Читать книгу Souvenirs de la persécution soufferte par le clergé du diocèse de Maurienne - Francois Molin - Страница 4
PRÉAMBULE
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Constitution civile du clergé. — Entrée des Français en Savoie. — Situation du clergé de la Savoie. — Réunion de la Savoie à la France. — Organisation du département du Mont-Blanc. — Proclamation des commissaires Grégoire et Simon.
Il y avait déjà quelques années que la France était en fermentation par la convocation des États Généraux, et que ce royaume, autrefois si florissant, était sur le penchant de sa ruine. L’assemblée nationale s’était déclarée législative et forçait le souverain à sanctionner ce qu’elle décrétait. Les législateurs, en changeant les bases du gouvernement civil, voulurent attenter à la discipline de l’Eglise; ils décrétèrent ce qu’on appelle la Constitution civile du clergé, et obligèrent tous les ecclésiastiques, tant réguliers que séculiers, à jurer de la maintenir. Le clergé du premier ordre refusa presque unanimement, puisque de 131 évêques il n’y en eut que quatre qui prêtèrent ce serment; tous les autres furent exilés, et quatre eurent l’honneur de souffrir le martyre. Un grand nombre de membres du clergé du second ordre sortirent de leur patrie; cependant, il faut l’avouer, plusieurs eurent la faiblesse de prêter le serment exigé ; ce- qui fut la cause du schisme qui s’est introduit en France.
Depuis quelques mois, nous voyions passer en Maurienne, presque chaque jour, des prêtres déguisés, qui s’expatriaient et se rendaient en Piémont; d’autres s’étaient fixés en Savoie.
Les choses en étaient là, lorsque le roi de Sardaigne, craignant une invasion de la part des Français dans ses États, envoya des troupes en Savoie pour former un cordon sur la frontière.
Le 22 septembre, jour mémorable, jour où l’on célèbre la fête de Saint-Maurice, protecteur des États de Sa Majesté, les Français partent de Barraux et entrent en Savoie. Les troupes du roi de Sardaigne se retirent sans se mettre en état de défense; en sorte que notre pays tombe, en une matinée, sous la domination des Français. A leur entrée, tout est dans l’alarme; les prêtres réfugiés en Savoie en sortent avec précipitation, s’en vont les uns en Suisse, les autres en Piémont; quelques-uns de Savoie, effrayés, partent aussi, mais ils reviennent dans peu. Il n’y a que notre évêque de Maurienne, Mgr Compans de Brichanteau, qui se réfugie en Piémont, parce qu’étant originaire de ce pays, et, d’ailleurs, ayant beaucoup parlé, dans des missions qu’il fit en différentes paroisses de son diocèse, contre le gouvernement qui s’établissait en France, il n’aurait pas été en sûreté dans son diocèse.
Quelque temps après, on convoqua à Chambéry une assemblée générale de toute la Savoie. On y députa un citoyen de chaque commune, pour y porter le vœu du peuple. Trois choses furent proposées: ou se réunir à la France, ou former en Savoie une république alliée à la France, ou, en demeurant attachés à son légitime souverain, se regarder comme pays conquis. Les émissaires des patriotes et des rebelles de Savoie avaient eu soin d’engager le peuple à demander la réunion de la Savoie à la France; ce fut donc le vœu porté par le député de chaque commune, mais avec la restriction expresse qu’on ne toucherait en rien à la religion, et qu’on n’exigerait pas des prêtres savoyards le serment qu’on avait exigé des prêtres français.
Dans cette assemblée, dite des Allobroges, on fit toutes ces promesses, et on décréta la réunion de la Savoie à la France, pour ne faire qu’une république indivisible et démocratique. Cependant, malgré ces protestations, nous n’étions pas sans inquiétude: dès que nous ne formions qu’une même république, nous ne devions avoir que les mêmes lois; nous craignions, ce qui nous est enfin arrivé, qu’on exigeât du clergé de Savoie le serment qu’on avait exigé de celui de France.
Quatre commissaires, députés de Paris pour organiser la Savoie, à laquelle on donne le nom de département du Mont-Blanc, se transportent à Chambéry; du nombre était l’abbé Grégoire, évêque constitutionnel, et l’abbé Simon, originaire savoyard, déjà ci-devant proscrit, et qui fut guillotiné en après, à Paris. Dans l’organisation du département du Mont-Blanc, entre autres choses, les commissaires publièrent une proclamation, en date du 8 février 1793, par laquelle ils exigent de tous les ecclésiastiques et de tous fonctionnaires publics le serment de maintenir l’égalité et la liberté, et de mourir en les défendant, et ordonnent à ceux qui refuseraient ce serment de sortir de la République. Ce qui nous détermina à le refuser, c’est que dans l’explication qu’ils donnèrent à ce sujet, il était dit que quiconque contreviendrait à quelques lois émanées ou à émaner serait censé parjure; or, la constitution civile du clergé était au nombre de ces lois. Ainsi, après la publication de la proclamation ci-dessus, la plus grande partie des ecclésiastiques du diocèse de Maurienne se réfugièrent en Piémont; quelques-uns, mais en petit nombre, séduits par l’apparente légitimité du serment exigé, ou effrayés par l’exil et la difficulté de sortir du territoire de la république, prêtèrent le serment, que cependant quelques-uns rétractèrent bientôt après.