Читать книгу L'histoire de la Savoie - F. Christin - Страница 13

Lectures

Оглавление

Table des matières

I.

La révolte des Arves au XIVe siècle.

La révolte des Arves est le fait le plus important qui se soit produit en Maurienne pendant le moyen âge. Nous trouvons les principaux détails de cet événement dans le contrat d’association passé le 2 février 1327 entre Edouard, comte de Savoie, et l’évêque de Maurienne Aimon.

Aimon de Miolans, évêque de Maurienne et seigneur des Arvains, était d’une rapacité sans pareille. Les habitants de la vallée des Arves voyaient à côté d’eux les sujets des comtes de Savoie payant beaucoup moins de taxes et plus heureux. Aussi les révoltes furent-elles nombreuses. Peut-être même les comtes de Savoie les encourageaient-ils secrètement.

En 1327 l’évêque s’était rendu à son château d’Arve accompagné de son frère, de quelques chanoines et d’un certain nombre de domestiques pour y jouir de la villégiature. Les Arvains se précipitèrent sur la demeure épiscopale et y mirent le feu; ils tuèrent plusieurs familiers du prélat et poursuivirent ce dernier jusqu’au delà de Saint-Jean-de-Maurienne. Aimon n’échappa que par miracle à la fureur de ces paysans qui voulaient le mettre à mort. La ville et les environs prirent parti pour les révoltés; aussi l’évêque ne se crut-il en sûreté, lui et ses chanoines, que dans la collégiale de Sainte-Catherine d’Aiguebelle, que protégeait le fort de Charbonnières.

Jamais le pouvoir temporel des seigneurs ecclésiastiques de la Maurienne n’avait couru un aussi grand danger. Aimon dépêcha aux rebelles «des hommes religieux, nobles et puissants, pour que ses sujets révoltés s’abstinssent de tant l’inquiéter et se rendissent sous sa subjection et obéissance» Ce fut peine perdue. Le temps s’écoulait, l’insurrection gagnait du terrain; il devenait urgent de prendre une détermination énergique.

Dans cette extrémité, l’évêque eut recours au comte de Savoie Amédée X et consentit à l’associer à la moitié de toute sa juridiction temporelle, à condition que le prince se chargerait de réduire les rebelles à l’obéissance.

Les documents contemporains ne nous apprennent pas de quelle façon s’y prit le comte de Savoie. Il y a tout lieu de croire que le simple déploiement des troupes du prince suffit pour arrêter la révolte, car tout rentra dans l’ordre. Les habitants de la Maurienne avaient atteint en grande partie le but de leurs désirs, puisqu’ils pouvaient désormais regarder le comte de Savoie comme leur chef.

(D’après Eugène BURNIER.)

II.

Un duel judiciaire au moyen âge.

A la cour du comte Rouge, au château de Ripaille, s’éleva vers 1390 une rivalité d’influence entre deux chevaliers, Otton de Grandson, seigneur de Sainte-Croix, et Rodolphe de Gruyère, sire de Montsalvens. Cette rivalité se précisa et s’aggrava au sujet des droits que Grandson et Rodolphe prétendaient avoir sur la seigneurie d’Aubonne près du Léman.

Amédée VII ayant montré quelque penchant pour la cause. de Rodolphe, Grandson, très irritable, en conçut une secrète rancune. Il vint rejoindre son souverain à Ripaille et suborna un des médecins de la cour nommé Grandville, qui se disait originaire de Bohême. Ce dernier, à l’aide d’un breuvage, empoisonna le comte de Savoie (2 novembre 1391).

Grandville se sauva aussitôt sur les terres de Grandson et, pour calmer l’opinion publique, Pierre de Comynes, apothicaire de la cour, fut supplicié à Chambéry en juillet 1393.

En 1396 Grandson revint dans ses terres, croyant que l’émotion du drame de Ripaille était calmée. Mais son retour sur les bords du Léman souleva une tempête. D’un mouvement spontané, trahissant une conviction profonde, gentilshommes et gens du peuple s’unirent, dans le pays de Vaud, pour punir celui qu’ils accusaient avoir été complice du meurtre du comte de Savoie.

Un pauvre chevalier, Gérard d’Estavayes, se fit le champion de l’opinion publique. Il se présenta devant le bailli de Vaud, accusa Grandson d’avoir «faulsement et maulvaisement esté consentant» de la mort d’Amédée VII et demanda à vider l’affaire en duel judiciaire à Moudon. Le bailli renvoya les deux adversaires devant le comte de Savoie. Celui-ci décida que le duel aurait lieu à Bourg le 7 août 1397.

