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LA SAVOIE PENDANT LE MOYEN AGE
ОглавлениеChâteau de Chambéry
Amédée V fut le premier prince de Savoie qui habita le château de Chambéry: il l’avait acheté à François, seigneur de La Rochette (1295). Les constructions qui subsistent actuellement datent du XVe siècle. Ce château fut brûlé en partie en 1743 et en 1798.
Le château de Ripaille
Ripaille en Chablais était au XIIe siècle un rendez-vous de chasse. Sa forêt était une des plus réputées pour son gibier. Le Comte Vert, admirateur du site merveilleux de Ripaille, y fit construire, de 1371 à 1377, un château pour sa femme Bonne de Bourbon. Ripaille, protégé par la Dranse et le lac Léman, avec ses arbres séculaires et ses terrains plats, propices aux vastes logis, se prêtait merveilleusement aux desseins du Comte Vert. Les boutiques bien achalandées de Genève et de Lausanne offraient, pour la vie matérielle, avec la petite ville si proche de Thonon, des ressources précieuses. Chambéry n’était qu’à une journée et demie, Aoste à trois jours; on pouvait surveiller de près les Valaisans. C’était un heureux choix politique dans un cadre grandiose. Les hôtes de la cour, en traversant cette petite mer du Léman, emporteraient une impression inoubliable quand ils verraient de tous côtés sur les rives fuyantes, flotter les pavillons aux armes de Savoie:
Sous la régence de Bonne de Bourbon et sous le Comte Rouge, il n’y eut pas d’année où la cour de Savoie ne fréquentât Ripaille, même l’hiver. Pendant le séjour de la cour, Ripaille devenait le centre du gouvernement car, au moyen âge, le siège du gouvernement se déplaçait et changeait de résidence avec le prince. Dans cet Etat, aux rouages encore peu compliqués, tout émanait, en effet, de la volonté du souverain. La Chambre des comptes et le Conseil résident de Chambéry expédiaient bien une partie des affaires administratives et- judiciaires, mais, dès qu’une question importante se présentait, ces magistrats venaient en conférer à la cour. C’étaient, d’ailleurs, des hommes rompus au maniement du cheval, insensibles aux difficultés du voyage.
Après la mort mystérieuse du Comte Rouge, Ripaille devint un prieuré (1410). Ripaille fut délaissé par la cour. L’ordre des chevaliers des saints Maurice et Lazare dissous, Ripaille revint à la couronne de Savoie. Au XVIe siècle, les chanoines de Ripaille sont célèbres par leur bonne chère.
Les protestants bernois occupèrent, après un siège, le château de Ripaille, le pillèrent et le brûlèrent.
Au XVIIe et au XVIIIe siècle, Ripaille fut une chartreuse.
Vendu comme bien national sous la Révolution, en l’an IV, le château fut acheté (1809) par le général Dupas, qui y mourut en 1823.
(D’après Max BRUCHET.)
1. Les invasions. — La domination franque. — Les invasions successives des peuples «barbares» dans l’empire romain en détruisirent l’organisation administrative, l’organisation judiciaire et l’organisation politique. Elles provoquèrent dans les anciennes provinces impériales des désordres et des perturbations sans nombre. Dans cette confusion extraordinaire, créée par l’arrivée incessante de nouveaux «barbares» qui ne connaissaient rien de la langue ou de la civilisation romaine, il y eut cependant un commencement d’organisation sociale.
Le roi franc eut pour lui toutes les terres des vaincus. Il en garda une partie pour lui-même et constitua ainsi son domaine particulier. L’autre partie, il la donna aux nobles de sa maison sous la condition qu’ils l’accompagnassent à la guerre. Ces nobles à leur tour répartirent une partie du domaine qu’ils tenaient du roi entre les guerriers fidèles qui les suivaient dans les combats.
2. Charlemagne et la Savoie. — La domination franque sur l’Europe occidentale fut remarquable surtout par le gouvernement du grand empereur Charlemagne, dont la gloire et les longues randonnées guerrières devaient inspirer les premiers poèmes de langue française. Charlemagne traversa plusieurs fois la Savoie pour aller combattre en Italie les Lombards, et la dota d’une organisation judiciaire et administrative. Par ses ordres, la Savoie fut divisée en 7 arrondissements ou «pagi» dont chacun fut administré par un comte ou baron, qui y exerça en son nom l’autorité civile et militaire.
