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CHAPITRE II
LES ANIMAUX MOTEURS
II. – LE CHEVAL, L'ÂNE, LE MULET, L'HÉMIONE, LE BŒUF, LE YACK, LE BISON, LE CHAMEAU, L'ÉLÉPHANT, LE RENNE, LE CHIEN, L'AUTRUCHE

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L'homme s'est emparé du cheval et l'a dompté.

«La plus noble conquête que l'homme ait jamais faite est celle de ce fier et fougueux animal…» a dit Buffon. «Non-seulement il fléchit sous la main de celui qui le guide, mais il semble consulter ses désirs; et, obéissant toujours aux impressions qu'il en reçoit, il se précipite, se modère ou s'arrête et n'agit que pour y satisfaire. C'est une créature qui renonce à son être pour n'exister que par la volonté d'un autre; qui sait même la prévenir, qui, par la promptitude et la précision de ses mouvements, l'exprime et l'exécute; qui sent autant que l'on désire et ne rend qu'autant qu'on veut; qui, se livrant sans réserve, ne se refuse à rien, sert de toutes ses forces, s'excède et même meurt pour mieux obéir.»

Selon la Fable, les dieux s'en servaient comme de monture ordinaire ou l'attelaient à leurs chars. La Bible, dans Esther, raconte «que l'on envoya des lettres par des courriers à cheval sur des coursiers rapides, sur des dromadaires issus de juments.»

Le cheval semble avoir toujours été l'auxiliaire de l'homme. Chez tous les peuples on le rencontre à l'état domestique. Dans le nord de l'Afrique, on trouve le cheval arabe, le kochlané ou pur sang, le type de la race, ou le kadisché provenant de croisements inconnus, tous deux remarquables par l'élégance de leurs formes et la rapidité de leur course. Dans la Barbarie, on emploie des chevaux pour le manége; en Espagne, des chevaux pour le manége ou la cavalerie; en Angleterre, des chevaux de course, et dans les différentes régions de la France, des chevaux pour tous les usages. En Normandie ce sont des chevaux de trait et de manége; dans le Limousin, des chevaux de selle; dans la Franche-Comté, des chevaux de trait; en Auvergne on élève le bidet et dans le Poitou le mulet.

Le cheval se plie à tous les travaux qu'on lui impose, prend le pas, le trot, l'amble ou le galop, selon le bon plaisir de celui qui le dirige. C'est avec la même allure résignée qu'il suit le sillon de la charrue, l'ornière du chemin, la piste du champ de courses ou du manége. Il ira en ligne droite le long d'une voie ferrée, tournera en cercle pour élever l'eau du maraîcher, ou marchera sur lui-même sans avancer, comme l'écureuil dans sa cage, ou comme le chien du cloutier. C'est le premier instrument de l'agriculture et de l'industrie.

Sans vitesse, il peut produire un effort de 360 kilogrammes; à la vitesse moyenne de 1 mètre par seconde, cet effort n'est plus que de 80 à 90 kilogrammes; encore faut-il que le travail ne soit pas trop prolongé. Aussi ne compte-t-on d'ordinaire que sur 70 kilogrammes seulement.

Des expériences très-nettes ont permis de comparer le travail de l'homme et celui du cheval: tandis que l'homme, qui roule un fardeau sur une voiture à deux roues et revient au point de départ chercher un nouveau chargement, peut travailler durant dix heures, avec une vitesse de 50 centimètres par seconde et exercer un effort moyen de 100 kilogrammes, le cheval peut, travaillant le même temps, mais avec une vitesse de 60 centimètres par seconde, exercer un effort moyen de 700 kilogrammes. La quantité de travail journalière est représentée, pour l'homme, par 1,800,000 kilogrammètres3, et, pour le cheval, par 15,120,000 kilogrammètres. – Tandis que le portefaix peut exercer, durant une journée de 7 heures, et à une vitesse de 75 centimètres par seconde, un effort moyen de 40 kilogrammes, le cheval, chargé sur le dos, peut, durant 10 heures de travail et en marchant avec une vitesse de 1m,10 par seconde, développer un effort moyen de 120 kilogrammes.

Ces chiffres représentent, bien entendu, des résultats moyens; car le poids que l'homme peut porter s'élève jusqu'à 150 kilogrammes. Il a même atteint le chiffre de 450 kilogrammes. Les portefaix de Rive-de-Gier, qui chargent les bateaux, portent un hectolitre de houille de 85 kilogrammes à 36 mètres, et font de 290 à 300 voyages par jour.

Il est assez intéressant de comparer aussi les vitesses que peuvent prendre l'homme et le cheval à la course.

La vitesse du coureur peut être de 13 mètres par seconde pendant quelques instants; la vitesse ordinaire est de 7 mètres. (Le marcheur ne s'avance qu'avec une vitesse de 2 mètres et le voyageur ne parcourt que 1m,60 par seconde.)

