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PRÉFACE

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Au cours des quatre ou cinq dernières représentations que le Chat Noir, ayant à sa tête le très verveux mais déjà très fatigué Rodolphe Salis, donna pour ses adieux à Montmartre, j'eus le plaisir de rencontrer mon cher confrère Edouard Conte, l'auteur apprécié des Mal Vus.—Après m'avoir dit quel vide allait creuser la disparition du moyen-ageux hostel de la rue Victor Massé, il m'entretint de la tournée annoncée par la presse entière et qui, déjà préparée pour une durée de trois mois dans le midi de la France, dans le Sud-Ouest et la Bretagne, devait être continuée à l'étranger, notamment en Autriche et en Russie. «Si les nécessités de la copie ne me tenaient pas à Paris comme un forçat à sa chaîne, me dit-il, je voudrais vous accompagner et j'ai la certitude que je ne perdrais pas mon temps. La tournée que vous allez entreprendre n'est pas comme celles que tous les jours des industriels du théâtre organisent en province avec deux ou trois bons mélodrames de l'Ambigu coupés dans le goût du public et susceptibles, de par leur structure incolore, d'être acclamés à Pezenas comme dans le quartier du Temple.

«Ce que vous apporterez aux spectateurs dont je ne mets pas en doute l'empressement à vous venir entendre, c'est l'expression évoluée d'un état d'esprit qui serait presque, si j'ose dire, anti-théâtral. Les pièces d'ombres qui constituent votre principal répertoire et qui soulevèrent par le talent qu'on y déploya un enthousiasme encore vivant, sont comme un défi jeté au théâtre à personnages. Il sera intéressant de voir comment les divers publics auxquels vous les allez soumettre apprécieront l'effort et jugeront le résultat.

«Pour vos chansons, le doute est plus permis encore: Vous y désertez, du moins dans les meilleures, les seules qui valent qu'on en parle, le style ordurier et commun du beuglant; leur succès que je souhaite de tout cœur équivaut à la banqueroute du Café-Concert et je m'en réjouis d'avance.

«Or, je n'ai rien dit encore des menus incidents qui ne sauront manquer de surgir au cours de votre artistique balade. La présence de Salis, cet enfant terrible, ce rapin verveux qui a recueilli l'héritage de blague et de fantaisie laissé par Sapek, m'est un sûr garant qu'il y aura pour vos rates de chansonniers impénitents des heures de gaîté folle et d'ahurissants propos. Ne croyez-vous pas en toute sincérité qu'un fantaisiste pourrait prendre en même temps qu'un vif plaisir, quelque intérêt à noter au jour le jour, simplement et sans emphase, les péripéties du voyage et les bons mots entendus ou commis.

«—Certainement je le crois, mon cher Conte, et soyez assuré que votre idée sera mise à profit. J'ai d'ailleurs, en un coin éloigné de province, une cousine qui fut mon amie d'enfance et qui m'avait, au cours d'une précédente tournée, demandé comme faveur spéciale un récit détaillé de nos faits et gestes. En paresseux que j'ai toujours été, je me suis dérobé jusqu'ici à l'accomplissement de ce devoir épistolaire. Je vais tenter cette fois de détrôner de mon cœur la chimère oisiveté, et, dame, s'il me semble après un temps qu'un intérêt quelconque puisse résider en ces notes éparses, j'en serai quitte pour prier ma dévouée cousine de me restituer mes proses.

«—Et vous serez tout heureux de leur trouver en les lisant un air de nouveauté qui vous surprendra vous-même.

«—Et d'avoir fait un volume.

«—Vous l'avez dit.»

Voilà comment se trouva projeté le volume qu'on va lire. La mort prématurée de Rodolphe Salis, en interrompant le voyage à travers la France de la Compagnie du Chat Noir me fournit une conclusion à laquelle j'étais loin de m'attendre lorsque j'écrivais mes premiers feuillets.

Peut-être même sans cet événement ne me fussè-je pas décidé à publier ces notes glanées au jour le jour avec un soin très relatif et un insouci parfait des livresques traditions. Le hasard et l'actualité toute puissante donnent à ces feuilles éparses l'intérêt d'un document. Je n'ai donc pas le droit de dérober au public ce Livre d'Or du Chat Noir pendant les trois derniers mois de la vie de son fondateur, et je le dédie en hommage respectueux à Mme Rodolphe Salis.

Gabriel Montoya.

Le Roman Comique du Chat Noir

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