimité vis-à-vis du grand maître de la nature.

Les Merveilles de la Locomotion

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