La plus grande vitesse que puisse prendre un cheval dans une course d'un quart d'heure, ne dépasse pas 14 à 15 mètres. La vitesse au galop est de 10 mètres, au trot de 3m,50 à 4 mètres, au grand pas de 2 mètres et au petit pas de 1 mètre.

Il y a quelques années, le service des postes employait un grand nombre de chevaux de choix, que les chemins de fer ont presque complétement dispersés. Les chevaux des malles-postes traînaient 500 kilogrammes à la vitesse de 4m,44, et parcouraient 20 kilomètres par jour; ceux des diligences allant moins vite (3m,33 par seconde), traînaient 800 kilogrammes et parcouraient 24 kilomètres par jour. Enfin, les chevaux des chasse-marée, qui parcourent 32 kilomètres par jour, avec une vitesse de 2m,20 par seconde, ne traînent que 560 kilogrammes.

Moins vif, moins valeureux, moins beau que le cheval,

L'âne est son suppléant et non pas son rival.


Il n'en est pas moins vrai que le coursier de Silène, qui l'emporte sur son maître par sa sobriété, rend, comme porteur, de précieux services à l'agriculture.

Les petites exploitations l'utilisent avec avantage pour les transports à faible distance, et les gens pauvres le préfèrent à raison de la facilité qu'ils ont à le nourrir et à le loger. C'est le souffre-douleur de la famille domestique, c'est pour lui que sont tous les coups. Qui n'a pris en pitié le sort de ces pauvres bêtes, en Espagne et en Afrique, où on leur voit suivre par troupes nombreuses des chemins à peine tracés, pliant sous la charge de lourds sacs de blé ou sous le faix de longs Arabes, aux jambes traînantes?

Le mulet est le cheval du montagnard. À lui les chemins étroits dans les rochers et le transport du bois réduit en charbon. Bon pied, bon œil, tête sûre, à l'abri du vertige et défiant les précipices; mais allure lente, due à l'ampleur de sa taille.

Plus vite que les meilleurs chevaux arabes court l'hémione, et nous nous demandons pourquoi le Dziggetai, très-répandu dans le pays des Katch, au nord de Guzzerat, dans l'Inde, et dont on se sert à Bombay comme cheval de selle et de trait, n'a pas encore été acclimaté.

Puisque nous sommes dans l'Inde, nous parlerons de l'éléphant, le géant des bêtes de transport sinon la plus utile et dont on se sert dans diverses contrées de l'Asie. L'éléphant peut parcourir 80 kilomètres par jour en portant un poids de 1000 kilogrammes. D'après le chev. P. Armandi, auteur d'un ouvrage fort intéressant sur l'histoire militaire des éléphants, ces animaux ne pouvaient faire, avec une semblable charge, que 12 à 15 lieues par jour (48 à 60 kilomètres). «La marche ordinaire de l'éléphant, dit cet écrivain, n'est guère plus rapide que celle du cheval; mais, quand on le pousse, il prend une sorte de pas d'amble, qui, pour la vitesse, équivaut au galop. Il a le pied très-sûr, il marche avec circonspection et il lui arrive rarement de broncher. Malgré cela, c'est toujours une monture incommode, à cause de son balancement continuel et de son allure saccadée.»

L'éléphant était autrefois employé dans les combats et portait sur son dos une tour abritant cinq ou six soldats au plus, armés de piques ou de traits. Plus tard, le sénat romain attela deux éléphants aux chars des empereurs revenant vainqueurs de l'Orient. Aujourd'hui, l'éléphant sert aux voyages dans l'Inde. On lui met sur le dos soit une galerie découverte, de construction légère, simplement garnie de coussins, appelée howdah ou haudah, et qui peut contenir deux ou trois voyageurs, ou bien, pour les dames ou les grands personnages, une galerie couverte de rideaux de soie, ornée de banderoles et connue sous le nom d'a'méry.

Mais l'éléphant ne se reproduit pas dans la vie domestique; il lui faut la profondeur et le silence des forêts; aussi n'y a-t-il guère à espérer qu'il se répande jamais en Europe.

S'il ne l'emporte par la taille, le chameau l'emporte sur l'éléphant par les services qu'il rend aux populations africaines. C'est le navire du désert, a-t-on dit avec beaucoup de vérité. Et, en effet, les sables sahariens ne forment-ils pas une vaste mer mouvante qui a ses tempêtes, quand souffle le Simoun (les poisons), ou comme les Arabes le nomment: le Kamsin, «qui sèche l'eau des puits». «Dans le désert, l'homme redevient promptement un animal féroce; le soin de son propre salut le préoccupe à ce point qu'il ne se retournerait seulement pas pour secourir son semblable en danger4.» Si l'Arabe n'avait le chameau, quel autre animal pourrait lui faire parcourir le désert? Admirable prévoyance de Dieu qui, à côté de la vaste plaine brûlante, a mis la monture propre à en faciliter l'accès!

