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III

Table des matières

ADOLESCENCE

(1849-1856)

A SA sortie du Sacré-Cœur, à l’âge de 14 ans, Amélie Gex vint vivre avec son père, le Docteur Marc-Samuel Gex, dans leur propriété de Villard-Martin, commune de La Chapelle-Blanche.

Le Docteur Gex avait fait ses études à l’Université de Turin et il avait été pendant sa première année à Chambéry l’élève affectionné du Docteur Guilland, professeur à l’Ecole préparatoire à l’Enseignement supérieur. Comme il était de tradition à cette époque, Marc-Samuel Gex soignait gratuitement ses malades, et vivait surtout des revenus de ses propriétés, augmentés par les honoraires en nature que la reconnaissance de ses clients lui prodiguait sous forme de cadeaux. Comme «il possédait une naturelle intuition médicale, on venait de loin le consulter». Amélie Gex ne tarda pas à jouer auprès des malades de son père le rôle d’infirmière. «C’est elle qui débrouillait les chevelures rebelles, qui pansait les plaies, qui préparait des onguents pour faire repousser les doigts brisés.» Elle devint, ayant ainsi acquis quelques notions sur les soins à donner en cas d’urgence, la providence des malades de La Chapelle-Blanche et des environs.

Le domaine de Villard-Martin, dans la maison duquel était née Amélie, provenait de sa mère. Il avait été partagé, à la mort des grands-parents maternels, avec une tante, Mme Marie Burdin, femme d’un horticulteur fort réputé et dont le fils, Charles, devait être rédacteur en chef du Patriote Savoisien.

En 1852, le Docteur Gex vendit la maison de la grand’mère Rose à Challes pour acheter des vignes à Villard-Léger, près La Chapelle-Blanche (5 juin 1854).

Cette mutation de propriété eut des conséquences diverses. Elle éloigna d’abord Amélie de Chambéry; ensuite, elle la força à vivre de la vie paysanne qu’elle devait si bien décrire. En effet, le Docteur Gex s’intéressant désormais à ses vignes de Villard-Léger où était son rendez-vous de chasse et où il aimait à recevoir ses amis, Villard-Martin fut abandonne par lui aux soins de sa fille qui, à 19 ans, dut ainsi s’occuper pratiquement des choses de la terre et se mêler journellement aux travaux de la ferme. Elle devint très forte en économie rurale, reçut de son oncle l’horticulteur des conseils éclairés; c’est ce qui explique qu’elle put diriger plus tard avec compétence au Père André, journal hebdomadaire ou almanach, la rubrique agricole aussi bien que la rubrique des poésies patoises. C’est ce qui explique aussi la précision et la vérité des détails qu’elle donne quand elle décrit les choses de la terre. Le réalisme de l’œuvre d’Amélie Gex est, fait de sincérité. Il reflète les vingt années qu’elle vécut parmi les cultivateurs.

Le fermier du Docteur Gex était un nommé Dieufils dit Prince. C’était un paysan jovial qui était recherché pour son talent de conteur et de chanteur. Dieufils était la joie des veillées d’automne et d’hiver. Ces veillées en Savoie, J.-J. Rousseau nous en décrit déjà le charme dans la Nouvelle Héloïse. Or, à La Chapelle-Blanche, tandis que les garçons cassaient les noix que l’on devait porter au moulin, que les femmes filaient, que les vieux surveillaient la cuisson des châtaignes, Dieufils racontait en patois, avec une verve intarissable, ses innombrables histoires; ou bien il chantait ses chansons de conscrits. Dieufils fut le maître d’Amélie Gex et ce sont les histoires de son cru qu’elle rapporte dans les Contes de la Bova.

Dieufils, d’autre part, avait connu le temps où La Chapelle-Blanche, à quelque vingt minutes de la frontière douanière entre la Savoie et la France, était traversée mystérieusement par les contrebandiers qui, cheminant la nuit avec des lanternes sourdes suspendues à la ceinture, apparaissaient comme des feux follets ou des «sarvans». Dieufils avait participé lui-même à des expéditions nocturnes; il aimait à en narrer les péripéties. Voilà pourquoi, dans les contes d’Amélie Gex, il est si souvent question de contrebande et de contrebandiers. Là encore, nous retrouvons comme un écho des veillées de La Chapelle-Blanche.

A Villard-Martin, Amélie Gex trouva d’autres compagnons. Ce furent les livres de la bibliothèque de son père, parmi lesquels les œuvres complètes de Lamartine, Hugo, Dumas père. Amélie Gex se passionna pour la lecture. A la suite des grands romantiques, elle se créa une mystique déiste et humanitaire alors que, dans le même temps, la «vie désordonnée» du Curé de La Chapelle-Blanche l’éloignait des pratiques religieuses. Dès lors Amélie Gex devint une lectrice fidèle de la Bible.

Amélie Gex: un poète savoyard

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