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LETTRE CCCLVII
ОглавлениеÀ M. MURRAY
Ravenne, 21 février 1820.
«Les bull-dogs me seront très-agréables. Je n'ai que ceux de ce pays, lesquels, quoique bons, n'ont pas autant de ténacité dans la mâchoire et de stoïcisme dans la souffrance, que mes compatriotes d'espèce canine: envoyez-moi-les donc, je vous prie, par la voie la plus prompte; – par mer sera peut-être le mieux. M. Kinnaird vous remboursera, et fera déduction du montant de vos avances sur votre compte ou celui du capitaine Tyler.
»Je vois que le bon vieux roi est allé à son dernier gîte. On ne peut s'empêcher d'être chagrin, quoique la perte de la vue, la vieillesse et la démence, soient supposées être autant de rabais sur la félicité humaine; mais je ne suis point du tout sûr que la dernière infirmité au moins n'ait pas pu le rendre plus heureux qu'aucun de ses sujets.
»Je n'ai pas la moindre pensée d'aller au couronnement. J'aimerais cependant à en être témoin, et j'ai droit d'y jouer un rôle de marionnette; mais mon différend avec lady Byron, en tirant une ligne équinoxiale entre moi et les miens sous tout autre rapport, m'empêchera aussi, en cette occasion, d'être dans la même procession...... .................
»J'ai fini une traduction du premier chant de Morgante Maggiore de Pulci; je la transcrirai et vous l'enverrai. C'est le père non-seulement de Whistlecraft, mais de toute la poésie badine d'Italie. Vous devez l'imprimer en regard du texte italien, parce que je désire que le lecteur juge de ma fidélité: c'est traduit stance pour stance, et vers pour vers, sinon mot pour mot. Vous me demandez un volume de moeurs, etc., sur l'Italie. Peut-être suis-je en état d'avoir là-dessus plus de connaissances que beaucoup d'Anglais, parce que j'ai vécu parmi les nationaux, et dans des localités où des Anglais n'ont jamais encore résidé (je parle de la Romagne, et particulièrement de cet endroit-ci); mais il y a plusieurs raisons pour lesquelles je ne veux rien imprimer sur un tel sujet. J'ai vécu dans l'intérieur des maisons et dans le sein des familles, tantôt simplement comme amico di casa16, et tantôt comme amico di cuore17 de la dame, et dans l'un et l'autre cas je ne me sens pas autorisé à faire un livre sur ces gens-là. Leur morale n'est pas votre morale, leur vie n'est pas votre vie; vous ne les comprendriez pas; ce ne sont ni des Anglais, ni des Français, ni des Allemands, que vous comprendriez tous. Chez eux, l'éducation de couvent, l'office des cavaliers servans, les habitudes de pensée et de vie sont entièrement différentes de nos moeurs; et plus vous vivez dans l'intimité, plus la différence est frappante, de telle sorte que je ne sais comment vous faire concevoir un peuple qui est à-la-fois modéré et libertin, sérieux par caractère, et bouffon dans ses amusemens, capable d'impressions et de passions tout à-la-fois «soudaines» et «durables» (ce que vous ne trouverez dans aucune autre nation), et qui actuellement n'a point de société (ou de ce que vous nommeriez ainsi), comme vous pouvez le voir par ses comédies: il n'a point de comédie réelle, pas même dans Goldoni, et cela parce qu'il n'y a point de société qui en puisse être la source.
Note 16: (retour) Ami de la maison.
Note 17: (retour) Ami de coeur. (Notes du Trad.)
»Les conversazioni ne constituent point du tout une véritable société. On va au théâtre pour parler, et en compagnie pour tenir sa langue en repos. Les femmes s'asseoient en cercle, et les hommes se rassemblent en groupes, ou l'on joue au triste faro ou au lotto reale, et l'on joue petit jeu. À l'académie il y a des concerts comme chez nous, avec une meilleure musique et plus d'étiquette. Ce qu'il y a de mieux, ce sont les bals et les mascarades du carnaval, quand tout le monde devient fou pour six semaines. Après le dîner ou le souper, on improvise des vers et on se plaisante mutuellement; mais c'est avec une verve de bonne humeur où vous ne pourriez jamais vous mettre, vous autres gens du Nord.
»Dans l'intérieur de la maison, c'est bien mieux. Je dois en savoir quelque chose, ayant assez joliment acquis par expérience une connaissance générale du beau sexe, depuis la femme du pêcheur jusqu'à la Nobil Dama que je sers. Ces dames ont un système qui a ses règles, ses délicatesses et son décorum, qui peut ainsi être réduit à une sorte de discipline ou de chasse faite aux coeurs, d'où l'on ne doit se permettre que fort peu d'écarts, à moins qu'on ne désire perdre la partie. Elles sont extrêmement tenaces, et, jalouses comme des furies, elles ne permettent pas même à leurs amans de se marier si elles peuvent les en empêcher, et les gardent toujours, autant que possible, près d'elles en public comme en particulier. Bref, elles transportent le mariage dans l'adultère, et chassent du sixième commandement la particule non. La raison en est qu'elles se marient pour leurs parens, et qu'elles aiment pour elles-mêmes. Elles exigent d'un amant la fidélité comme une dette d'honneur, tandis qu'elles paient leur mari comme un homme de commerce, c'est-à-dire pas du tout. Vous entendez éplucher le caractère des personnes de l'un ou l'autre sexe, non par rapport à leur conduite envers leurs maris ou leurs femmes, mais envers leurs maîtresses ou leurs amans. Si j'écrivais un in-quarto, je ne sache pas que je puisse faire plus qu'amplifier ce que je viens de noter ici. Il est à remarquer que, malgré tout ceci, les formes extérieures du plus grand respect sont accordées aux maris, non-seulement par les femmes, mais par leurs serventi, – surtout si le mari ne sert lui-même aucune dame (ce qui d'ailleurs n'est pas le cas ordinaire); – en sorte que souvent vous prendriez pour parens le mari et le servente, – celui-ci faisant la figure d'un homme adopté dans la famille. Quelquefois les dames montent un petit cheval, et s'évadent ou se séparent, ou font une scène; mais c'est un miracle, en général, et quand elles ne voient rien de mieux à faire ou qu'elles tombent amoureuses d'un étranger, ou qu'il y a quelque autre anomalie pareille, et cela est toujours réputé inutile et extravagant.
»Vous vous informez de la Prophétie du Dante; je n'ai pas fait plus de six cents vers, mais je prophétiserai à loisir.
»Je ne sais rien du buste. Aucun camée ou cachet ne peut être ici ou ailleurs, que je sache, taillé dans le bon style. Hobhouse doit écrire lui-même à Thorwaldsen. Le buste a été fait et payé il y a trois ans.
»Dites, je vous prie, à Mrs. Leigh de supplier lady Byron de presser le transfert des fonds. J'ai écrit à ce sujet à lady Byron par ce courrier-ci, à l'adresse de M. D. Kinnaird.»