Tout le monde connaît la sobriété du chameau. Il peut marcher pendant des semaines entières, à raison de 16 à 18 heures par jour, avec un fardeau de 400 kilogrammes en moyenne, sans demander autre chose qu'un litre d'eau chaque jour, et une livre d'une nourriture quelconque: paille, orge, chardons, herbes ou noyaux de dattes. Pour une traversée de 40 à 50 heures, comme celle du Caire à Suez, il peut se passer de toute boisson et de toute nourriture.

La soumission du chameau, sa patience, ressemblent à celles du bœuf; mais tandis que l'un rentre dans la catégorie des bêtes de somme, l'autre appartient plus spécialement à celle des bêtes de trait. De même que le cheval, le bœuf se trouve dans tous les pays et partage avec lui les rudes travaux de l'agriculture. C'est dans les régions montagneuses et dans les pays chauds que l'usage du bœuf s'est le plus répandu. Là, il tire la charrue et fait tous les transports qui ne réclament pas de vitesse. Attelé au manége d'une noria, il peut développer un effort moyen de 60 kilogrammes, tandis que le cheval n'est capable de produire qu'un effort de 45 kilogrammes; sa vitesse, il est vrai, n'est, dans ce cas, que de 0m,60 par seconde, tandis que celle du cheval est de moitié plus grande, ou de 0m,90 dans le même temps.

À côté du bœuf viennent se ranger les membres de la même famille: le yack, des montagnes du Thibet, qui se monte et dont l'agilité est supérieure à celle du bœuf; le bison, qui abonde dans l'Amérique septentrionale, et que M. Lamare-Picquot a proposé d'acclimater en 1849, comme bête de trait et de boucherie.

Les usages que l'on tire du bœuf, lorsque l'âge ne lui permet plus de fournir un service actif, sont plus nombreux encore que ceux des différentes parties du corps du chameau. Sa chair, sa peau, sa graisse, son poil, ses cornes, ses os, ses nerfs, ses intestins, son sang, ses issus même, sont utilisés. Aussi, en pensant au culte public que les Égyptiens rendaient au bœuf Apis, est-on surpris qu'il n'ait produit que l'insignifiante et ridicule mascarade du bœuf gras, où les grands prêtres sont remplacés par des garçons bouchers, travestis en hercules assommeurs.

L'homme n'a pas d'autres auxiliaires dans les pays chauds et dans les pays tempérés que ceux dont nous venons de parler.

Dans les contrées septentrionales, en Russie, en Norwége, le renne remplace avantageusement le cheval. Il sert à la fois de bête de trait et de somme et peut faire jusqu'à 120 kilomètres par jour, se contentant seulement de quelques bourgeons, d'écorces ou de lichen qu'il déterre sous la neige.

Comme le renne, le chien se met au traîneau et rend au voyageur qui se lance sur les glaces des mers polaires de précieux services. Le docteur J. – J. Hayes, chirurgien de la marine des États-Unis, raconte ainsi la dernière partie de son voyage à la mer libre du pôle arctique: «Notre traversée n'a pas eu sa pareille dans les aventures arctiques… Les soixante-quinze derniers kilomètres, où nous n'avions plus que nos chiens, nous ont pris quatorze journées; et on comprendra mieux combien la tâche était rude, si l'on se rappelle qu'une semblable étape peut être parcourue en cinq heures par un attelage de force moyenne sur de la glace ordinaire, et ne le fatiguerait pas moitié autant qu'une seule heure de tirage au milieu de ces hummocks qui semblaient se multiplier sous nos pas. – Le chien de cette race court plus volontiers sur la glace unie avec un fardeau de cent livres, qu'il n'en traîne vingt-cinq sur une route qui le force à marcher à pas lents.»

Nous avons parlé de la plupart des quadrupèdes que l'homme emploie à le porter ou à le traîner. Mais il est un bipède que certains peuples de l'Afrique emploient aussi comme coursier: l'autruche. Sa force ne le cède en rien à la rapidité de sa course. Il semble voler; et on se fera une idée de sa vitesse quand on saura que le chasseur qui la poursuit est souvent forcé de courir huit à dix heures avant de l'atteindre.

Ainsi qu'on le voit, dans quelque pays, sous quelque latitude que l'homme se place, il trouve à ses côtés l'animal capable de suppléer à sa faiblesse et de prolonger sa course aussi loin qu'il le désire: mers de glaces ou de sables brûlants, il peut tout aborder. Est-il seul à voyager? il enfourche une monture; a-t-il lourd à porter? il attelle la bête à un véhicule. De force, il n'en a pas à produire et son cerveau peut être seul à travailler.

3

Le kilogrammètre, ou unité de travail, est le travail dû au poids de 1 kilogramme élevé à 1 mètre de hauteur.

4

M. du Camp, Orient et Italie.

Les Merveilles de la Locomotion

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