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3.2.2. Hétéro-imposés

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Il est désormais temps de se tourner vers les hétéro-empêchements qui s’imposent d’eux-mêmes aux locuteurs, par la force, pourrait-on dire. Des circonstances extérieures au locuteur le contraignent à son corps défendant à interrompre son discours, bloquant toute profération. Dans ces conditions, vu l’absenceabsence de profération, il est difficile de trouver des facteurs de présentation intrinsèque. Les éléments permettant de comprendre la situation sont des marqueurs extrinsèques, à l’instar des exemples suivants1 :



Certes la représentation graphique de manifestations vocales permet de comprendre qu’il se passe quelque chose, mais ce sont en véritévérité les éléments cotextuels externes qui permettent de saisir l’empêchement du dire. Pour autant, si l’on peut penser en focalisant son attention sur ces deux vignettes qu’il s’agit d’une situation comparable, un élargissement focal vers les informations contextuelles permet de bien faire la différence entre les deux situations.


Ici le lecteur a bien affaire à une situation de parole empêchée. En effet, les manifestations mimo-gestuellesgestuelles du locuteur (notamment le mouvement de la jambe) témoignent des volontés communicationnelles, révélatrices d’un authentique projet préverbal issu d’un réseau de Pressions pour le dire. Mais à l’évidence les données contextuelles bloquent contre le gré du locuteur toute profération.

Dans le second cas, la situation est tout autre.


Ici encore ce sont les données contextuelles et cotextuelles (relatives au cotexte externe amont) qui permettent de comprendre que les productions vocales du personnage ne relèvent pas d’une volonté de discours reposant sur un projet préverbal, mais sont sans doute davantage l’expression d’une émotionémotion (douleurdouleur) brute, non linguistiquement formatée, et relevant davantage du cri,cri réaction physiologique sans intention ni volonté particulière.

Pour autant tous les empêchements imposés aux locuteurs ne sont pas aussi drastiques.

LE COMMISSAIRE. – Hein ? Quoi ?… un mot de plus, je vous fais empoigner ! A-t-on idée d’un ostrogoth pareil, qui vient semer la perturbationperturbation et faire le révolutionnaire jusque dans le commissariat !… Vous avez de la chance que je sois bon enfant. (Le monsieur veut parler.) En voilà assez, je vous dis ! Fichez-moi le camp, et que ça ne traîne pas, ou je vais vous faire voir de quel bois je me chauffe. Allez, allez !

Sortie hâtive et épouvantée du monsieur.2

La non-présence matérialisée sur la scène de la représentation d’un énoncé proféré impose tout naturellement le recours au discours didascalique pour signifier un tel empêchement. Mais comme vu ci-dessus l’empêchement peut être moins radical et venir couper non toute profération, mais la poursuite d’une énonciation entamée.

Hermione closed Voyages with Vampires and looked down at the top of Ron’s head.

‘Well, I don’t know what you expected, Ron, but you –’

‘Don’t tell me I deserved it,’ snapped Ron. 3

Le lecteur retrouve ici les deux marqueurs permettant de comprendre ce qui se passe : la présentation intrinsèque du discours de Hermione, incompletincomplet et pourvu d’un signe de ponctuation matérialisant dans le texte écrit la non poursuite de la parole, et dans le cotexte externe aval le recours à la didascaliedidascalie « snapped » permet de compléter la construction de la représentation d’une parole coupée.

Un procédé similaire est utilisé ci-dessous :

« […] Ah ! Diable ! À propos, saviez-vous qui est partisan enragé de Dreyfus ? Je vous le donne en mille. Mon neveu Robert ! Je vous dirai même qu’au Jockey, quand on a appris ces prouesses, cela a été une levée de boucliers, un véritable tollé. Comme on le présente dans huit jours…

– Évidemment, interrompit la duchesse, s’ils sont tous comme Gilbert qui a toujours soutenu qu’il fallait renvoyer tous les juifs à Jérusalem…

– Ah ! alors, le prince de Guermantes est tout à fait dans mes idées », interrompit M. d’Argencourt.

Le duc se parait de sa femme, mais il ne l’aimait pas. Très « suffisant », il détestait être interrompu, […].4

On retrouve les deux systèmes de marquage pour permettre la représentation de cette parole empêchée, avec les glissements progressifs des saisies cotextuelles, au fur et à mesure du déroulement de l’interaction, révélant bien le caractère dynamique et flottant du du cotexte même, défini qu’il est par rapport à ce qu’il contribue à présenter aux interprétants.

Un tel procédé d’empêchement peut être récurrent et systématique pour aboutir à un empêchement total :

‘Yes’, Harry said.

‘You received an official warning from the Ministry for using illegal magic three years afo, did you not?’

‘Yes, but –’

‘And yet you conjured a Patronus on the night of the second of August?’ said Fudge.

‘Yes’, said Harry, ‘but –’

‘Knowing that your are not permitted to use magie outside school while you are under the age of seventeen?’

‘Yes, but –’

‘Knowing that you were in an area full of Muggles?’

‘Yes, but –’

‘Fully aware that you were in close proximity to a Muggle at the time?’

‘Yes’, said Harry angrily, ‘but I only used it because we were –’

The witch with the monocle cut across him in a booming voice.

‘Yes’, said Harry, ‘because –’ 5

Pour terminer ce tour d’horizon, il faut examiner cet exemple de jeu narratif mettant en scène une impossibilitéimpossibilité absolue de parole ; ce qui est exceptionnel dans ce cas, c’est que cet empêchement radical porte sur la parole du narrateur.

Die Pistole, mit der er auf den Brenner gezeigt hat, habe ich immer noch nicht gesehen. Aber natürlich, du erkennst eine Pistole daran, wie die anderen dastehen. Gespürt habe ich sie. Gesehen nicht. Gehört auch nicht, keinen Schuss gehört.

Jetzt warum weiß ich auf einmal, der Heinz muss geschossen haben. Pass auf. Der Brenner reißt auf einmal beide Hände in die Luft, fast ein Sprung war das, weniger wie ein Leibwächter, mehr aus dem Schreck aus, […] noch bevor ich überhaupt einen Schuss höre, wird das Loch immer größer, zuerst nur ein kleines Loch, aber jetzt, und ich denke mir noch, wie kann ein Loch in der Hand größer als die Hand selber sein, und ich denke mir noch, ich habe noch nie ein Loch gesehen, das so schnell näher kommt, und ich dingse mir noch, wie kann ein dings in der Hand so groß sein wie das Arnold-Dingserreger-Stadion, und das schießt so schnell aus der hochgerissenen Hand vom ding, vom vom vom wie heißt er schnell, vom ding, vom vom vom, dass ich, und ich höre noch ding wie wie wie ding und ding und riesenrotes Loch und ganz gewaltig ding und und ich ding ding und ich ding ding ich ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding. […] 6

Ce à quoi nous assistons en lisant le passage, qui représente la fin du roman, c’est ni plus ni moins à la mortmort du narrateur, mort (méta)diégétique, mais aussi mort narrative, puisque la parole s’éteint peu à peu, remplacée de proche en proche puis intégralement par une résonancerésonance, onomatopée du son d’une cloche qui vient prendre sur la page blanche du livre comme dans la diégèse du flux de la parole narratoriale. Le tour de force narratif, c’est que cette représentation de l’installation de la mort ne passe aucunement par le cotexte externe, mais le seul vecteur des éléments permettant de se construire la représentation de la fin de la parole est la présentation intrinsèque de fin de parole. L’empêchement de la parole n’est pas décrit, il advient graphiquement sur la page du roman.

La parole empêchée

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