Читать книгу Trois jours en Savoie. Congrès des clubs alpins à Annecy (août 1876) - François Descostes - Страница 4
ОглавлениеA ANNECY
Le port, c’est Annecy!...
Annecy! Nom plein de douceur, prélude de mille enchantements!
Sur le quai de la gare, voici, entouré de son état-major, M. Camille Dunant, président du Club Alpin annécien, le digne général de cette phalange, qui est au feu depuis trois mois et qui attend, impatiente, l’effet que vont produire, — non pas, Dieu merci, ses torpilles ni ses mitrailleuses, — mais les ingénieuses surprises qu’elle a semées sous les pas de ses hôtes.
Les voici bien, ces lieutenants revêtus de leurs insignes verts, rouges ou blancs: Carron, Pichollet, Crettet, Léonce Duparc, Louis Boch, Alexis Dunand, Eugène Tissot, Mangé, Eloi Serand et tant d’autres...
Il s’agit de divulguer les beautés de la terre natale de donner le coup de grâce aux préjugés des géographes de fantaisie et des voyageurs en robe de chambre.
Rentiers, avocats, notaires, artistes, négociants, ingénieurs, médecins, simples ouvriers, toutes les conditions, toutes les opinions, tous les âges ont apporté leur concours à l’œuvre, sans arrière-pensée, sans rivalité, avec un complet effacement personnel, sans autre ambition que celle de se surpasser en dévouement... Beau et malheureusement trop rare spectacle que celui de cette ville où le patriotisme provincial, — comblant un instant les abîmes que creuse la politique, — rapproche tous les partis et réunit tous les cœurs sur le terrain neutre d’une noble et généreuse idée !
Les vivats et les joyeuses sonneries de la Fanfare municipale dirigée par M. Gentil et présidée par MM. Blanchet et Buttin, se mêlent aux souffles précipités de la locomotive; on se serre la main,... sans se connaître encore; et bientôt, superbe d’allure, compact, sac au dos et voiles au vent, le bataillon international s’achemine vers l’intérieur de la cité.
Les Italiens marchent en tête; deux vaillantes ascensionnistes, Mmes Martelli et Chiapusso, ouvrent la marche; leurs compatriotes se distinguent à première vue, par l’éclat et la solidité de leurs insignes, qui représentent un aigle royal, ailes éployées, prenant son vol d’un écusson d’argent. Les Suisses qui ont accouru en rangs serrés à l’appel de leurs voisins, viennent ensuite; ils portent la plume blanche et rouge au chapeau et la décoration en étoffe, aux initiales S. A. C., à la boutonnière.
Voici les Lyonnais, les plus nombreux et les plus joyeux de tous; puis, les jeunes touristes du collége Rollin; puis les députations de Paris, de Nancy, de Marseille, de Besançon, de Bordeaux, de Bourg, de Grenoble, de Briançon, de Vesoul et de Calais, et enfin le Club Alpin Savoyard, formant la gauche: Chambéry en tête, La Tarentaise à la suite, Aix-les-Bains et Rumilly au centre, Annecy en serre-file 1.
La ville est en fête, une foule énorme encombre la rue Royale et pousse des hourrahs; balcons et fenêtres sont pavoisés aux couleurs italiennes, suisses, anglaises, américaines et françaises; de gracieux visages s’épanouissent à tous les étages; des gerbes de fleurs tombent sur le passage du cortége et il n’est pas jusqu’aux alpinistes chevronnés, prêts à doubler la cinquantaine, qui ne se croient revenus aux fraîches émotions de la vingtième année. Soleil sénégalien et fatigues de la route, tout est bien vite oublié, grâce aux parfums des fleurs de la bienvenue et à la brise du lac, dont nous abordons les rives.
A l’Hôtel-de-Ville, l’adjoint au maire, M. Bru-nier, nous reçoit dans le salon d’honneur et nous salue en termes émus, au nom de la cité ; M. D’A-nières lui répond, en l’absence momentanée de M. Joanne, au nom du Club Alpin français. M. César Isaïa, membre de la Direction centrale de Turin, la main sur le cœur, dit aux applaudissements de l’assistance:
«Ce n’est pas la langue, c’est le cœur ici qui doit parler! C’est avec le cœur qu’au nom de l’Italie vous me permettrez, en vous disant merci, de pousser ce double vivat: Vive la France! Vive la Savoie!... »
L’électricité est dans l’air, la glace est rompue, la fusion est faite et l’on n’a plus qu’à s’abandonner tête baissée, aux étreintes de l’hospitalité.
Mais ce qui nous frappe, dès la première heure, c’est la prévoyance minutieuse et l’esprit pratique avec lesquels nos confrères annéciens ont paré aux moindres détails d’une réception, la première de ce genre qui eût lieu en France et dont l’organisation était chose entièrement nouvelle.
On s’est distribué les attributions et les rôles: des commissaires sont affectés à chaque section; d’autres, à chaque partie du programme. Aucun désordre, aucun froissement, aucun oubli... Tout a été prévu, tout arrive à point nommé, sans que ces mains invisibles, qui tiennent les mille fils de ce réseau compliqué, trahissent leur modeste incognito .
Un bureau de renseignements, ouvert en permanence, est installé à l’Hôtel-de-Ville. On y reçoit son billet de logement, on s’y inscrit pour le banquet du soir ou les courses du lendemain, on y va cueillir toutes les indications utiles, qui vous sont données de la meilleure grâce du monde, et le besoin d’une heure de détente se faisant généralement sentir, on s’éparpille dans toutes les directions pour secouer la poussière du voyage et se mettre en tenue... de traversée...