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Les arts de la scène en Tanzanie

Performances artistiques traditionnelles et influence coloniale, l’exemple de l’Institut TaSUBa

Nkwabi Elias Ng’hangasamala

Le théâtre africain trouve ses racines dans les arts du spectacle traditionnels et se caractérise par le mouvement. Il est ainsi profondément lié au patrimoine culturel de la Tanzanie. Avec l’arrivée des puissances coloniales, les différentes formes de spectacle ont commencé à s’effacer de la mémoire collective tanzanienne, les performances liées aux rites et fêtes traditionnelles étant alors exclues de la vie publique. Cependant, depuis l’indépendance en 1961, des projets sont nés pour faire revivre les arts traditionnels tanzaniens.

On peut classer les performances artistiques datant de l’époque précoloniale en cinq catégories : les fêtes traditionnelles, les danses traditionnelles, les contes, les rituels, et les récitations.

Dans certaines cultures, chez les Massaïs notamment, les fêtes traditionnelles jouaient un rôle important, et l’art du spectacle et de la danse y était central. Pendant la fête de la circoncision par exemple, des moyens artistiques étaient utilisés pour informer et accompagner les circoncis vers cette nouvelle étape de leur vie. Ces évènements sociaux étaient des moments de fête très colorés. Lors des danses traditionnelles, le mouvement artistique, la torsion du corps, ainsi que la musique, se retrouvaient au premier plan. Les danses étaient pratiquées dans le but de distraire et de motiver la communauté, pendant les travaux agricoles par exemple. Les contes se disaient après le travail journalier, lorsque les membres de la famille se rassemblaient autour du feu. Les grands-parents endossaient alors le rôle de narrateurs, et les protagonistes étaient des animaux, des oiseaux, des humains, des dieux ou encore des êtres magiques. Ces histoires avaient un caractère éducatif, elles permettaient de transmettre aux générations suivantes des valeurs morales tout en renforçant le sentiment d’appartenance à la communauté. Les rituels s’apparentaient à des prières et comportaient différents types de performance. Ils s’adressaient à des dieux spécifiques, lorsque la communauté devait faire face à des phases difficiles, en cas de période de sécheresse ou de maladies par exemple. Enfin, les récitations faisaient le récit d’actes particulièrement héroïques. Elles avaient pour but d’encourager la communauté à donner le meilleur d’elle-même lors des combats.

L’influence coloniale sur les arts du spectacle en Tanzanie

Jusqu’à l’indépendance en 1961, les autorités coloniales britanniques ont exercé une forte influence sur le milieu théâtral tanzanien en introduisant l’art dramatique basé sur l’écriture de pièces de théâtre. Cette forme était jusqu’alors inconnue en Tanzanie. Ces pièces, jouées principalement dans les écoles, et destinées avant tout à divertir les occupants européens, étaient exclusivement dirigées par des étrangers. Cela a entraîné la disparition du théâtre traditionnel. Les techniques d’éclairage et les costumes coûteux de ces pièces impressionnaient beaucoup le public tanzanien. L’idée des occupants européens était de « civiliser » le « continent noir », et en particulier la Tanzanie.

Après l’indépendance, le gouvernement du Tanganyika, dirigé par le président Julius Kambarage Nyerere, a très vite créé un ministère de la culture et de la jeunesse pour faire renaître la culture tanzanienne. En 1980, des initiatives d’artistes, qui s’étaient remis à pratiquer les formes d’art traditionnelles, ont fusionné au sein du Bagamoyo College of Arts. Les artistes y recevaient alors une formation de base dans les différents arts traditionnels (théâtre, danse, musique, acro-batie). Après l’obtention de leur diplôme, ils étaient employés par le gouvernement en tant qu’agents de la culture. Leur travail était très apprécié et permettait ainsi un développement continu du système de formation culturel. En 2007, l’école a pris le nom d’Institut d’art et de la culture Bagamoyo (TaSUBa).

Les défis actuels

Malgré le succès des initiatives portées par TaSUBa, le système éducatif tanzanien est aujourd’hui confronté aux problèmes liés à la globalisation : la jeune génération tanzanienne est bien plus influencée par les formes d’art étrangères que par les formes traditionnelles. Pour beaucoup d’artistes, les arts traditionnels comme unique formation ne suffisent pas. L’industrie du cinéma et de la télévision attire de plus en plus d’artistes. La plupart des thèmes (surtout ceux liés à l’amour et à la vie de couple) sont présentés aujourd’hui à la manière occidentale, et donc en rupture avec la culture tanzanienne. Bien que souhaitant soutenir les formes d’art traditionnelles, artistes et public privilégient l’aspect lucratif à la qualité des spectacles.

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