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Puissances et défaillances de la parole

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Sabine Forero Mendoza (Université de Pau et des Pays de l’Adour, EA 3002 ITEM)

« Parole empêchée » : la locution sonne étrangement, non en raison du caractère recherché ou peu commun des termes qui la composent, mais parce que l’emploi absolu de l’adjectif verbal reste peu usuel. L’étymologie, qui évoque l’imageimage de liens et lacs enserrant les pieds pour gêner la marche, offre un point d’appui à l’analyse sémantique. Littéralement entravée, la parole empêchée est une parole contrariée, qui ne peut être proférée comme elle le devrait, ou comme on le voudrait. Parole marquée, dans son effectuation, du sceau de l’échec ; parole bloquée qui confronte le locuteur à son impuissance. Il faut donner au participe toute sa valeur passive. Que la parole soit dite empêchée et non pas simplement retenue ou tue, signifie que des obstacles, externes ou internes, viennent interposer une action contraire à la sienne (car la parole est acte, on ne saurait en douter) : ainsi, une anomalie anatomique, un défaut ou une atteinte physiologique, une barrière psychologiquepsychologie, un troubletrouble émotif, une puissance coercitive, physique ou moralemorale.

Évoquer la parole empêchée est définir un terrain où s’opposent des forces, terrain des usages et des partages, borné par l’interditinterdit et la défense, mais diversement transgressé par des conduites de résistancerésistance ou de contournementcontournement. Car si, en droit, il est juste de définir la parole, en empruntant les termes d’Emmanuel LevinasLevinas (Emmanuel), comme « l’action sans violenceviolence »1, il faut reconnaître que, dans la réalité des rapports sociaux pétris de violence réelle tout autant que symbolsymbolique, ce sont les restrictions et les inhibitions, mais aussi les manipulations et les contraintes qui déterminent bien souvent ses pratiques. C’est pourquoi la parole empêchée ne saurait être exactement définie par rapport à un indicibleindicible qui, par son excèsexcès même, déborderait les capacités à dire ou décrire ; elle doit être bien plutôt référée à une situation d’affrontement où le rapport inégal du faible au fort se solde par un manquemanque.

Bridée ou défectueuse, la parole empêchée, parce qu’elle échoue à advenir, renvoie à l’idéal d’une parole libre et entière. On ne peut la penser sans son envers, fût-il tout théorique, de sorte que se demander où réside la déficiencedéficience de la parole, revient à se questionner sur son être et sa puissance, tant il est vrai que tout non-pouvoir est lié à un pouvoir correspondant, qu’il accompagne comme le ferait une ombre. Telle est la double exploration que se propose la présente réflexion.

La parole empêchée

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