Читать книгу La prononciation du français langue étrangère - Группа авторов - Страница 36
4.2.2 Perception
ОглавлениеDans ce qui suit, nous considérons les résultats selon les deux groupes de juges. Auprès du groupe P, les productions des apprenant.e.s ont obtenu une évaluation moyenne de 3,01 (sur une échelle « allemande », de 1 à 6). La moyenne d’évaluation pour le groupe M (2,92) révèle que leur intonation est perçue comme étant légèrement plus proche de la cible que celle des bilingues (groupe B, moyenne : 3,14), quoique les scores de déviation reflétant la production des deux groupes soient pratiquement identiques (0,64 contre 0,65). Auprès du groupe N, l’évaluation moyenne était légèrement inférieure (3,12). Ceci vaut également pour les moyennes des deux groupes d’apprenant.e.s (M : 2,97 ; B : 3,33) (cf. Fig. 3). Comme on sait que le rythme du français parlé au Québec diffère légèrement de celui du français hexagonal (cf. Tennant 2012), nous avons vérifié aussi si l’origine des juges natif/ve.s avait un effet sur leurs évaluations. Toutefois, les moyennes attribuées aux deux groupes d’apprenant.e.s par les Canadien.ne.s (M : 2,97 ; B : 3,37) étaient pratiquement identiques à celles attribuées par les Français.es (M : 2,97 ; B : 3,28) et il n’y avait pas de différences statistiquement significatives (t(66.285) = –0.015, p = 0.988 ; t(71.297) = –0.647, p = 0.520).
Pourtant, il est intéressant de noter tant le groupe P comme le groupe N aient évalué les réalisations des apprenant.e.s bilingues comme légèrement moins ciblées en comparaison à celles des monolingues (les différences entre les moyennes sont statistiquement significatives ; groupe P : t(249.7) = 2.771, p = 0.006 ; groupe N : t(167.62) = 3.717, p < 0.001) bien qu’il n’y ait pas de différence significative entre les scores de déviation. Ceci suggère que d’autres facteurs pourraient également entrer en jeu, de manière que quelques évaluateur/trice.s ont pris en compte, au moins partiellement, des facteurs autres que la mélodie de la phrase comme, par exemple, le débit de parole ou des erreurs segmentales.
Fig. 3 :
Évaluations par les (futur.e.s) professeur.e.s (à gauche) et les natif/ve.s francophones (à droite)
Ces facteurs ne sont pas contrôlables sans procéder à une manipulation des données brutes. Ce qui est en fait plus important que les évaluations moyennes attribuées aux deux groupes d’apprenant.e.s, c’est de savoir si les juges ont la capacité de reconnaître les « bonnes » et les « mauvaises » réalisations. Le Tableau 4 reprend donc les scores de déviation et présente les notes moyennes pour la première phrase de chaque apprenant.e.
(futur.e.s) professeur.e.s (P) | natif/ve.s français.es (N) | ||||||
déviation | étendue | moyenne | écart-type | étendue | moyenne | écart-type | |
M1 | 0,42 | 1–6 | 3,26 | 1,09 | 1–6 | 3,67 | 0,97 |
M2 | 0,32 | 1–6 | 2,72 | 0,99 | 1–5 | 2,86 | 1,03 |
M3 | 1,21 | 1–6 | 3,24 | 1,11 | 1–5 | 3,00 | 1,07 |
M4 | 1,02 | 2–6 | 4,40 | 0,98 | 2–6 | 4,44 | 0,87 |
M5 | 0,55 | 1–5 | 2,35 | 0,93 | 1–5 | 2,16 | 0,99 |
M6 | 0,3 | 1–5 | 1,69 | 0,78 | 1–4 | 1,78 | 0,79 |
M7 | 0,48 | 1–5 | 2,62 | 0,91 | 1–5 | 2,62 | 0,96 |
M8 | 0,88 | 1–6 | 3,06 | 1,02 | 1–6 | 3,22 | 1,17 |
B1 | 1,03 | 1–5 | 3,04 | 1,05 | 1–6 | 3,84 | 1,09 |
B2 | 0,44 | 1–6 | 3,12 | 1,24 | 1–6 | 3,44 | 1,21 |
B3 | 0,38 | 1–6 | 3,73 | 1,26 | 1–6 | 3,53 | 1,08 |
B4 | 0,77 | 1–6 | 3,92 | 1,15 | 1–6 | 3,95 | 0,99 |
B5 | 0,89 | 1–6 | 3,48 | 1,27 | 1–6 | 3,53 | 1,12 |
B6 | 0,33 | 1–4 | 1,56 | 0,72 | 1–4 | 1,71 | 0,78 |
Tab. 5 :
Évaluations données par les deux groupes
Comme le montre le graphique donné ci-dessus (Fig. 3), les évaluateur/trice.s ont généralement réussi à reconnaître les « bons » et les « mauvais » élèves par rapport aux monolingues et à exprimer dans leurs évaluations les différences qu’ils perçoivent : par exemple, les deux « meilleurs » apprenants, M6 et B6, ont également obtenu les meilleures notes. Néanmoins, d’autres facteurs semblent également entrer en jeu, puisque les apprenant.e.s ayant les scores de déviation les plus élevés (M3, B1, M4, B5) ne sont que partiellement identiques aux apprenant.e.s les moins bien notés (M4, B4, B3, B5 dans le groupe P et M4, B4, B1, M1 dans le groupe N).
