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PRÉFACE
ОглавлениеM. Ch. FAUBERT, inspecteur d’Académie à Chambéry, Agrégé d’Histoire.
Les manuels d’histoire à l’usage des écoles primaires ne manquent pas, mais, la plupart sont franchement mauvais, et, les meilleurs, eux-mêmes, présentent un défaut qui les rend d’une utilité contestable: ils sont, presque tous, inintelligibles pour les enfants auxquels ils sont destinés.
En vain, les auteurs s’efforcent-ils vers la simplicité et la clarté, en vain, tentent-ils, parfois aux dépens de la vérité historique, de synthétiser les faits et de se mettre ainsi à la portée de leurs jeunes lecteurs, ceux-ci sont rarement intéressés par le texte de leurs manuels, et, si quelques gravures ne leur illustraient ce texte, celui-ci serait souvent pour eux un grimoire indéchiffrable.
L’enfant, en effet, répugne aux généralisations, aux abstractions; le bon écolier d’esprit alerte et éveillé, lui-même, ne fixe son attention que sur les notions qu’il peut contrôler, vérifier par lui même.
Qu’il s’agisse de calcul, d’histoire naturelle ou de morale, si le maître ne lui fait pas constater, par le maniement d’objets matériels, l’exactitude du problème qu’il vient de résoudre, s’il ne lui met sous les yeux l’insecte ou la plante qu’il décrit, s’il ne lui montre chez un individu qu’il connaît, la vertu qu’il loue, si, en un mot, il ne le place en face de la réalité, l’écolier ne comprend pas; s’il est étourdi et léger, il laisse vagabonder son esprit et pense à la récréation prochaine; s’il est sage et laborieux, et s’il a de la mémoire, il tâche de retenir les mots qui ont été prononcés devant lui et de les répéter, mais sans même essayer d’en pénétrer la signification.
Comment, dans ces conditions, l’enfant pourrait-il s’intéresser à l’étude de l’histoire telle qu’elle lui est présentée d’ordinaire par les manuels?
Pour lui qui n’a jamais quitté son village, qui n’a rien vu au-delà du coin de terre dans lequel il vit, il est déjà difficile de comprendre que ce coin de terre qui lui parait immense, n’est qu’un point imperceptible dans ce grand pays qui est le sien et qu’on appelle la France.
Qu’on lui dise après cela que la France ne s’est pas toujours appelée ainsi, qu’autrefois elle a porté le nom de Gaule, qu’elle a été inculte et couverte de forêts au milieu desquelles vivaient des demi-sauvages, nos lointains ancêtres, qu’on mette aux prises ces Gaulois avec les Romains, les Francs, tous les conquérants, dont l’amalgame a formé la race française, qu’on essaie de lui raconter la féodalité, les croisades, le mouvement communal, la Révolution, tous ces grands événements qui jalonnent notre histoire, le laisseront indifférent et inattentif, parce qu’ils n’ont pas de lien avec la réaclité qu’il peut concevoir. Ce sont pour lui des contes, et ces contes, dépourvus de merveilleux, l’intéressent moins que Barbe-Bleue ou Peau d’âne, ou les romans de policiers et de brigands qui, à notre époque, hélas! ont remplacé pour les enfants les contes de fées.
Aussi, les résultats donnés par l’enseignement de l’histoire à l’école primaire sont-ils médiocres et si peu encourageants que des esprits pessimistes ont pu parler de supprimer de nos programmes cet enseignement qui constitue pour eux une surcharge inutile.
La connaissance de l’histoire nationale ne doit pourtant pas être réservée à quelques privilégiés; il n’est pas admissible que, dans un pays de suffrage universel, la masse des citoyens ignore ce passé dont les événements multiples réagissent avec tant de force sur le présent, il n’est pas possible que les Français ne sachent pas comment s’est faite la France.
Au lieu de supprimer l’étude de l’histoire, il fallait donc réorganiser cette étude de façon à la rendre plus facile, plus attrayante, de façon à la mettre à la portée des écoliers.
Commencée en 1905, lors de la réforme des programmes des écoles normales, cette réorganisation a été accomplie définitivement par M. Maurice Faure, ministre de l’Instruction publique. La circulaire adressée aux Recteurs le 25 février 1911 par M. Maurice Faure trace à l’enseignement de l’histoire un programme qui, appliqué avec intelligence, a déjà, dans un grand nombre de régions, renouvelé complètement cet enseignement.
M. Maurice Faure s’est souvenu du mot de Michelet: «L’histoire est une résurrection» ; il ne faut pas raconter les faits aux enfants, il faut lés faire revivre devant leurs yeux, et ces faits ne peuvent renaître que dans le cadre où ils se sont déroulés.
