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LETTRE CCCLXXVIII

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A M. MOORE

Ravenne, 9 juin 1820.

«Galignani vient de m'envoyer l'édition parisienne de vos oeuvres (que je lui avais demandée), et je suis content de voir mes vieux amis avec un visage français. J'en ai tantôt effleuré la surface ou pénétré les profondeurs comme l'hirondelle, et j'ai été aussi charmé que possible. C'est la première fois que je voyais les Mélodies sans musique; et, je ne sais pourquoi, je ne puis lire dans un livre de musique: – les notes confondent les mots dans ma tête, quoique je me les rappelle parfaitement pour les chanter. La musique assiste ma mémoire par l'oreille et non par les yeux; je veux dire que ses croches m'embarrassent sur le papier, mais sont des auxiliaires quand on les entend. Ainsi j'ai été content de voir les mots sans les robes d'emprunt; – à mon sens, ils n'ont pas plus mauvaise mine dans leur nudité.

»Le biographe a gâché votre vie; il appelle votre père un vénérable et vieux gentilhomme, et parle d'Addison et des comtesses douairières. Si ce diable d'homme devait écrire ma vie, certainement je lui ôterais la sienne. Puis, au dîner de Dublin, vous avez fait un discours (vous en souvenez-vous, chez Douglas K***? «monsieur, il me fit un discours»), – trop complimenteur pour les poètes vivans, et sentant quelque peu l'intention de louer tout le monde. Je n'y suis que trop bien traité, mais ..................

»Je n'ai reçu de vous aucunes nouvelles poétiques ou personnelles. Pourquoi n'achevez-vous pas un tour italien des Fudges? Je viens de jeter les yeux sur Little45, que j'appris par coeur en 1803, étant alors dans mon quinzième été. Hélas! je crois que tout le mal que j'ai jamais causé ou chanté a été dû à ce damné livre que vous fîtes.

Note 45: (retour) Nom d'un recueil de poésies de Moore.

»Dans ma dernière, je vous parlais d'une cargaison de poésie que j'ai envoyée à M***, d'après son désir et ses instances; – et maintenant qu'il l'a reçue, il en fait fi, et la traîne en longueur. Peut-être a-t-il raison. Je n'ai pas une haute opinion d'aucun des articles de mon dernier envoi, sauf une traduction de Pulci, faite mot pour mot et vers pour vers.

»Je suis au troisième acte d'une tragédie, mais je ne sais pas si je la finirai; je suis, en ce moment, trop occupé par mes propres passions pour rendre justice à celles des morts. Outre les vexations mentionnées dans ma dernière, j'ai encouru une querelle avec les carabiniers ou gendarmes du pape, qui ont fait une pétition au cardinal contre ma livrée, comme trop semblable à leur pouilleux uniforme. Ils réclament surtout contre les épaulettes, que tout le monde chez nous a dans les jours de gala. Ma livrée a des couleurs qui sont conformes à mes armes, et ont été celles de ma famille depuis l'an 1066.

»J'ai fait une réponse tranchante, comme vous pouvez supposer, et j'ai donné à entendre que si quelques hommes de ce respectable corps insultent mes gens, j'en agirai de même près de leurs braves commandans, et j'ai ordonné à mes bravos, qui sont au nombre de six, et sont passablement farouches, de se défendre en cas d'agression; et, les jours de fête et de cérémonies, j'armerai toute la bande, y compris moi-même, en cas d'accidens ou de perfidie. Je m'escrimais autrefois assez joliment à l'épée, chez Angelo; mais j'aimerais mieux le pistolet, l'arme nationale de nos flibustiers, quoique j'en aie perdu maintenant la pratique. Toutefois, «je puis regarder et dégainer mon fer.» Cela me fait penser (comme toute l'affaire d'ailleurs) à Roméo et Juliette:

«Maintenant, Grégorio, souviens-toi de ton coup de maître.»


Toutes ces discussions, néanmoins, avec le cavalier pour sa femme, et avec les soldats pour ma livrée, sont fatigantes pour un homme paisible qui fait de son mieux pour plaire à tout le monde, et soupire après l'union et la bonne amitié. Écrivez-moi, je vous prie.

»Je suis votre, etc.»

Œuvres complètes de lord Byron, Tome 12

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