Читать книгу La parole empêchée - Группа авторов - Страница 43
3.2.1.1. Événements matériels fortuits
ОглавлениеRollo
Figure-toi que cet après-midi… en me donnant les cinq cent mille francs…
Il va entrer dans la chambre quand il est stoppé par une nouvelle sonnerie du téléphone.1
C’est clairement quand le lecteur prend connaissance de la didascaliedidascalie présentant en aval le discours de Rollo, dont l’incomplétudeincomplétude est marquée par la structure syntaxique en soi et par les points de suspension, que la représentation d’un empêchement de poursuivre la profération par un événement impromptu externe (la sonnerie de téléphone) peut être construite.
Si cette configuration discursive est assez courante, la créativité au service de la narration permet des présentations d’empêchement autrement élaborées. Ainsi dans cet exemple tiré d’un texte de fiction narrative, on assiste à une manière de télescopage diégétique, où la règle de l’imperméabilité absolue entre les niveaux de diégèse est enfreinte.
DER LEITENDE BEAMTE steht eine Weile da und sieht und hört durch das rührende Chaos um sich herum hindurch. Was er sieht, verwandelt sich in eine Horde aufgeregt scharrender und pickender und flatternder Hühner. Was er hört, klingt jetzt wie das »Tock-tock-toack«, das sie immer machen und das ihn immer geekelt hat und das nur aufhört, wenn sie schlafen oder kurz bevor sie – Schsch!
Eine heruntersegelnde halbausgefüllte Personenliste streift seine Wange. Die Stelle brennt wie nach einer Ohrfeige. 2
Le premier paragraphe débute en effet sur un discours narratorial décrivant la situation du « fonctionnaire dirigeant », et ses perceptions ; il lui vient, en voyant et entendant le bruit et la fureur autour de lui, l’imageimage d’un poulailler avec le vacarme des poules grattant le sol. Le narrateur glisse peu à peu vers les réactions de dégoût du personnage inspirées par ces représentations qu’il se fait des poules, pensant que ces bruits et activités qui le révulsent ne cessent que lorsqu’elles dorment où juste avant qu’elles ne… C’est à ce moment que le fil du discours du narrateur est interrompu par la présentation d’une onomatopée, « Schsch ! », permettant au lecteur de se construire une représentation sonore d’un bruit de sifflement, frémissement, frottement, chuintement qui n’est pas encore vraiment clair : de quoi d’agit-il ? Une seule chose est sûre : l’énoncé en cours est interrompu (structure syntaxique non complétée) et le marquage intrinsèque (le tiret) induisent un empêchement par quelque objet produisant ce sifflement. Mais ce bruit est diégétique ! Il représente donc une irruption sur le plan métadiégétique (celui de la fiction du narrateur3) d’un élément diégétique venant précisément interrompre la description que le narrateur est en train de faire de la scène diégétique. C’est comme si un personnage décrit par le discours métadiégétique du narrateur en train d’être produit pour décrire ce personnage était soudainement interrompu par ce même personnage ! C’est donc une véritable entorse au pacte narratif qui se produit sous nos yeux. Pour que le lecteur puisse cependant se construire une représentation consistante de l’univers diégétique, cela ne s’arrête pas là, car sinon, si le discours narratorial était véritablement tari, le lecteur resterait suspendu dans un vide narratif bien inconfortable. Il faut donc que le discours narratif reprenne pour apporter les informations descriptives nécessaires à la complétude de la représentation : le chuintement est produit par la descente virevoltante d’une feuille de papier qui vient dans la diégèse caresser, effleurer la joue du personnage, produisant une caresse brûlante comme une gifle, ce qui, intériorisé par le personnage a bloqué la poursuite de ses réflexions sur les poules. L’on se rend à présent compte de la double nature, pour ainsi dire, du discours narratorial empêché, qui bascule en même temps, au détour d’une simple conjonction de coordination, dans une sorte de discours indirect libre, figurant le flux méandreux des pensées du personnage « das nur aufhört, wenn sie schlafen oder kurz bevor sie – ». La richesse du jeu narratif et diégétique, à la source d’un plaisir intense de lecture réjouissante et (ré)créative, est, comme on le voit alimentée par le recours à des dispositifs de marquage divers dans la présentation du discours, qu’il soit figural ou narratorial.