L’histoire est une résurrection, et «comment réussira-t-on mieux à la rendre telle aux yeux de l’enfant, qu’en la plaçant dans le cadre de son existence quotidienne, qu’en lui rappelant les faits dont sa région a été le théâtre, en lui racontant la vie de ceux de ses aïeux dont la mémoire a mérité de survivre, en lui montrant, tout près de lui, des sites, monuments, ruines, vestiges divers, propres à faire naître des visions évocatrices et de fortes impressions? La montagne qui borne l’horizon, la rivière qui traverse la plaine, la mer éternellement changeante, les mille aspects de la nature environnante, feront le sujet d’intéressantes causeries géographiques et fixeront dans son esprit les premières notions générales. Le dolmen de la lande évoquera le souvenir de la préhistoire. A la vue de l’antique château dont la silhouette se profile sur le ciel, de la cathédrale ou de l’abbaye, de la modeste église de village, de la vieille maison commune, un commentaire sobre, mais imagé, fera apparaître et revivre en quelque sorte le moyen âge. La statue du glorieux soldat, qui se dresse sur la place publique, illustrera le récit familier des épopées héroïques de la Révolution et de l’Empire. Ainsi placés, non dans un cadre imprécis et vague, mais dans leur milieu même, les faits deviendront plus impressionnants, les personnages plus réels. Ainsi, nourrie pour ainsi dire des sucs du terroir, l’étude de l’histoire nationale sera plus vivante et mieux comprise».
L’appel de M. Maurice Faure a été entendu, et, dans la plupart des départements, se sont fondées des «Sociétés des études locales dans l’enseignement public», ayant pour but de faire connaître l’histoire locale aux maîtres et aux élèves des écoles et d’éclairer par elle l’étude de l’histoire nationale.
L’une des plus prospères de ces sociétés a été organisée près de nous, à Lyon, par un maître éminent de l’Université, M. Kleinclausz, professeur d’histoire du moyen âge à la Faculté des lettres. Sous sa direction, sept conférences ont été faites pendant l’hiver 1911-1912, qui, réunies en un petit volume, constituent un résumé excellent de l’histoire de Lyon et du Lyonnais.
Jusqu’ici rien de semblable n’avait été fait en Savoie. Il existait bien des histoires de Savoie, mais quelle que fût leur valeur, aucune d’elles n’était spécialement destinée aux instituteurs et aux élèves, aucune d’elles n’était le manuel clair et pratique, permettant aux écoliers de bien connaître l’histoire de leur province et de comprendre par elle l’histoire de France.
Pourtant ce manuel était ici plus nécessaire que partout ailleurs. Dernière venue à l’unité française, la Savoie, il est inutile de le démontrer, a une originalité supérieure à celle de n’importe quelle région. Etat indépendant jusqu’à une époque que bon nombre de nos contemporains ont encore connue, tantôt ennemi, tantôt allié de la France, parfois réuni à elle, elle a subi le contre-coup de tous les événements, qui se sont succédés chez sa puissante voisine, et, rien ne peut mieux faire saisir à nos élèves ces grands événements, que l’étude de la répercussion qu’ils ont eue chez leurs ancêtres savoyards. C’est donc ici surtout que devaient être appliquées les instructions de M. le Ministre de l’Instruction publique.
C’est ce qu’ont compris MM. Christin et Vermale, et c’est de ces instructions qu’ils se sont inspirés, en écrivant pour les écoliers de Savoie, le petit manuel d’histoire de Savoie qu’ils m’ont fait l’honneur de me présenter.
Fruit de la collaboration d’un maître expérimenté, pratiquant avec succès dans sa classe les bonnes méthodes pédagogiques, et d’un érudit passionné pour les études historiques dont la compétence est attestée par des travaux remarquables sur l’histoire de la Savoie, ce manuel, sans haute prétention scientifique, peut être donné en modèle, tant par le choix heureux du plan et la clarté de l’exposition, que par la sûreté de l’information.
Présenté sous la forme de leçons habilement découpées et bien composées, il constitue un cadre dans lequel les instituteurs pourront facilement faire entrer les différentes périodes de l’histoire nationale. Les lectures, parfaitement choisies, qui accompagnent chaque leçon, les gravures qui illustrent le texte, tout contribue à faire de ce petit ouvrage une œuvre excellente qu’on trouvera bientôt, je l’espère, dans toutes les écoles des deux départements savoyards où elle «facilitera la tâche du maître et le travail de l’élève, fera mieux connaître à l’un et à l’autre la petite patrie, et, par la petite patrie, fera mieux connaître et aimer la grande».
Ch. FAUBERT.