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4.1. La pausepause dans l’oraloralité
ОглавлениеLes pauses sont définies comme « phonologische Grenzsignale » (« signaux de frontière phonologique ») par le phonologue structuraliste Trubetzkoy1. Elles ont fait l’objet de nombreux travaux de recherche2, dont quelques-uns les abordent avec une méthodologie expérimentale, et nous savons dès lors qu’elles ont des caractéristiques fonctionnelles très diverses. Les pauses servent notamment à
a) permettre la respiration lors de l’articulation de la chaîne parlée et peuvent, en même temps, être des indices de structuration (aussi bien dans la lecture que dans la parole spontanée et semi-spontané, par quoi on entend la production verbale libre mais suivant des thèmes et/ou avec des interlocuteurs prédéterminés) ;
b) marquer par leur alternance régulière la scansion rythmique de la parole ;
c) indiquer des pauses de réflexion, notamment dans la planification du discours spontané et semi-spontané ;
d) structurer le discours en unités de forme et sens qui ont une affinité avec les unités de la syntaxe (phrases, syntagmes), mais ne correspondent pas toujours exactement avec elles ;
e) indiquer la frontière des paragraphes oraux (appelés aussi paraphones ou paratons par certains3) parallèlement au marquage graphique ou typographique des paragraphes dans les textes écrits, et c’est là une fonction importante. Grâce à des recherches expérimentales4, nous savons que les pauses séparant les paragraphes qui expriment une unité sémantique à l’intérieur d’un texte oraloralité, ont, de fait, une longueur bien plus élevée que celles qui séparent les énoncés5 à l’intérieur d’un paragraphe. Cela vaut pour les modalités de la lecture comme de la production verbale semi-spontanée et spontanée. Dans une analyse acoustique de productions semi-spontanées, on a pu mesurer en millisecondes la longueur des pauses silencieuses (les silences identifiés comme absenceabsence de signal acoustique) situées entre les paragraphes, et celle des pauses entre les énoncés internes aux paragraphes : celles qui séparaient les paragraphes étaient entre trois et cinq fois plus longues que celles qui séparaient les énoncés6.
Par rapport à leurs conséquences pour la syntaxe, je différencie en outre deux typologies :
f) les pauses régulières, qui n’impliquent pas de changement dans l’ordre de la phrase commencée (dont la majorité est à classer parmi les types indiqués auparavant) ;
g) les pauses qui provoquent une rupture dans la syntaxe et ont l’effet d’une rupture de fluidité (angl. fluency) de la parole.
C’est surtout ce dernier type qui est un indice de la réticeréticence, qui signale un empêchement de la parole dont les raisons peuvent être en rapport indirect ou immédiat avec le sujet du discours et, par suite, avec l’état affectif du locuteur. Ce type de pausepause survient souvent quand un locuteur hésite à s’exprimer sur un fait tragique survenu, une mémoiremémoire douloureusedouloureuse, un traumatraumatisme, etc. Tel est le type de pause qui est particulièrement fréquent dans les relations de l’expérience juive de la ShoahShoah. Comme le dit Barbara Pirlot, « la problématique de l’ineffabilité, le phénomène du témoitémoignage impossibleimpossible, le mythe du silence » ont souvent été invoqués à propos des témoignages de la Shoah, c’est l’indicibleindicible, « l’ineffableineffable, l’inénarrable », d’un côté, et l’inaudible et l’incompréhensible, de l’autre7.