Читать книгу La parole empêchée - Группа авторов - Страница 91

« Comment puis-je pleurer cette femme ? » : l’élégie empêchée de Paul de BrancionBrancion (Paul de)

Оглавление

Élodie Bouygues (Université de Franche-Comté, EA 4661 ELLIADD)

À la mort de sa mère en 2006, le poète Paul de BrancionBrancion (Paul de) se surprend à ressentir une forme de chagrin, dont l’origine est tout aussi insoluble que l’expression est problématique : « Maman massive est partie maintenant. Cela ne me console pas. Ma tâche est devant moi. Je suis extrêmement surpris par mon émotionémotion. […] Comment puis-je pleurer cette femme qui a si furieusement détruit tout autour d’elle ? »1. Le recueil Ma Mor est morte paru en 2011 porte l’empreinte de la double épreuve, existentielle et littéraire, à laquelle l’écrivain se trouve confronté : démêler l’écheveau de l’histoire familiale chaotique dont il est issu, et trouver une langue susceptible de porter et de supporter pareille violenceviolence. Comment puis-je pleurer cette femme ? Le comment pose en effet la question du scandale et du mystère que constitue l’émotion du fils blessé par une mère asphyxiante et manipulatrice, figurée en ogresse vorace et obscèneobscénité ; mais aussi celle de la forme que pourrait revêtir l’élégie qui sourd, à la fois irrépressible et comme à contre-cœur.

Nous tâcherons dans un premier temps de mettre au jour une sorte de typologie des causes de la parole empêchée, psychologiquespsychologie et linguistiques, dont on trouve la trace tant dans le texte que dans l’épitexte ; puis, dans un second temps, la solution – le détour – que la parole poétique invente pour parvenir à une re-naissance symboliquesymbole, avant d’aborder, pour finir, le difficile chemin vers la véritévérité que constitue la rédaction de ce recueil de deuildeuil. Car le défi ici n’est pas tant de « rémunérer le défaut des langues », selon l’expression mallarméenneMallarmé (Stéphane), que d’adapter à un objet apparemment indigne – la « cauchemère » (p. 97) – le genre de la plainte élégiaque issue de la traditiontradition avec laquelle ce texte du XXIe siècle partage certaines caractéristiques (la première personne, la dimension autobiographiqueautobiographie, l’évocation du passé, la lamentation). Le recueil publié, soixante proses poétiques numérotées, en trois langues et deux versions en miroir2, se transforme en « élégie de combat »3, c’est-à-dire un chantchant issu d’une lutte contre soi, contre la mère (qui a semé trop de pierres dans le jardin familial) et contre la langue.

La parole empêchée

Подняться наверх