Lors du démembrement de l’empire de Charlemagne entre ses fils (traité de Verdun 843), la Savoie fut comprise dans la part de Lothaire. Au XIe siècle, après une série de guerres et de partages de territoires, la Savoie faisait finalement partie de l’empire germanique.
3. Invasion des Sarrasins. — Du traité de Verdun au XIIe siècle, la plus grande confusion politique et sociale ne cessa de régner en Europe. Comme pour accroître ce désordre, la Savoie fut saccagée par des invasions sarrasines, la France par les Normands, l’Allemagne par les Hongrois.
Maîtres des principaux passages des Alpes, notamment du Grand-Saint-Bernard, du Petit-Saint-Bernard et du Mont-Cenis, les Sarrasins descendirent dans les vallées inférieures qu’ils pillèrent périodiquement, semant l’épouvante parmi les populations. Les rois et les empereurs, trop faibles pour protéger par leurs seules forces l’ensemble des pays leur appartenant, contre ces «nouveaux barbares», laissèrent les comtes et les barons isolés, assurer comme ils le purent la défense de leurs terres. Comtes, barons, nobles devenus indépendants, furent à leur tour de véritables petits rois. Ainsi fut constituée la féodalité.
Dans les châteaux forts qu’ils construisirent pour résister aux Sarrasins, ils rendirent la justice pour leur compte, frappèrent de la monnaie et levèrent des impôts comme les rois. En Savoie, les seigneurs les plus importants de cette époque furent les barons de Faucigny, les comtes de Genevois, les comtes de Maurienne qui avaient agrandi leurs domaines par suite des récompenses reçues de l’empereur germanique pour leurs victoires sur les Sarrasins.
4. L’anarchie féodale. — Le XIIe siècle ne vit pas d’invasion nouvelle, mais des batailles incessantes entre les nobles seigneurs qui s’assiégeaient ensuite dans leurs châteaux forts. Ce fut un temps de grande misère pour le peuple. Cette anarchie féodale dura jusqu’à ce que l’une des familles seigneuriales, devenue plus puissante que les autres, pût imposer la paix par la force. Cette famille fut, en Savoie, celle des comtes de Maurienne.
5. Les origines de la Maison de Savoie. — Les comtes de Maurienne, dont les descendants devaient par la suite devenir comtes, puis ducs de Savoie, rois de Sardaigne, enfin rois d’Italie au XIXe siècle, avaient pour ancêtre, dit une légende, Bérold de Saxe qui aurait été fait comte de Maurienne par l’empereur germanique au XIe siècle.
Le premier comte de Maurienne sur lequel nous ayons des données certaines est le comte Humbert aux Blanches-Mains, dont le tombeau se trouve dans l’église de Saint-Jean-de Maurienne. D’après M. Bruchet, la supposition la plus vrai semblable que l’on puisse faire, touchant les origines de Humbert aux Blanches-Mains, est qu’il n’était ni Italien, ni Allemand, mais simplement un gallo-romain, originaire de la Maurienne, dont le père avait dû édifier sa fortune au moment de l’invasion des Sarrasins et avait pu obtenir de l’empereur germanique d’importants agrandissements de territoire en récompense du courage qu’il avait montré dans l’expulsion de ces barbares. Humbert aux Blanches-Mains régna de 980 à 1050. Il avait des terres en Maurienne, dans le Bugey, dans la vallée de l’Isère. Il possédait le bas Chablais et, en Italie, le Val-d’Aoste.
6. Le Chablais et la Maison de Savoie au moyen âge. — A partir du XIIIe siècle, les descendants d’Humbert aux Blanches-Mains prirent comme base d’opération pour développer leur puissance, non pas la Maurienne et la vallée de Chambéry, mais le Chablais. A cette époque, le Chablais comprenait non seulement l’actuel arrondissement de Thonon avec les vallées de Bellevaux, d’Aulps, d’Abondance, de la Morge, mais encore les deux rives de la partie haute du lac Léman qui appartiennent aujourd’hui aux deux cantons suisses de Vaud et du Valais.