Les valeurs d’exactitude calculées pour les évaluateur/trice.s du groupe P selon la méthodologie expliquée ci-dessus allaient de 0,56 à 1,31 et présentaient une moyenne de 0,87. La moyenne des 42 enseignant.e.s en service n’étant pas différente de celle des enseignant.e.s en formation (0,873 vs 0,879), nous concluons que l’expérience d’enseignement n’améliore pas de manière significative la capacité d’évaluer si la production d’un.e apprenant.e est ou non conforme à une cible native donnée.
Pour ce qui est des connaissances en phonétique et phonologie, comme nous avons déjà vu dans la section 4.1.2, les valeurs « phono » calculées pour le groupe P (enseignant.e.s germanophones) vont de 0 à 16 sur une échelle de 0 à 25 (moyenne : 5,13). Ces valeurs numériquement plutôt basses signifient que les juges du groupe P possèdent généralement d’assez bonnes connaissances en phonétique et phonologie et considèrent qu’il s’agit d’un sujet important qui a une grande pertinence pour leur propre prononciation et celle de leurs élèves. Néanmoins, ces capacités semblent ne pas avoir affecté la précision des évaluations, puisqu’aucune corrélation n’a pu être trouvée entre les valeurs « phono » et les valeurs d’exactitude (groupe P : r = 0,059). Similairement, les valeurs d’exactitude des juges natif/ve.s (groupe N) s’étendaient de 0,42 à 1,49 et présentaient une moyenne de 0,86 – ce qui les rend pratiquement identiques à celles du groupe P. Bien que les evaluateur/trice.s du groupe natif aient indiqué, eux et elles aussi, de disposer en général d’assez bonnes connaissances en phonétique et phonologie (cf. Tab. 5), cela ne les a pas aidé à évaluer de manière plus exacte l’intonation des apprenant.e.s, puisqu’aucune corrélation n’a été trouvée entre les valeurs d’exactitude et le niveau de connaissances en phonétique et phonologique indiqué (r = –0,170).
Niveau de connaissances | n | Valeur d’exactitude moyenne | |
1 : | Je ne sais pas de quoi il s’agit. | 3 | 0,83 |
2 : | Je sais de quoi il s’agit, mais je n’ai pas vraiment des connaissances. | 8 | 0,96 |
3 : | J’ai quelques connaissances. | 37 | 0,87 |
4 : | J’ai des bonnes connaissances. | 37 | 0,83 |
Tab. 6 :
Réponse à la question (1), portant sur le niveau de connaissances en phonétique et phonologie, numéro de personnes ayant donné cette réponse et valeur d’exactitude moyenne correspondante.
En résumé, nous pouvons donc constater qu’il ne suffit pas d’avoir de bonnes connaissances théoriques en phonétique et phonologie pour réussir à évaluer de manière plus précise l’intonation d’un.e apprenant.e. Il est probable que cela s’explique, au moins en partie, par le fait que les thèmes de phonétique et phonologie enseignés tant aux enseignant.e.s en formation comme aux étudiant.e.s de linguistique dans le cadre de leurs études universitaires ne touchent souvent que le niveau segmental tandis que les aspects suprasegmentaux tels que l’intonation sont laissés de côté.