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IV

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Les chiens sont les amis de l’homme; comme, d’ailleurs, tous les animaux qui en ont reçu des coups de pied et se savent destinés à en recevoir de nouveaux. La Providence, qui sait parfaitement ce qu’elle fait, les a créés et mis au monde pour servir d’exemples à l’humanité, lui prècher la fidélité, l’humilité, le pardon des injures et la nécessité d’avoir toujours un maitre. Malheureusement, l’humanité ne veut en faire qu’à sa tète: de là le duel, l’adultère, le régime républicain, et la croix de la Légion d’honneur. Seuls, quelques hommes–rari nantes–ont eu le bon sens de n’y pas mettre d’entêtement, ce qui permet d’affirmer qu’ils seraient de parfaits caniches, s’ils en avaient l’intelligence.

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De tous les animaux qui en ont sauvé d’autres au péril de leur propre vie, le chien est peut-être, le seul qui n’ait jamais acheté les journaux du lendemain dans l’espérance d’y constater qu’il s’était dérobé la veille aux remerciements de la victime et aux félicitations des assistants.

Il est peut-être le seul, de tous les domestiques, qui suit jamais allé aux Halles avec un panier dans la gueule; et il est le seul, dans tous les cas, qui n’en ait jamais fait sauter l’anse.

Si le bel art de la chorégraphie n’est pas entièrement disparu de notre doux pays de France, c’est à lui que nous le devons: il est le seul, en effet, qui pousse encore le dévouement jusqu’à danser à son corps défendant, donnant ainsi aux jeunes gens d’aujourd’hui de grandes et terribles leçons.

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Les chiens se sont créé à notre gratitude les titres les plus nombreux et les moins contestables. C’est pourquoi les enfants des hommes qui ne sont pas, en fin de compte, aussi mauvais qu’on veut bien le dire, ont décidé de leur donner un témoignage, tardif mais éclatant, d’estime et de reconnaissance, et ils vont leur élever un monument dont la façade portera, gravé en lettres d’or:

AUX CHIENS PERDUS

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Comme on le voit, cet édifice ne sera pas purement honorifique; non seulement il propagera la mémoire des chiens dans les siècles les plus reculés, mais il concourra encore à la prolongation de leur existence en pourvoyant à leurs besoins, et il sera, en quelque sorte, leur hôtel des Invalides.

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Situé en bon air, dans la banlieue de Paris, il offrira aux malheureux déshérités une hospitalité, sinon luxueuse, au moins confortable, et où ils trouveront, délicatement réunies, toutes les douceurs de la vie de famille. Une nourriture saine et abondante, des locaux vastes et aérés, leur assureront les conditions de gaieté et d’hygiène les plus favorables au développement de la vieillesse.

Un domestique se mèlera à leurs jeux, veillera au maintien du bon ordre et le rétablira, au besoin, à l’aide d’un bâton de cornouiller dont il n’usera, du reste, qu’avec une excessive modération et après avoir épuisé tous les arguments de paix et de concorde que lui aura dictés son bon cœur.

Un tondeur sera attaché à la maison et spécialement affecté au service des pensionnaires. Il rasera gratuitement les caniches et, par le bon entretien de leurs moustaches blanches, les conservera dans un état de ressemblance frappante avec le général Tchernaïeff.

Ils ne seront nullement exclus des plaisirs de ce monde, et un grand nombre de jeux de dominos, laissés à leur disposition, leur permettront de se livrer à leur distraction favorite.

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Voilà une idée excellente, issue d’un sentiment dont la délicatesse est au-dessus de tout éloge. Aussi, les organisateurs de l’exposition canine qui va prochainement s’ouvrir aux Tuileries, se sont-ils fait un point d’honneur de ne point se laisser dépasser en générosité.

Ils se sont donc creusé la tête pour découvrir ce qui restait à faire et ils ont inventé quelque chose de très heureux: une distribution solennelle des prix, en présence du peuple assemblé.

J’ajoute que, seuls, les chiens d’aveugles seront appelés à concourir, et que les traditionnels volumes de la librairie Marne seront remplacés, pour la circonstance, par des médailles de valeurs différentes.

Cette manière de flatter les chiens en les grattant dans leur amour-propre est, je le répète, des plus ingénieuses.

Malheureusement elle manque tout à fait à son but, en ce sens que les récompenses passeront avec une rapidité vertigineuse du cou des chiens aux mains des maîtres et seront promptement converties en consommations variées.

Or, je veux bien que le sort des aveugles soit digne de tout notre intérêt, mais de là à une récompense il y a loin, à moins qu’on ne veuille considérer l’art de jouer de la clarinette comme la plus haute expression du vrai mérite.

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