Ce choix du Chablais, comme base de leurs opérations en vue de leur agrandissement, indiquait chez les comtes de Maurienne le désir de reconstituer à leur profit l’ancien royaume de Bourgogne tel qu’il avait existé sous le roi Rodolphe, lors du démembrement de l’empire de Charlemagne. Ce royaume s’étendait des Alpes à la Franche-Comté avec la Haute-Savoie, le Val-d’Aoste, le Valais, la Suisse romande, l’Oberland, une partie du canton de Berne et la Franche-Comté. Les comtes de Maurienne, devenus comtes de Savoie, puis ducs, devaient poursuivre ce dessein de restauration de la monarchie de Bourgogne jusqu’au règne d’Emmanuel-Philibert (fin du XVIe siècle), c’est-à-dire pendant trois siècles.
7. Amédée VI, dit le comte Vert. — Du XIIIe au XVIe siècle, les deux princes les plus remarquables de la Maison de Savoie furent Amédée VI, dit le comte Vert, et Amédée VIII.
Amédée VI, appelé le comte Vert parce qu’un jour il parut dans un tournoi de chevalerie revêtu d’une armure peinte en vert, épousa Bonne de Bourbon et fut un ami des rois de France. Il soutint Charles V contre les Anglais (guerre de cent ans).
A l’exemple de Duguesclin qui entraîna en Espagne les Grandes Compagnies, le comte Vert lutta contre les bandes de routiers et de tard-venus qui désolaient le Beaujolais, le Lyonnais, la Bresse, etc. Il en débarrassa le Sud-Est de la France en essayant de les entraîner en Hongrie par l’Alsace et dans une croisade contre Constantinople.
En 1381, le comte Vert était représenté par son fils au sacre de Charles VI à Reims. Il mourut de la peste près de Naples, en 1383. Il demanda par testament à être enterré à l’abbaye d’Hautecombe, sur les bords du lac du Bourget.
Son fils Amédée VII, qui lui succéda et fut surnommé le comte Rouge, réunit pour la première fois la ville de Nice à la Savoie en 1388. Il mourut empoisonné à Ripaille.
8. Amédée VIII, premier duc de Savoie (1391-1451). — Organisation et agrandissement du duché. — Ce règne marque l’apogée du régime féodal en Savoie. Pendant les soixante années qu’il dura, aucune guerre ne dévasta le pays. A la faveur de cette paix prolongée, Amédée VIII accomplit un grand nombre de réformes heureuses.
En 1416, il obtint de l’empereur Sigismond l’érection du comté de Savoie en duché. Il organisa ensuite le pouvoir ducal sur des bases solides en assurant déjà une sorte de séparation des pouvoirs entre l’administration et la justice.
Il créa à Chambéry une cour de justice permanente, qu’il appela le Conseil résident, qui devait donner naissance, au XVIe siècle, au Sénat de Savoie.
Les questions financières, les vérifications des comptes de dépenses du trésor ducal, l’administration des domaines ducaux furent confiées aux soins de la Chambre des comptes siégeant également à Chambéry.
Il publia en 1430 un Code de lois (Statuta Sabaudiæ). C’était pour l’époque une innovation heureuse et très hardie. Elle simplifiait des procès que rendait interminables l’enchevêtrement des juridictions féodales.
La Savoie fut divisée en circonscriptions administratives appelées bailliages. A la tête de chacune d’elles, il mit un bailli. Le bailli était à la fois un chef militaire et un administrateur. Il avait sous ses ordres les châtelains qui rendaient la justice et percevaient les impôts.
La résidence préférée d’Amédée VIII fut le château de Ripaille sur les bords du Léman. C’est là que des envoyés vinrent le chercher pour le faire élire pape en 1440 sous le nom de Félix V.
La longue paix de ce règne de soixante ans (car Amédée VIII continua à diriger les affaires de Savoie pendant son pontificat), la modération et l’équité de son gouvernement donnèrent à nos contrées une tranquillité inconnue jusqu’alors. Un chroniqueur contemporain, Olivier de la Marche, dit que la Savoie était «un pays si sagement gouverné qu’il était le plus riche, le plus sûr et le plus plantureux de tous ses voisins ».
A la mort d’Amédée VIII, les ducs de Savoie étendaient leur puissance sur la Maurienne, la Tarentaise, la vallée de Chambéry, la Bresse, le Bugey (Valromey), le pays de Gex, le Faucigny, le pays de Vaud, le Genevois, le Chablais, et, au-delà des Alpes, sur le Val de Suse, le Val d’Aoste, le Piémont.