«Et advint de cette bataille, suivant le récit d’Olivier de la Marche, que messire Otton de Grandson fut abattu et navré à mort; et fut la fin si piteuse que son ennemy lui leva la visière de son bassinet et lui creva les deux yeux en lui disant: «Rends-toy et te desditz» ce que le bon chevalier pour détresse qui lui fut faicte, ne se voulut oncques dédire ne rendre et disoit toujours tant qu’il peult parler: «Je me rends à Dieu et à madame Saincte Anne.» Et ainsi mourut.»

La nouvelle de sa défaite fut accueillie avec allégresse dans le pays de Vaud. La ville de Vevey, par exemple, donna de l’argent à «plusieurs compagnons qui témoignaient, par des cris et des trépignements, leur joie de la mort d’Otton de Grandson».

(Le château de Ripaille).

D’après Max BRUCHET.

III.

Guignes de Fésigny et Jacques de Montmayeur.

La haute magistrature de Chambéry compta dans ses rangs une noble victime du devoir: le président Guigues de Fésigny, dont les légendes savoisiennes ont popularisé le courage et la mort. Voici ce que l’histoire nous apprend sur ce haut personnage.

Le 28 janvier 1461, Louis, duc de Savoie, étant à Carignan, ordonna d’arrêter le comte de Montmayeur en quelque endroit qu’il se trouvât, sauf les lieux sacrés, et de s’emparer du château où il pourrait s’être réfugié. Cette mesure avait pour cause des crimes très graves commis par le comte contre l’Etat et la personne du prince, et qu’on ne pouvait laisser impunis. Le mandat d’arrêt fut confié à Guigues de Fésigny, avec menace, s’il ne l’exécutait pas, d’être privé de sa charge et d’encourir l’indignation du souverain.

Or, Guigues de Fésigny, de par le droit féodal, devait obéissance à Jacques de Montmayeur; le fief de Fésigny, dépendant de la baronnie de Cusy, relevait des Montmayeur.

S’il faisait arrêter le maréchal, il se rendait coupable de félonie et s’exposait à une vengeance certaine; s’il désobéissait au souverain, il courait le risque de perdre sa dignité et peut-être la vie. On comprend dans quelle perplexité dut le jeter pareille alternative.

Fésigny n’écouta que la voix du devoir. Montmayeur fut condamné à une amende de 100 marcs d’or et on s’empara de son château de Cusy pour garantie du paiement. Mais telle était malgré cela sa puissance, qu’une nouvelle sentence, rendue cette fois par le Conseil du prince, lui fit la remise de l’amende et ordonna que son château lui serait rendu.

Montmayeur n’était pas homme à se contenter de cette réhabilitation; il obtint du duc Louis des lettres qui lui permettaient d’arrêter de Fésigny comme coupable de félonie et défendaient à tous les sujets de prêter main-forte au président. Le maréchal fit saisir ce magistrat sur son siège en pleine audience. En vain Fésigny invoqua-t-il un titre de clerc qui le rendait inviolable. Montmayeur passa outre et fit conduire son adversaire en son château d’Apremont. Du fond de sa prison, le président écrivit au duc une lettre touchante où il lui faisait l’exposé de sa triste situation et de celle de sa famille. Avant que la missive ne fût parvenue à son adresse, Montmayeur avait nommé quatre commissaires pour juger Fésigny comme coupable de félonie.

L’arrestation du magistrat fidèle produisit en Savoie une émotion générale. On s’apitoyait sur le sort de cette victime du devoir. Amédée IX, qui venait de succéder à son père, apprit à Bourg-en-Bresse l’événement qui préoccupait si fort les esprits et enjoignit aussitôt à Jacques de Montmayeur de se désister de toute poursuite contre Fésigny.

Hugues Roffier, procureur fiscal de Savoie, et le vice-châtelain de Chamhéry partirent le 31 janvier avec deux hérauts pour porter au château d’Apremont les ordres d’Amédée IX. L’entrée du château leur fut refusée, et, dans les premiers jours de février, on apprit que les commissaires du comte avaient condamné le président de Fésigny à la peine de mort et que la sentence avait été exécutée immédiatement par un valet remplissant l’office de bourreau.

Une tradition populaire rapporte que Montmayeur mit la tête de sa victime dans un sac à procès, vint la déposer sur le bureau du Conseil résident de Chambéry et s’enfuit pour ne plus jamais reparaître en Savoie. La légende ajoute que le duc Amédée IX fit raser le château des Montmayeur et n’en laissa que deux tours pour rappeler le châtiment en même temps que le forfait. Tous ces détails sont faux. Amédée IX ordonna bien d’informer contre l’auteur de ce crime. Montmayeur fut bien condamné à avoir ses biens confisqués, mais jamais la sentence ne fut exécutée.

D’après Eugène BURNIER.

(Histoire du Sénat de Savoie.)

L'histoire de la Savoie

Подняться наверх